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Catégorie : HIERARCHIE.EU
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CHAPITRE X

ÉTATS HUMAINS DE LA CONSCIENCE

1

LA SUBCONSCIENCE


Nous avons déjà remarqué qu'un grand nombre des activités de la conscience, lorsqu'elles ont une fonction définie, deviennent automatiques et tombent graduellement au-dessous du "niveau de la conscience". Les activités qui entretiennent la vie du corps – comme le battement, l'expansion et la contraction du coeur, la digestion, etc. – sont toutes tombées dans une région de la conscience sur laquelle elle ne concentre pas son attention. Il y a un grand nombre de phénomènes qui, bien qu'ils n'aient pas directement affaire avec l'entretien de la vie du corps, font partie de cette région inexplorée. Le système sympathique est le magasin de réserve des traces qu'ont laissées les événements passés, événements qui ne font pas partie de notre vie présente, mais qui ont eu lieu, il y a des siècles, dans des vies passées lorsque le Jivâtmâ, qui est notre Soi, occupait des corps d'hommes sauvages ou d'animaux. Bien des terreurs [176] vagues, des frayeurs dans les ténèbres, bien des impulsions de cruauté vindicative, bien des élans subtils de vengeance et de passion, émanent des profondeurs de ce sombre océan de la subconscience qui mugit au-dedans de nous et cache plus d'une dépouille, plus d'un squelette de notre passé. Apportés par la conscience astrale d'alors à son instrument physique, afin d'être exécutés, ces événements ont été saisis et enregistrés par cette plaque toujours sensible qu'offre l'atome permanent, et d'une vie à l'autre, ils se trouvent recueillis dans les profondeurs du système nerveux. Que la conscience se trouve occupée ailleurs, qu'une forte vibration émanant d'une autre conscience vienne nous frapper, qu'un évènement ait lieu, reproduisant des circonstances qui donnent naissance à certaines vibrations pour une cause ou pour une autre, ces possibilités qui dorment au plus profond de nous-mêmes sont réveillées brusquement et les passions ensevelies depuis longtemps réapparaissent tout à coup au grand jour. C'est dans ces régions que se cachent aussi tous ces instincts dont notre raison souvent n'est pas maitresse, ces instincts qui, dans les temps passés, furent des efforts, des luttes pour la vie, les résultats des expériences au cours desquelles notre corps d'alors trouva la mort, résultats que l'âme a enregistrés et d'après lesquels elle règlera sa conduite dans les âges futurs. C'est là aussi que dorment les instincts d'amour pour le sexe opposé, résultats d'unions sans nombre, les instincts d'amour paternel et maternel entretenus pendant des générations, les instincts de défense personnelle, développés au cours de luttes innombrables ; les instincts qui poussent l'individu à profiter d'un avantage [177] déloyal, résultat d'un nombre infini de tromperies, d'intrigues ; c'est là aussi que sommeillent maintes vibrations provenant d'expériences, de sensations, de désirs de notre vie présente, tous vécus et oubliés, mais prêts à réapparaitre au moindre appel. Le temps nous manquerait pour analyser tout ce que renferme ce musée des reliques d'un passé qui se perd dans la nuit des temps, vieux débris qui reposent là, côte à côte, avec les fragments plus intéressants d'époques ultérieures, et les instruments encore nécessaires à nos besoins présents. Sur la porte d'entrée de ce musée de vieilles reliques est écrite cette devise : "Fragments du Passé" car la subconscience appartient au Passé, comme la conscience de veille appartient au Présent, et la super-conscience au Futur.
Une autre région de la subconscience en nous, est formée de ces innombrables consciences secondaires qui se servent de notre corps comme champ d'évolution – atomes, molécules, cellules de différentes sortes. Un grand nombre de ces apparitions bizarres, de ces images curieuses provenant de la subconscience en nous, ne nous appartiennent pas en réalité ; elles ne sont que les tâtonnements obscurs, les folles terreurs, les fantaisies bizarres des unités de conscience qui, à un degré d'évolution inférieur au nôtre, sont nos hôtes et font de notre corps leur demeure.
C'est dans cette partie de la subconscience que se livrent ces luttes entre les différents groupes d'êtres qui ont élu domicile dans notre sang, luttes dont nous n'avons pas conscience, si ce n'est lorsqu'elles se manifestent sous forme de maladies.
La subconscience humaine, agissant sur le [178] plan physique, est donc composée d'éléments extrêmement variés, et il est nécessaire de l'analyser et de la comprendre pour pouvoir distinguer ses activités de celles de la véritable super conscience de l'homme, qui ressemble aux instincts par la soudaineté de ses activités, mais qui en diffère totalement par sa nature et la place qu'elle occupe dans l'évolution appartient au Futur, tandis que les instincts font partie du Passé ; il y a autant de différence entre les deux qu'entre les vestiges d'organes atrophiés, registres de l'histoire du passé, et les rudiments d'organes à l'état de germes, symboles des progrès futurs.
Nous avons vu aussi que la conscience, agissant sur le plan astral, a construit et construit encore actuellement le système nerveux destiné à servir d'intermédiaire à ses instruments sur le plan physique ; mais ceci ne fait pas partie non plus de ce qu'on appelle, à ce degré d'évolution, la conscience de veille. Chez la majorité des hommes, c'est la conscience agissant sur le plan mental qui, actuellement, élabore et organise le corps astral et en fait son futur instrument sur le plan astral ; mais ceci ne fait pas non plus partie de la conscience de veille. Qu'est-ce donc alors que la conscience de veille de l'homme ?


2 — LA CONSCIENCE DE VEILLE


La conscience de veille est la conscience qui, tout en agissant sur les plans mental et astral, en employant comme véhicule la matière de ces plans, a son siège dans le cerveau physique sous [179] forme de soi-conscience 58 et emploie ce cerveau avec le système nerveux qui s'y rattache, comme instrument de la volonté, de la connaissance et de l'activité sur le plan physique. Dans la conscience de veille, le cerveau est toujours actif, toujours en vibration ; son activité, en tant qu'organe transmetteur, peut être stimulée de l'extérieur par l'intermédiaire des sens ou bien des plans intérieurs par la conscience ; mais il est sans cesse en activité et répond continuellement aux influences du dedans et du dehors. Chez la majorité des hommes, le cerveau est la seule partie de l'organisme dans laquelle la conscience est devenue, d'une façon nette et précise, la soi-conscience, la seule où l'individu se sent véritablement "Je" et s'affirme comme unité individuelle séparée. Dans toutes les autres parties de son être, la conscience tâtonne vaguement, répondant bien aux impacts du dehors, mais ne les définissant pas encore ; consciente des changements qui se produisent dans ses propres états d'être, mais inconsciente d'autrui et de soi-même. Chez les individus les plus évolués de la race humaine, la conscience, agissant sur le plan astral et le plan mental, est très riche et très active, mais son attention n'est pas encore tournée vers l'extérieur, vers les mondes astral et mental dans lesquels elle vit, et ses activités se manifestent à l'extérieur dans la soi-conscience sur le plan physique vers lequel elle dirige toute son attention, et sur lequel se déversent [180] autant des activités supérieures que ce plan est capable d'en recevoir. De temps à autre, sur le plan mental et le plan astral, des impacts violents donnent naissance, dans la conscience, à une vibration tellement puissante qu'une vague de pensée ou d'émotion s'élève dans la conscience de veille et l'agite si violemment que ses activités normales sont arrêtées, submergées, et, l'individu est poussé à commettre un acte qui échappe complètement au contrôle de la soi-conscience. Nous examinerons ceci avec plus de détails lorsque nous en arriverons à la conscience hyperphysique.

58 Voir chapitre IX, 1, 2, pour la différence entre la Conscience et la Soi-Conscience ; et chapitre VI, 3, pour l'exposition de la Conscience physique, qu'il ne faut pas confondre avec la Conscience de veille.

On peut donc dire que la conscience de veille est cette partie de la conscience totale qui fonctionne dans le cerveau et le système nerveux et qui est nettement soi-consciente. Nous pouvons nous figurer la conscience comme une grande lumière qui brille à travers un globe de verre serti dans l'épaisseur d'un plafond ; la lumière qui traverse le globe éclaire la chambre au-dessous, tandis que la lumière elle-même remplit la chambre au-dessus et rayonne librement en tous sens. La conscience est comme un gros oeuf lumineux dont une pointe seulement est insérée dans le cerveau, et cette pointe, c'est la conscience de veille. Lorsque la conscience, sur le plan astral, sera devenue soi-conscience et que le cerveau sera assez développé pour répondre à ses vibrations, la conscience astrale commencera à faire partie de la conscience de veille. Plus tard, lorsque la conscience sur le plan mental sera devenue soi-conscience, et que le cerveau sera assez développé pour répondre à ses vibrations, la conscience mentale fera partie de la conscience de veille – et ainsi de suite jusqu'à [181] ce que toute la conscience, sur les cinq plans, ait évolué jusqu'à la conscience de veille.
Le développement de cette conscience est accompagné d'un développement des atomes, ainsi que de certains organes du cerveau ; et des liens de rapport entre les cellules se forment. Car, pour que la conscience astrale puisse faire partie de la conscience de veille, il est indispensable que le corps pituitaire atteigne un développement supérieur à son état actuel, et que le quatrième groupe de spirilles des atomes soit parachevé. Pour que la conscience mentale fasse partie de la conscience de veille, il faut que la glande pinéale entre en activité et que le cinquième groupe de spirilles ait atteint son parfait développement. Tant que le développement de ces organes physiques n'est pas parfait, la soi conscience pourra être développée sur le plan astral et le plan mental, mais elle demeurera toujours super-conscience, et ses activités ne pouvant pas se manifester dans le cerveau physique, elle ne fera pas partie de la conscience de veille.
La conscience de veille est limitée et conditionnée par le cerveau aussi longtemps que l'homme a un corps physique, et une blessure quelconque infligée à cet organe, une lésion, un trouble quelconque, arrêteront la manifestation de la conscience. Si hautement évoluée que soit la conscience d'un individu, elle est limitée par son cerveau dans ses manifestations sur le plan physique, et si ce cerveau est mal conformé ou peu développé, la conscience de veille sera pauvre et limitée.
Lorsque le corps physique disparait, le mode d'expression de la conscience change, et ce que [182] nous avons dit des conditions physiques transféré au plan astral. Nous pouvons donc amplifier notre définition première et dire d'une façon générale que la conscience de veille est cette portion de la conscience totale qui a dans son véhicule le plus extérieur, c'est-à-dire qui se manifeste sur le plan le plus inférieur avec lequel la conscience, à n'importe quel moment, est en contact.
Aux premiers degrés de l'évolution humaine, la conscience est peu active sur les plans intérieurs, excepté lorsqu'elle est stimulée par les influences venant des plans extérieurs. Mais à mesure que la soi-conscience s'affirme sur le plan physique, elle vient enrichir, avec une rapidité toujours grandissante, le contenu de la conscience sur les plans intérieurs ; la conscience, agissant sur son propre contenu, évolue rapidement, si bien que ses pouvoirs internes dépassent de beaucoup les possibilités de manifestations qu'offre le cerveau, et ce dernier devient une limite, un obstacle, au lieu d'être une aide et un collaborateur. La pression que la conscience exerce alors sur son instrument devient parfois dangereuse par sa puissance, et cause une tension nerveuse qui met en danger l'équilibre du cerveau, incapable de s'adapter assez rapidement aux vibrations intenses qui l'assaillent de tous côtés. C'est pourquoi l'on peut dire en vérité que "rien n'est plus près de la folie que le génie lui-même". Seul le cerveau hautement évolué et délicatement organisé de l'homme de génie peut lui permettre de se manifester sur le plan physique ; mais c'est ce même cerveau qui perdra le plus facilement son équilibre, sous l'influence des violentes [183] vibrations de ce génie – et alors, c'est la folie. Il est vrai que la folie – l'incapacité du cerveau à répondre normalement aux vibrations – peut avoir aussi pour cause un manque de développement ou un arrêt de croissance dans l'organisme du cerveau ; cette sorte de folie n'a rien à voir avec le génie ; mais il est un fait certain, un fait extrêmement important, c'est qu'un cerveau qui est en avance sur l'évolution normale, et qui a développé des combinaisons nouvelles d'atomes, des combinaisons plus délicates, permettant à la conscience de se manifester plus complètement, est de tous les cerveaux celui qui sera le plus facilement mis hors d'usage, si le moindre dérangement se produit dans son mécanisme encore insuffisamment élaboré pour résister à une trop grande tension. Nous reviendrons à ceci plus loin, en examinant la conscience superphysique.


3 — LA CONSCIENCE SUPERPHYSIQUE


Les psychologues occidentaux s'adonnent depuis quelque temps à l'étude des états de conscience autres que ceux de veille ; ils ont donné à ces états différents noms, comme conscience anormale, subconscience, l'inconscient, et fréquemment, conscience de rêve, parce que le rêve est la forme la plus généralement reconnue, la forme universelle d'un autre état de conscience. On considéra tout d'abord ces états comme des conditions morbides du cerveau ; cette théorie est encore très répandue, mais les plus avancés parmi les psychologues, ont adopté une façon de voir plus large, et ils commencent à étudier ces [184] états comme des manifestations définies de la conscience, mais des manifestations qui se produisent dans des conditions, sinon morbides, du moins difficiles à comprendre. Certains d'entre eux admettent la présence d'une conscience plus large, dont une fraction seulement peut se manifester dans le cerveau, au stade actuel de son développement. Les sages de l'Orient ont, depuis de longs âges, considéré cette autre conscience comme supérieure à la conscience de veille ; pour eux, c'est cet état où la conscience est libérée des entraves et des restrictions du cerveau physique, et agit dans un médium plus subtil, plus plastique, mieux adapté à ses besoins. On a toujours regardé le rêve comme une phase de cette activité hyper physique, un contact avec les mondes supérieurs ; il y a des moyens d'éveiller la soi-conscience dans le monde des rêves, de libérer à volonté du corps physique la soi conscience revêtue de ses enveloppes supérieures, en sorte qu'au lieu de répondre d'une façon vague et confuse aux impacts des mondes supérieurs – comme dans les états inférieurs du rêve – elle peut arriver, dans ces mondes, à une vision nette et précise de ce qui l'entoure. Pour arriver à ce résultat, il faut d'abord que, dans ses véhicules supérieurs, elle soit séparée du corps physique et éveillée à l'activité sur le plan astral ; car, avant qu'elle soit devenue consciente d'elle-même en dehors du corps physique, il lui est impossible de faire, dans l'état de rêve, une distinction entre les expériences hyper physiques, et les expériences fragmentaires et chaotiques du plan matériel, qui viennent se mêler à elles dans le cerveau. De même que l'eau limpide versée dans un vase malpropre [185] perd sa pureté, de même une expérience astrale tombant dans un cerveau rempli d'images fragmentaires d'expériences physiques passées, devient confuse, imprécise, défigurée 59. C'est pourquoi les psychologues d'Orient cherchèrent les moyens de séparer la soi-conscience de son véhicule physique, et il est intéressant de remarquer que, par ces moyens, différents de ceux d'Occident, et dont le seul but est d'élargir le champ de la conscience, on réduit le corps à un état de quiétude parfaite, semblable à celle que provoquent, par des moyens physiques, nos psychologues occidentaux.

59 L'étudiant fera bien de lire attentivement le livre de C. W. LEADBEATER sur les Rêves.

La super-conscience comprend la totalité de la conscience supérieure à la conscience de veille, c'est-à-dire tout ce qui, sur les plans supérieurs, ne vient pas se manifester sur le plan physique par l'intermédiaire de la soi conscience agissant dans le cerveau. Elle est donc extrêmement complexe et couvre un grand nombre de phénomènes. Le rêve, comme nous l'avons dit, en fait partie, ainsi que toutes ces activités de la conscience astrale qui se traduisent sous forme de pressentiments, d'avertissements, de visions de ce qui se passe en un lieu éloigné ou d'événements futurs, vagues influences des autres mondes, intuitions incompréhensibles. À elle aussi appartiennent toutes ces activités de la conscience mentale – inférieure ou supérieure – qui nous apparaissent sous forme de compréhension intuitive, visions soudaines des lois de cause à effet, inspirations mentales ou morales, traits de génie, visions [186] merveilleuses, artistiques, etc. Ces irruptions de la conscience supérieure dans le plan physique présentent un caractère frappant d'inattendu, de conviction, d'impérieuse autorité, et un manque complet de toute cause apparente. Elles n'ont aucun rapport – tout au moins aucun rapport direct – avec le contenu de la conscience de veille ; elles ne se justifient pas envers elle, mais s'imposent, tout simplement.
Pour amener la conscience supérieure à se manifester sur le plan physique, il est nécessaire, au début, de réduire le cerveau à l'inactivité complète, de rendre les organes des sens insensibles aux impacts physiques et, en séparant du corps l'entité consciente, de plonger ce corps dans ce qu'on appelle l'état de transe. La transe n'est que l'état de sommeil provoqué artificiellement ou de façon anormale ; que ce soit par des moyens mesmériques, hypnotiques, médicaux ou autres, le résultat est le même en ce qui concerne le corps physique. Mais les résultats sur les autres plans dépendront de l'évolution de la conscience sur ces plans, et une conscience hautement évoluée ne permettrait pas l'emploi de méthodes hypnotiques ou bien des drogues, si ce n'est peut-être un anesthésique, en cas d'opération – mais elle pourra, dans des circonstances exceptionnelles, admettre l'emploi du mesmérisme pour provoquer l'état de transe. La transe peut être provoquée par une influence émanant des plans supérieurs ou par une concentration intense de la pensée ou par la contemplation de l'objet de dévotion, contemplation qui amène l'extase. Ce sont là les méthodes qu'ont employées de temps immémorial les Râja yogis d'Orient, et c'est par [187] cette contemplation extatique que les saints d'Occident provoquent l'extase. Il est impossible de faire une distinction entre cet état de transe et celui qu'on produit à la Salpetrière et ailleurs par les moyens dont nous avons parlé plus haut. Les hâtha yogis arrivent aussi à produire l'extase par des moyens à peu près identiques – en regardant fixement un point noir sur un mur blanc ou en fixant leurs regards sur la pointe du nez ou autres pratiques de ce genre.
Mais si l'on étudie ces états avec des pouvoirs visuels, et des moyens de contrôle autres que ceux du plan physique, quelle différence apparait entre les états de conscience hyper physique du sujet hypnotisé et du yogi ! H. P. Blavatsky, dans la Doctrine Secrète, nous en parle en ces termes :
"Dans l'état de transe, l'aura se transforme complètement et on ne peut plus distinguer les unes des autres les sept couleurs du prisme. Durant le sommeil, ces couleurs ne sont pas toutes présentes non plus ; car celles qui appartiennent aux éléments spirituels dans l'homme – c'est-à-dire le jaune de Bouddhi, l'indigo du manas supérieur, et le bleu de l'enveloppe aurique – sont, ou bien à peine visibles, ou bien totalement absentes. L'Homme spirituel est libéré durant le sommeil et, bien que sa mémoire physique puisse ne pas en avoir conscience, il vit, enveloppé de son essence la plus subtile, sur d'autres plans, dans ces royaumes qui sont les mondes de la réalité, et que sur notre plan d'illusion nous appelons le monde des rêves. Si un clairvoyant entrainé pouvait observer en même temps un yogi en état de transe et un sujet hypnotisé, il apprendrait [188] une grande leçon d'occultisme. Il apprendrait à connaitre la différence entre la transe provoquée par le sujet lui-même et l'état d'hypnose résultant d'une influence extérieure. Chez le yogi, les principes du quaternaire inférieur disparaissent complètement. On ne trouve ni le vert, ni le rouge-violet, ni le bleu aurique du corps causal, tout au plus voit-on
quelques vibrations imperceptibles du principe prânique aux reflets dorés, et une petite flamme violette striée d'étincelles d'or qui s'échappe du sommet de la tête, dans la région où se trouve le troisième oeil, et qui va se terminer en un point. Si l'étudiant veut bien se rappeler que le violet véritable, l'extrême limite du spectre, n'est pas une couleur composée de rouge et de bleu, mais bien une couleur homogène, dont les vibrations sont sept fois plus rapides que celles du, rouge, s'il se rappelle aussi que la teinte dorée est l'essence des trois lignes jaunes, du rouge-orangé au jaune-orangé et au jaune-jaune, il comprendra pourquoi le yogi vit dans son propre corps aurique, devenu le véhicule de bouddhi-mânas. Par contre, chez le sujet en état de transe hypnotique ou mesmérique, provoquée par des moyens artificiels – sorte de magie noire inconsciente ou même consciente, à moins qu'ils ne soient employés par un adepte – tout le groupe des principes est présent avec le mânas supérieur complètement paralysé, et Bouddhi séparé de lui par cette paralysie même ; quant au corps astral rouge-violet, il est entièrement sous la domination du mânas supérieur et du kâma roûpa 60".
Cette différence de conditions, que le [189] clairvoyant observe chez le sujet en état de transe, se traduit ensuite par une différence d'une importance capitale, dans ses résultats ultérieurs. Le yogi qui abandonne son corps, le quitte avec toute sa soi-conscience, explore les mondes supérieurs en pleine possession de ses facultés, et lorsqu'il retourne à son corps physique, il imprime dans son cerveau, hautement développé, le souvenir des expériences par lesquelles il a passé. Mais l'individu peu évolué, plongé dans l'état de transe, "perd connaissance" ; si la soi conscience n'est pas développée sur les plans supérieurs, son pouvoir de perception ne se tournera pas vers l'extérieur sur ces plans ; il est pour ainsi dire aussi endormi dans ces mondes astral et mental qu'ici-bas sur le plan physique, et lorsqu'il se réveille de sa transe, il ne sait absolument rien de ce qui s'est passé autour de lui.

60 Doctrine Secrète, VI, 184, 195.

Cependant, si le sujet est assez développé – et la plupart des hommes de notre évolution actuelle le sont – pour être soi-conscient sur le plan astral, il pourra, avec avantage, répondre aux questions qui lui seront posées pendant l'état de transe. Car, lorsque cet état est provoqué artificiellement, le cerveau, n'étant plus le jouet de l'action et de la réaction qui d'ordinaire a lieu entre lui et les choses qui l'entourent, devient, si imparfait qu'il soit, un instrument de la conscience supérieure. Isolé de son entourage physique, insensible aux stimuli extérieurs auxquels il a coutume de répondre, débarrassé de tout lien avec les principes inférieurs, mais restant en communication avec les principes supérieurs, il continue à répondre aux impacts d'en haut et d'une façon beaucoup plus nette, car [190] aucune de ces énergies ne va se perdre dans le plan physique. C'est en cela que réside l'essence même de l'état de transe. Lorsque toutes les avenues des sens sont volontairement fermées, les forces, qui se déversent par ces avenues dans le monde extérieur, restent à la disposition de la conscience supérieure, prêtes à la servir. C'est au milieu de ce silence, imposé aux activités physiques, que les voix des plans supérieurs peuvent se faire entendre.
Dans la transe hypnotique, on observe une grande intensification des pouvoirs du mental ; la mémoire embrasse un champ beaucoup plus grand ; les faibles vibrations laissées par les événements passés deviennent perceptibles lorsque les vibrations plus puissantes des expériences récentes sont arrêtées temporairement ; le sujet se souvient de personnes qu'il avait complètement oubliées à l'état de veille ; il se remet à parler des langages qu'il connaissait dans son enfance, mais qu'il avait oublié depuis des événements sans importance, lui reviennent en mémoire. Parfois l'activité des pouvoirs de perception est intensifiée d'une façon extraordinaire ; le sujet a connaissance d'événements qui se passent dans un lieu éloigné ; sa vision traverse les obstacles physiques ; il entend des paroles prononcées à une grande distance. Des fragments des plans supérieurs deviennent parfois visibles pour lui, mêlées aux formes-pensées de l'état de veille. Mais on a écrit un grand nombre de livres sur ce sujet, et ceux que cela intéresse pourront les consulter.
On a remarqué aussi que les résultats de la transe profonde ne sont pas les mêmes que dans la transe superficielle. À mesure que la transe [191] devient plus profonde, des états de conscience hyper physique se manifestent dans le cerveau. Tout le monde connait le cas de la fameuse Léonie n° 1, 2 et 3. Il faut observer que Léonie n° 1 ne savait absolument rien de Léonie n° 2 ou 3 ; que Léonie n° 2 connaissait Léonie n° 1, mais pas la moindre idée de Léonie n° 3 ; et que Léonie n° 3 connaissait parfaitement Léonie n° 1 et Léonie n° 2 ; c'est-à-dire que le supérieur connait l'inférieur, tandis que ce dernier n'a aucune idée du premier – un fait très significatif.
Dans la transe magnétique, les phénomènes supérieurs apparaissent plus facilement que dans la transe hypnotique ; on peut ainsi obtenir des renseignements précis sur le plan astral et même sur le plan mental – lorsque le sujet est très développé, on arrive même parfois à la mémoire des vies passées.
Lorsqu'on se rend compte que, pour que la conscience supérieure se manifeste, il faut que les activités du plan physique soient tenues en échec, on commence à comprendre la rationnelle des méthodes de la yoga, telle qu'on la pratique en Orient. Lorsque ces méthodes sont purement physiques, comme dans le hâtha yoga, c'est la transe hypnotique ordinaire qui apparait, et à son réveil le sujet n'a aucune souvenance des expériences par lesquelles il a passé. Par les méthodes du râja yoga, grâce auxquelles, par une concentration intense, la conscience se sépare du corps physique, l'étudiant acquiert une parfaite continuité de conscience sur tous les plans et lorsqu'il revient à l'état de veille, il se souvient de toutes ses expériences hyperphysiques. [192]
En Orient comme en Occident, c'est cette paralysie de la conscience de veille qu'on cherche à obtenir, de façon à pouvoir recueillir témoignages de la conscience supérieure ou, comme dirait un psychologue occidental, de l'inconscient dans l'homme. Mais la méthode orientale, qui a derrière elle des milliers d'années d'expérience, donne des résultats incomparablement supérieurs, dans le domaine de la conscience hyperphysique, et établit, sur une base certaine d'expériences physiques répétées, l'indépendance absolue de la conscience par rapport à son véhicule physique.
L'extase et les visions des saints, dans tous les temps et pour toutes les religions, nous offrent encore un exemple de ces irruptions de "l'inconscient". Dans ce cas, la prière prolongée absorbante ou la contemplation, sont les moyens qui permettent de mettre le cerveau dans les conditions requises ; les avenues des sens se trouvent fermées par l'intensité de la concentration inférieure, et cet état, que le râja yogi cherche à atteindre délibérément, le mystique l'atteint par intermittence. Voilà pourquoi nous voyons les mystiques de chaque religion attribuer leurs visions à la faveur de leur divinité respective, sans se douter le moins du monde qu'ils ont provoqué eux-mêmes un état de passivité du cerveau, permettant à la conscience supérieure d'y imprimer des visions, des sons, émanant des plans supérieurs.
Le professeur William James, dans son livre : L'Expérience religieuse, attire notre attention sur ce fait : que les cas les plus curieux de ces manifestations de "l'inconscient" sont souvent les cas de "conversion subite" ; une pensée [193] soudaine, une vision, une voix, transforme brusquement et totalement tout le cours de la vie de l'homme. Il soutient, avec raison, qu'une force assez puissante pour produire de semblables effets, ne saurait être rejetée à la légère ou méprisée par l'étudiant sérieux. Cette classe de phénomènes physiques demande une étude scientifique approfondie, et l'étudiant sérieux obtiendra des résultats d'une valeur inestimable par ses recherches dans le domaine de la conscience hyperphysique.
Mais on oppose à cette théorie que ces manifestations sont toujours accompagnées d'un état morbide du système nerveux et que les sujets sont des personnes hystériques et surexcitées qui n'ont de leurs expériences sur les plans hyperphysiques, qu'une idée faussée par l'état morbide dans lequel elles se trouvent. Tout d'abord, ceci n'est pas toujours vrai : les râja yogis d'Orient sont des personnes réputées pour leur calme et leur sérénité d'esprit ; quant aux cas de conversion subite, leurs héros ont été souvent des hommes du monde, des hommes pleins de bon sens. Admettons que dans beaucoup de cas l'état nerveux est anormal, que le cerveau est surexcité ; eh bien ! et après ? Tout le monde admet que le cerveau est arrivé à un point d'évolution où il peut répondre aux vibrations du plan physique et les transmettre en haut, de même qu'il peut transmettre en bas les vibrations astrales et mentales des mondes supérieurs, se mêlant à celles du plan physique. Mais il n'est pas encore développé au point de pouvoir recevoir, sans trouble, les vibrations par trop violentes des plans supérieurs ou de répondre aux vibrations que les phénomènes extérieurs provoquent [194] au sein des véhicules subtils sur leurs plans respectifs. Il arrive souvent que la joie, la douleur, le chagrin, la peur sont trop forts pour un cerveau ordinaire et provoquent de violents maux de tête, l'hystérie ou un abattement nerveux complet. Il n'est donc pas étonnant que l'émotion violente que provoque ce que nous appelons la conversion subite, soit accompagnée fréquemment d'une affection nerveuse quelconque. Le point important, c'est que, lorsque le bouleversement nerveux est passé, l'effet demeure : une attitude différente envers la vie. Le trouble nerveux vient de l'insuffisance des moyens de résistance du cerveau contré les vibrations violentes et rapides qui viennent l'assaillir ; quant à l'attitude changée – permanente – elle est due à la pression énergique que la conscience hyperphysique exerce d'une façon continue sur le cerveau. Lorsque la conscience supérieure n'est pas assez développée pour exercer cette pression d'une façon ininterrompue, la personne convertie perd l'état de grâce lorsque le flot des émotions est passé.
Nous avons vu que des cas de visions où des phénomènes de ce genre apparaissent lorsqu'on provoque une sorte de transe chez le sujet. Mais, en dehors de cela, ces phénomènes peuvent aussi se produire lorsque le cerveau se trouve dans un état de tension extrême, soit sous l'influence d'une excitation passagère ou bien parce qu'il a dépassé l'évolution normale. Une forte émotion peut augmenter la tension nerveuse au point que la réponse aux vibrations astrales directes devient possible, et c'est ainsi que le sujet peut voir ou entendre ce qui se passe sur le plan astral. La réaction qui suivra cette tension [195] anormale provoquera probablement un trouble nerveux quelconque. Lorsque le cerveau est plus hautement évolué qu'à l'ordinaire, plus élaboré, plus sensitif, il perçoit, d'une façon continue, les influences du plan astral, et il peut arriver que la tension qui en résulte soit trop forte pour que le système nerveux puisse la supporter, en plus de la fatigue et du surmenage auxquels la civilisation moderne l'oblige à résister. C'est pourquoi il y a beaucoup de chances pour que l'hystérie ou quelque autre affection nerveuse accompagne ces visions.
Mais ces faits n'amoindrissent en rien l'importance des expériences, en tant que manifestations de la conscience.
Au contraire, ils en augmentent plutôt la portée en montrant comment l'évolution agit sous l'influence que l'entourage exerce sur l'organisme. Les impacts réitérés des influences extérieures stimulent la croissance de l'organisme et parfois le soumettent à un surmenage momentané : mais cette tension même vient activer l'évolution. La crête de la vague évolutive est forcément toujours constituée par des organismes anormaux ; les organismes robustes, normaux et sains des hommes ordinaires, viennent ensuite ; ils sont tout à fait dignes de considération, mais certainement moins intéressants que les premiers et certainement moins instructifs en ce qui concerne les choses de l'avenir. Par le fait, les influences du plan astral agissent constamment avec force sur le cerveau humain, afin de le développer et d'en faire un véhicule plus parfait pour la conscience, et il peut se faire qu'un cerveau sensitif, dans un état de transition, perde, dans une certaine mesure, de [196] son équilibre et se trouve un peu, dépaysé. Il est probable qu'un grand nombre des activités, sur lesquelles la pensée dirige actuellement son attention, s'exerceront d'une façon automatique dans le futur, et tomberont tranquillement au-dessous du niveau de la conscience de veille comme l'ont fait toutes ces différentes fonctions qui autrefois s'accomplissaient consciemment.
À mesure que ces changements se produisent les vibrations plus subtiles se montrent inévitablement en nombre toujours plus grand dans les cerveaux particulièrement élaborés, dans ceux qui n'appartiennent pas au type normal ; d'autant plus que ce sont ces cerveaux – ceux qui se trouvent à la crête de la vague évolutive – qui sont les plus capables de répondre à ces vibrations. Le docteur Maudsley écrit :
"De quel droit nous imaginons-nous que la Nature est forcée d'accomplir son oeuvre par l'intermédiaire d'intelligences parfaites seulement ? Il peut très bien se faire que dans une intelligence imparfaite elle trouve un instrument qui convienne mieux à un but particulier 61."

61 Mentionné, p. 19, dans le livre du professeur James, dont il a été question plus haut. Au lieu "d'intelligence", lire "cerveau".
62 Ibid., p. 25.

Et le professeur James lui-même fait la remarque que :
"S'il existe une chose telle que l'inspiration venant d'un monde supérieur, il peut très bien se faire que ce soient ces tempéraments de névrosés qui présentent les principales conditions requises pour la recevoir 62."
Lorsque nous aurons reconnu que les forces plus subtiles que celles du plan physique [197] exigent pour se manifester un véhicule plus finement élaboré qu'un cerveau organisé pour recevoir les influences physiques seulement, nous ne nous sentirons plus embarrassés ou déroutés lorsque nous verrons que souvent les forces hyperphysiques se manifestent plus facilement dans les cerveaux dont l'équilibre avec le plan physique est plus ou moins rompu. Nous comprendrons aussi que les symptômes physiques anormaux qui accompagnent ces manifestations n'enlèvent rien à la valeur de ces forces, ni à l'importance du rôle qu'elles auront à jouer bans l'humanité future. Et le désir qui nous viendra naturellement sera de trouver un moyen quelconque de permettre à ces forces de se manifester sans courir le risque de détruire l'instrument physique.

Ce moyen, les sages de l'Orient l'ont découvert ; c'est le raja yoga, par lequel on cherche à favoriser, sans risque de danger, par la concentration intense, la manifestation de la conscience supérieure. Cette concentration en elle-même développe le cerveau et, en agissant sur les cellules du cerveau – comme nous l'avons décrit plus haut à propos de la pensée – en fait un instrument grâce auquel les forces subtiles peuvent se manifester. De plus, elle ouvre peu à peu le groupe de spirilles de l'atome qui fait suite aux groupes actuellement en activité, et vient ainsi ajouter un nouvel organe pour la manifestation des forces supérieures. Ce développement est naturellement très lent ; mais c'est le seul qui soit sans danger ; et si la lenteur parait être un obstacle, nous exhorterons l'étudiant à la patience, en lui faisant remarquer qu'il cherche à provoquer avant l'heure le [198] développement atomique de la prochaine ronde, et qu'il peut difficilement espérer accomplir cette tâche avec rapidité. C'est cette lenteur, offerte par les pratiques du râja yoga qui fait que les Occidentaux, toujours trop pressés, ont de la peine à les accepter ; et cependant il n'y a pas d'autre moyen permettant d'arriver à un développement normal. Nous ne pouvons que choisir entre ces deux voies : ou bien un développement lent ou bien les troubles morbides du système nerveux qui accompagnent les manifestations de la conscience hyperphysique dans un véhicule qui n'est pas préparé pour la recevoir. Il est impossible à l'homme d'outrepasser les lois de la nature ; il ne peut qu'essayer de les comprendre afin de les utiliser ensuite.
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