UNION

LES ENSEIGNEMENTS DES MAITRES DE LA HIERARCHIE

H. P. BLAVATSKY ET LES MAITRES DE LA SAGESSE

L'ENQUÊTE DU DOCTEUR HODGSON

L'ENQUÊTE DU DOCTEUR HODGSON


M. Hodgson, l'envoyé de la SRP, était présent à cette mémorable réunion de la convention de décembre 1884 ; le colonel, dans l'innocence de son coeur, lui avait offert une chaude bienvenue. L'apparente amitié de M. Hodgson n'était cependant qu'un prétexte pour cacher son but réel ; son honnête enquête n'était qu'une feinte pour détruire plus surement. Le dépositaire d'une tâche comme celle confiée à M. Hodgson devrait avoir par-dessus tout les capacités, l'honnêteté et l'exactitude nécessaires. Malheureusement pour lui et pour toutes les personnes intéressées, ces qualités spéciales n'étaient guère prééminentes chez M. Hodgson. C'était un jeune homme, très sûr de [92] lui-même, profondément ignorant des manières indiennes et des faits occultes ; plus tard dans la vie il devait acquérir la conviction de la réalité de bien des forces qu'il ridiculisait alors d'un : coeur léger, de phénomènes qu'il regardait comme impossibles, et, dans son ignorance, stigmatisait d'imposture. Son mauvais Karma en avait fait un agent destiné à infliger une grande douleur à une femme innocente – dans cette vie, – et à porter par son intermédiaire, un coup nécessaire, à un grand mouvement spirituel. "En vérité le Fils de l'Homme va selon qu'il est écrit de Lui, mais malheur à celui par qui le Fils de l'Homme est trahi."
Avant de quitter l'Angleterre, M. Hodgson n'avait manifesté aucune faculté d'éclat spécial, et il venait approfondir des incidents hyper physiques chez un peuple qui regardait les Anglais comme indignes de partager leur propre connaissance, et dont beaucoup, comme M. T. Subba Row, ressentaient amèrement la manière dont Mme Blavatsky avait écarté le voile sous lequel ils cachaient leurs secrets de génération en génération. Il est indubitable qu'avec son ignorance anglaise de la pensée indoue et son mépris anglais [93] pour la véracité indoue, il vint se heurter contre les cerveaux de la race la plus subtile du monde, race qui en outre, pour garder ses choses saintes contre l'étranger insolent, n'hésite pas à nier une croyance franchement reconnue devant des gens sympathiques. Je ne blâme pas ce pauvre M. Hodgson d'avoir été berné autant qu'il pouvait l'être – c'est là plutôt une mésaventure qu'une faute, – mais je le blâme pour le préjugé qui lui fit accueillir à bras ouverts tous les soupçons en l'air ou les accusations portées par les ennemis déclarés de la ST., et ignorer tous les témoignages offerts par des amis. Son attitude d'un bout à l'autre fut celle, non de l'investigateur, mais du sceptique qui ne cherche que des preuves d'imposture. M. Sinnett établit bien la situation après la publication du rapport de M. Hodgson. Il écrit :
"Dans ce rapport, même tel qu'il est maintenant, – amendé avec l'aide prolongée de personnes plus expérimentées, bien qu'hostiles au mouvement théosophique, – rien ne suggère qu'il ait même encore commencé à comprendre les conditions primordiales des mystères qu'il a entrepris d'élucider. Il a naïvement supposé que, dès qu'une personne [94] dans l'Inde était visiblement dévouée à l'oeuvre de la Société théosophique, on en pouvait présumer qu'elle désirait s'assurer sa bonne opinion et lui persuader que les phénomènes allégués étaient véritables. Il laisse voir qu'il observa leur conduite et leurs phrases de hasard pour recueillir des concessions qui pussent être retournées contre la cause théosophique. Il semble n'avoir jamais soupçonné ce dont tout chercheur plus expérimenté se serait aperçu tout de suite, à savoir que le mouvement théosophique, en tant qu'il s'occupe de faire connaitre au monde en général l'existence dans l'Inde de personnages appelés Mahatmas, très avancés dans la compréhension de la science occulte, et les vues philosophiques qu'ils professent, est un mouvement qui a été regardé avec une profonde irritation par beaucoup des naturels dévoués à ces Mahatmas, et par beaucoup des plus ardents disciples et étudiants de leur enseignement occulte. L'attitude d'esprit traditionnelle avec laquelle les occultistes indiens regardent leurs trésors de connaissance, est une attitude où la dévotion est largement teinte de jalousie envers tous ceux qui voudraient essayer de pénétrer le secret dont ces trésors ont été [95] jusqu'ici enveloppés. Ils ont été considérés comme n'étant l'acquisition légitime que des personnes qui passent par les ordalies et épreuves usuelles. Le mouvement théosophique dans l'Inde, cependant, entrainait une rupture de ce secret. Les vieilles règles ont été violées sous la responsabilité d'une autorité si haute que les occultistes qui se trouvèrent impliqués dans l'oeuvre ne pouvaient que se soumettre. Mais dans bien des cas cette soumission n'a été que superficielle. Quiconque eût été mieux au courant de l'histoire et de la croissance de la ST. que l'agent de la SRP aurait été à même de désigner, parmi ses membres indigènes les plus fidèles,
beaucoup de personnes dont la fidélité était due seulement aux Maitres qu'elles servaient, et non à l'idée à laquelle ces personnes étaient employées, – tout au moins en tant que ce mouvement avait pour but de démontrer que des phénomènes physiques anormaux peuvent être produits par des Indiens avancés dans la science occulte. Or, pour de telles personnes, l'idée que des profanes européens, si indignement admis d'après elles aux arcanes intimes de l'occultisme oriental, barbotaient dans la croyance qu'ils avaient été trompés, qu'il [96] n'existait rien en fait d'occultisme indien, que le mouvement théosophique était un trompe-l'oeil et une illusion dont ils ne s'occuperaient plus, – cette idée offrait un attrait enchanteur ; et l'arrivée au milieu d'eux d'un jeune homme excessivement confiant en lui-même, venu d'Angleterre pour essayer d'explorer les mystères occultes avec les méthodes d'un détective de Scotland Yard, et exposé à toutes sortes de méprises par son manque total de familiarité avec le ton et le caractère de l'occultisme moderne, fut naturellement pour eux une source d'intense satisfaction. Le comité de la SRP s'imagine-t-il que les occultistes indigènes de la ST dans l'Inde se tordent en ce moment, accablés sous le jugement qu'il a prononcé ? Je suis tout à fait certain, au contraire, que, pour la plupart, ils en rient de bon coeur, avec délices. Il se peut qu'ils trouvent la situation un peu compliquée dans leurs relations avec leurs Maitres, en tant qu'ils ont consciemment contribué au facile égarement de l'esprit de M. Hodgson, mais le spectacle comique que M. Hodgson donne de lui-même dans son rapport, – où nous le voyons ramasser de phrases inachevées et indiquer les points faibles du témoignage de [97] quelques Chélas indous, contre lesquels, s'il avait mieux compris sa tâche, il aurait dû surtout se tenir en garde, – ce spectacle, tout au moins, nous pouvons comprendre qu'ils le trouvent amusant 57."
Après la compétence, l'honnêteté est, pour un reporter, le point le plus important. M. Hodgson était-il honnête ? Là-dessus, j'ai le regret de le dire, il existe une preuve convaincante en faveur de la négative, un fait que j'ai
.
publié en mars 1891 dans une revue bien connue à l'époque, Time et qui, à ma connaissance, n'a jamais été contredit ; il est, de fait, impossible de le contredire. M. Hodgson, dans son rapport, publie
"un plan de la chambre occulte avec le tabernacle et ses environs", (d'après des mesures prises par R. Hodgson, aidé par les déclarations de témoins théosophes).

57 The Occult World Phenomena par A. P. SINNETT, pp. 2-4

À la page 220, M. Hodgson dit que
"l'esquisse sommaire ci-jointe, faite d'après mes propres mesures, montre les positions".
Le lecteur va voir pourquoi j'ai insisté sur le fait que M. Judge, pendant l'été de 1884, avait fait maçonner le trou, puis plâtrer et tapisser le mur ; ceci ayant été fait pendant [98] l'été de 1884, comment M. Hodgson aurait-il pu faire une esquisse sommaire des positions, d'après ses propres mesures, au printemps de 1885 ? On peut demander :
"Comment donc M. Hodgson s'est-il procuré ce plan ?"
La réponse est simple ; M. Judge la donne. Il dit :
"Je fis un plan des lieux en l'état où ils avaient été laissés par les Coulomb, et c'est ce plan qu'Hodgson a plagié pour son rapport, en voulant faire croire qu'il est de lui, qu'il l'a fait sur place ayant sous les yeux ce qu'il prétend avoir dessiné."
Tout ce que M. Hodgson pouvait voir était un mur nu. Je reproduis ; ici les commentaires que je fis dans Time sur cette singulière manière de procéder :
"Je me permets de suggérer que le plagiat du plan d'une autre personne, avec les mesures prises de choses qui n'existaient plus quand M. Hodgson a visité Adyar, sont inconciliables avec la bonne foi. Pourtant toute la terrible accusation contre Mme Blavatsky repose sur le témoignage de cet homme. La Société des recherches psychiques, qui a pris la responsabilité du rapport, n'a aucune autre connaissance des faits que celle fournie par M. Hodgson. Tout roule sur sa véracité. Et il publie le plan d'un autre comme sien, et il [99] prend d'imaginaires mesures d'objets évanouis."
En troisième lieu, M. Hodgson était-il un homme exact, ou hâtif et négligent ? Un seul exemple suffira à montrer l'extrême insouciance avec laquelle il lançait ses accusations. M. Mohini M. Chatterji fait les remarques suivantes sur les pages 357-8 du rapport "En peu de mots, le phénomène consiste en ce que j'ai entendu en même temps deux voix, celle de Mme Blavatsky et une autre, tandis que j'étais assis seul avec elle dans sa chambre, dans la maison de feu M. Nobin K. Bannerji à Darjiling.
"À propos de cet incident", dit M. Hodgson, "je n'ai qu'à rappeler au lecteur le trou dans le mur qui était près du coin de la chambre de Mme Blavatsky. Le complice peut avoir été Baboula, à qui l'on avait dicté d'avance la réponse à faire, avec une feuille de manguier dans la bouche pour déguiser sa voix".
À mon tour, en ce qui concerne cette hypothèse, je n'ai qu'à rappeler au lecteur que l'incident n'eut pas lieu à Madras, où M. Hodgson examina les chambres de Mme Blavatsky, mais à Darjiling, dans l'Himâlaya, plusieurs mois avant que la maison de Madras fût achetée ou occupée. Je laisse à autrui le soin de déterminer [100] quelle lumière est jetée sur les conclusions de M. Hodgson par cette inexactitude, après toute cette patiente et pénétrante enquête, où il se vante d'avoir toujours fait grande attention aux faits 58."
Le premier point acquis au rapport est la présence de trappes et autres arrangements en vue de la fraude dans les chambres occupées par Mme Blavatsky à Adyar. Cette présence est pleinement expliquée dans les pages précédentes, d'où il ressort clair comme le jour que si, contrairement à toute évidence, Mme Blavatsky avait songé à employer ces moyens frauduleux pour accomplir des phénomènes, leur emploi était encore à venir, puisque ces dispositifs n'étaient pas en existence quand elle quitta l'Inde en février 1884, et n'étaient même pas achevés ni prêts à servir en mai 1884, quand ils furent découverts. Mais si cela est vrai, et la vérité en est abondamment prouvée, que devient le compte-rendu détaillé de M. Hodgson à propos de l'arrangement compliqué au moyen duquel une communication était établie entre la chambre à coucher de Mme Blavatsky et l'intérieur du placard ou tabernacle placé dans la chambre occulte ? Il [101] prétend que la moitié supérieure du panneau de fond du placard pouvait glisser – M. Hodgson n'a pas vu le placard, et le docteur Hartmann, qui l'a vu et examiné, dit qu'il avait un fond solide et immuable 59, ce qui est confirmé par d'autres ; M. Hodgson prétend, qu'un miroir était suspendu dans le placard pour cacher la ligne de séparation – personne n'a jamais parlé de ce miroir, mais il y en avait un sur un mur à angle droit avec celui-là, cachant un autre panneau mobile que l'on pouvait voir d'ailleurs dans la salle extérieure ; qu'un trou était fait dans le mur – ce trou n'a jamais existé, nous l'avons vu ; – ensuite, qu'un panneau glissant était pratiqué dans la porte murée – c'est probablement le trou fait dans la cloison, [102] la porte ayant été enlevée ; enfin qu'un panneau mobile était pratiqué dans le fond de la garde-robe. Si quelqu'un entrait dans la garde-robe, ouvrait le fond de la garde-robe et le panneau de la porte – à grands coups de maillet, pour annoncer sa venue, – il pouvait se glisser dans l'espace compris entre la porte et la cloison – si c'était un tout petit garçon, résigné à suffoquer – puis, à travers le trou de la cloison, soulever le sommet du panneau du placard – qui aurait ainsi apparu aux yeux du destinataire attendant sa lettre, pour lui expliquer les coups de maillet, – atteindre le dos du miroir – placé sur l'autre mur de la chambre – et le pousser de côté. Tout cela, M. Hodgson l'a entendu dire au véridique M. Coulomb, et à personne autre. Si M. Coulomb avait ajouté que c'était là son plan, malheureusement interrompu en cours d'exécution, tout cela attrait été assez probable ; Mme Coulomb avait été médium au Caire, et de réputation pas fameuse, et M. Coulomb pouvait bien avoir acquis à son service son habileté de charpentier et ses idées ingénieuses ; les Coulomb peuvent même avoir pensé à utiliser le tabernacle, avec sa réputation déjà bien établie, pour des phénomènes à eux, en [103] vue d'accroitre leurs maigres ressources ; car Mme Blavatsky nous dit comment Mme Coulomb était souvent en colère après elle, parce qu'elle ne voulut jamais montrer 59 "Ce qu'on appelait le tabernacle était un simple placard pendu lâchement sur un mur dans la chambre de Mme Blavatsky. Je l'examinai à cette occasion (le soir de son arrivée), et plus tard plus minutieusement, et je le trouvai pareil à tous les autres placards, meublé d'étagères, avec un fond solide et immuable, suspendu contre un mur selon toute apparence solide et recouvert de plâtre. Cependant, comme il y avait eu jadis dans ce mur une porte qui, d'après ce que me dit Mme Blavatsky, avait été murée, et comme un mur plein, sans soutènement suffisant en dessous, aurait été si lourd que les solives sur lesquelles il reposait auraient pu céder, l'intérieur du mur ne fut pas rempli de briques, mais laissé creux, et il resta entre les briques un intervalle profond de quelque douze pouces". (Report of observations, etc., p. 12.)

58 The Occult World Phenomena, p. 47.

aucun phénomène pour de l'argent, ni les produire de manière à attirer des dons. Mme Coulomb ne voyait pas de bon sens à négliger ce moyen si facile de remplir un trésor souvent à sec, et il est possible que la confection de trous et de panneaux mobiles fût destinée à l'usage exclusif des Coulomb, en vue d'extraire des espèces de la poche des princes indiens récalcitrants, plutôt qu'à un complot élaboré contre Mme Blavatsky. Sur toute cette affaire, M. Hodgson ne fait que répéter M. Coulomb ; il n'est pas un juge, mais le portevoix d'un accusateur, d'un soi-disant complice, passé témoin du ministère public. "M. Coulomb déclare", "une déclaration de M. Coulomb", "selon M. Coulomb", telles sont les assertions réitérées. Et de preuves de ces fraudes, en dehors de cette source contaminée, il n'y en a aucune.
Il peut être utile de compléter l'évidence devant laquelle s'écroule cette partie du cas de M. Hodgson – ou des Coulomb, puisqu'ils sont identiques – au moyen d'une déclaration faite par M. Gribble, "le gentleman employé [104] par les missionnaires comme expert" en ce qui concerne les fausses lettres. Après leur publication, il visita Adyar pour inspecter le "mécanisme de l'imposture" qui, d'après la déclaration du Christian College Magazine, "existe indubitablement, et est admirablement adapté pour la production des phénomènes d'Adyar. Deux théories sont possibles en ce qui le concerne. Ou bien il a été construit pour Mme Blavatsky, et employé par elle à la production de ces phénomènes ; ou il a été construit après le départ de Mme Blavatsky, pour ruiner sa réputation".
Il y a une troisième possibilité, celle que nous venons de suggérer, qu'il peut avoir été destiné à l'usage particulier des Coulomb, durant les fréquentes absences de Mme Blavatsky. La fausseté de la première théorie a été prouvée, puisque le mur et le dos du tabernacle étaient tous deux intacts, après comme avant qu'elle eût quitté Adyar. La seconde théorie, par conséquent, tient bon. M. Gribble dit :
"On me montra aussi deux des portes glissantes et des panneaux que l'on dit avoir été construits par M. Coulomb après le départ de Mme Blavatsky. Un de ces panneaux est à l'extérieur de la chambre appelée occulte, en haut. Tous deux [105] ont été faits sans qu'on ait le moins du monde essayé de les cacher. Le premier est au haut d'un escalier de derrière, et consiste en deux portes qui ouvrent dans une espèce d'étagère à livres."
Il y avait une bibliothèque contre le mur séparant la chambre occulte de la salle extérieure, et ce panneau était derrière un miroir suspendu entre les deux corps de la bibliothèque, avec une étagère devant ; c'est probablement ce miroir dont M. Coulomb parla à M. Hodgson, transporté dans le tabernacle pour les besoins de l'histoire. Continuons avec M. Gribble :
"Ceci parait avoir été installé pour pouvoir mettre des aliments sur les étagères intérieures, sans ouvrir la porte 60. L'autre arrangement est un panneau glissant qui se soulève 61, et s'ouvre et se ferme avec difficulté. Il est évidemment de construction récente. Certainement dans son état actuel il serait difficile de n'accomplir aucun phénomène par son intermédiaire. Aucune de ces deux structures [106] ne communique avec le tabernacle, qui est placé sur le mur en travers séparant la chambre occulte d'une chambre à coucher voisine 62".
M. Gribble semble avoir été un véritable Balaam, amené par les missionnaires pour maudire leurs ennemis, et les bénissant au contraire.
Surement, devant cette évidence écrasante, de tant de sources, opposée à l'unique déclaration de M. Coulomb, transcrite par M. Hodgson, nous ne devrions plus entendre parler des phénomènes frauduleux se rattachant au tabernacle de la chambre occulte d'Adyar.
On peut ajouter un paragraphe final sur cette partie de l'affaire : le tabernacle n'était pas fixé au mur, comme nous l'avons vu, mais y était simplement suspendu, et facile à enlever. En dehors d'un pensionnaire de Bedlam, qui donc aurait élaboré un appareil compliqué pour y produire des phénomènes frauduleux, puis l'aurait laissé librement suspendu au-dessus de l'ouverture, de façon que n'importe qui pût jeter un coup d'oeil derrière et voir le trou, ou l'enlever et démasquer toute l'affaire ? Indépendamment de cela, Mme Blavatsky était entourée de phénomènes [107] partout où elle allait, et le tabernacle fut fait seulement en 1883, après son arrivée à Adyar ; elle aurait pu tout au plus l'employer pendant les quelques mois qu'elle y passa, et sa présence ne peut expliquer les phénomènes accomplis de 1874 à 1882, dont se portent garants des hommes honorables, américains, européens et indiens. En outre, les phénomènes se rattachant au tabernacle ont continué après qu'elle eut quitté Adyar pour l'Europe. Il est nécessaire, si l'on doit accorder crédit au rapport de la SRP, non seulement de condamner Mme Blavatsky pour imposture, mais de condamner aussi les gens honorables associés avec elle, durant toutes ces années, comme conjurés et filous. Même s'ils ont été ses dupes pendant qu'elle était présente, il faut qu'ils soient devenus coopérateurs actifs de la fraude lorsqu'elle était absente.

60 Cette idée de l'agent des bons missionnaires se recommandera sans doute d'elle-même aux Indous, qui ont l'habitude de se faire passer des aliments dans leurs chambres poûdja !
61 Probablement celui qui était destiné au dos du tabernacle.
62 Report of the result, etc., p. 103.

La seconde accusation de M. Hodgson consiste dans les fausses lettres produites par Mme Coulomb, et qu'elle prétend venir de Mme Blavatsky. La seule preuve de leur authenticité est la parole de Mme Coulomb, et l'opinion de deux experts, MM. Netherclift et Sims. Cette opinion perd beaucoup de sa valeur par le fait que M. Netherclift et M. Sims, – [108] dans cette affaire de la reconnaissance de l'écriture de Mme Blavatsky, – ont varié et se sont contredits eux-mêmes ; M. Hodgson leur soumet de l'écriture qu'il croyait faite par elle, et est "surpris de voir" qu'ils pensaient qu'elle n'est pas d'elle. Lorsque cependant cette même écriture "lui est présentée de nouveau", M. Netherclift est d'avis que c'est la sienne "sans aucun doute", et M. Sims aussi a la complaisance de changer d'opinion.
La valeur de pareilles opinions d'experts a été bien montrée dans le procès intenté par M. Parnell au Times ; le Times avait été trompé, comme le fut M. Hodgson, par un habile faussaire et eut gros à payer pour sa confiance en des experts du type Netherclift. Leur témoignage fut prouvé sans valeur, et le faussaire, convaincu de fraude, expia publiquement par le suicide. M. Montague Williams, G.C., l'éminent avocat, rapporte un cas où ce même M. Netherclift et un autre expert jurèrent positivement qu'un certain écrit était d'un certain homme, alors qu'il fut prouvé qu'il émanait d'un autre ; il considère leur témoignage sur les écritures comme dénué de toute valeur, et dit :
"À mon avis, ils sont absolument [109] indignes de confiance 63".

63 Leaves from a Life, p. 263.

C'est pourtant cet homme absolument indigne de confiance, avec son témoignage dénué de toute valeur, qu'il faudrait mettre en balance avec la grande masse de témoignages certifiant l'identité évidente de l'écriture des lettres reçues par l'intermédiaire de Mme Blavatsky et de celles qui ont été reçues loin d'elle. En face de la parole de Mme Coulomb et de l'opinion sans valeur des experts, je dresse les preuves données ci-dessus, pp. 33 à 40 et je me contente de laisser le public se faire une opinion.
La troisième accusation de M. Hodgson est que certaines lettres prétendues du Mahatma Kout-Houmi ont été écrites par Mme Blavatsky, ou dans certains cas par Damodar. En ce qui concerne ce jeune gentleman indou, on peut dire qu'il abandonna famille, richesse et amis et devint un hors-caste, afin de se dévouer à un travail incessant et à des difficultés de toutes sortes, pour l'amour de la Société théosophique. Il perdit tout pour cela, et ne gagna que – son Maitre.
Le gain, en vérité, dépasse un million de fois la perte, si le gain était réel. Mais dans l'hypothèse que Damodar se fit le complice [110] d'une fraude et se réclama d'un Maitre non existant, on se demande : Dans quel but ? Un Brâhmana de haute classe n'est guère disposé à vivre et manger avec des Européens, à s'appauvrir et à perdre sa caste par amour pour eux. Est-il concevable qu'il aurait ainsi souffert pour prendre part à une duperie qui ne lui rapportait rien ? Tout au moins il croyait assez fortement à cette duperie pour avoir quitté Adyar, quand il fut convaincu que Mme Blavatsky ne reviendrait pas, pour avoir voyagé vers le nord, pour s'être plongé dans les déserts de l'Himâlaya et avoir franchi leurs défilés couverts de neige, dans le but de trouver l'ermitage de celui en qui il croyait. C'est ainsi qu'il passa hors de l'histoire de la société.
Les experts susmentionnés ont changé d'opinion quant à la provenance des lettres qui leur furent soumises : ils ont dit d'abord qu'elles n'étaient pas de Mme Blavatsky ; puis, ceci ne satisfaisant pas M. Hodgson, ils ont dit qu'elles venaient d'elle. Contre leur jugement variable on peut dresser celui de Herr Ernst Schütze, expert en calligraphie de la cour de Berlin, qui a témoigné sous serment que la lettre du maitre KH.
"n'a pas la moindre [111] ressemblance avec la lettre de Mme Blavatsky", et qui a écrit :
"Je dois vous assurer très positivement que si vous avez cru que les deux lettres venaient d'une seule et même main, vous étiez dans l'erreur la plus complète".
M. Hodgson a fait un minutieux examen des lettres et pense que c'est elle qui les a écrites ; des douzaines d'autres personnes sont arrivées à la conclusion exactement opposée. Certainement, de prime abord, les deux écritures sont aussi différentes qu'elles peuvent l'être, et quand nous nous rappelons l'énorme masse de lettres pareilles reçues par son intermédiaire, il est difficile de concevoir qu'elle ait pu écrire ces feuilles innombrables de manuscrits sans une défaillance, et de cette belle écriture claire qui ressemble si peu à sa calligraphie à elle, qui, bien que caractéristique, est loin d'être admirable. Mais la difficulté vraiment insurmontable qui barre le chemin à la théorie de M. Hodgson, c'est que des lettres de cette même belle et délicate écriture sont venues à diverses personnes par toutes sortes de procédés où Mme Blavatsky ne pouvait en aucune façon avoir pris part. De telles lettres ont été reçues, et pas par la poste, quand elle était à des milliers de milles [112] de distance, et j'ai cité plus haut un certain nombre de cas où cette écriture a été reçue quand il était physiquement impossible qu'elle y eût mis la main. Tels sont les faits solides dressés contre les suppositions de M. Hodgson.
Les présomptions, à défaut de faits, frappent étrangement le lecteur sensé par leur caractère en l'air et sans fondement.
"Il peut être arrivé ainsi… il est probable que… on peut suggérer que… tel ou tel… a peut-être fait telle chose."
Voilà les variations sur les citations de M. Coulomb.
La seule idée réellement originale du rapport est le motif suggéré par M. Hodgson pour les actions prétendues de Mme Blavatsky. Voilà une dame russe, dont la haute naissance et la haute position sociale sont reconnues, qui se met à jouer un rôle ridicule en Europe, en Amérique et dans l'Inde, au prix de sa ruine financière et sociale, sans rien y gagner que l'outrage et la calomnie, alors qu'elle pourrait vivre luxueusement, en grande dignité, dans son pays. M. Hodgson repousse l'idée d'une monomanie religieuse ; il admet que le profit pécuniaire n'était pas son but, et rejette la théorie d'un "désir morbide de notoriété". "Une [113] conversation de hasard" lui a enfin ouvert les yeux, et il a découvert le secret de son étrange carrière : elle était un agent de la Russie, et "son but suprême était le progrès des intérêts russes". Cette docte conclusion est peut-être le meilleur critérium des capacités de M.
Hodgson, d'autant mieux qu'elle est en partie basée sur "un écrit fragmentaire qui forme l'un des documents Blavatsky-Coulomb", en bon français, un morceau de papier déchiré ramassé dans le panier de Mme Blavatsky par Mme Coulomb.

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