H. P. BLAVATSKY ET LES MAITRES DE LA SAGESSE

LA TRAHISON DES COULOMB LE TABERNACLE

LA TRAHISON DES COULOMB LE TABERNACLE


Avant de nous occuper des communications reçues pendant quelque temps dans le fameux tabernacle à Adyar, il est nécessaire de décrire l'appartement qui devint célèbre plus tard. Mme Blavatsky occupait deux des trois chambres du premier étage, qui ouvraient sur un grand vestibule. Il y avait un salon ouvrant dans une chambre à coucher, qui à son tour donnait accès dans une troisième chambre ; le mur entre la chambre à coucher et cette troisième chambre était fait de deux cloisons ayant entre elles un intervalle de douze pouces 29, légèrement construites, car il n'y avait pas de soutènement à l'étage au-dessous ; et [42] au milieu de ce mur il y avait une porte, qui se trouvait ainsi dans un enfoncement. Cette troisième chambre avait été réservée pour des usages occultes, et était appelée la chambre occulte. Sur ce mur de séparation, et simplement suspendu, se trouvait un placard mobile, qui à l'origine avait été au-dessus de la porte 30, et où étaient placés deux portraits à l'huile des Maitres, un bassin d'argent et d'autres articles ; ce placard mobile avait un fond solide et des étagères, et était simplement suspendu contre le mur, de façon qu'on pût l'enlever facilement. Ce placard était appelé le tabernacle. Le mur était plâtré et uni, et diverses personnes, après qu'il eut été manipulé par les Coulomb, rendirent témoignage de ce fait qu'il était intact jusqu'au 17 février 1884 au moins (HPB quitta Adyar le 7 février). [43] Le général Morgan a déclaré qu'il a vu la chambre occulte pour la première fois, en aout 1883, au cours d'une visite à Adyar en l'absence de Mme Blavatsky, et que, sans doute en conséquence d'un phénomène remarquable qui arriva pendant sa visite, il a examiné avec beaucoup de soin le tabernacle et ses environs ; il affirme que jusqu'en janvier 1884, époque où il quitta le quartier central, "toute tricherie était impossible".


29 Environ 0,30 m.
30 Mme Morgan, femme du général Morgan, déclare : "Je puis établir comme un fait que pendant mon séjour à Adyar, en décembre 1883, Mme Blavatsky emmena M. C. et moi, pour nous montrer le fond du tabernacle, ainsi que le mur qui avait été bâti derrière, où il y avait eu une porte ; on pouvait librement examiner celle-ci et voir qu'elle était verrouillée et fermée à clef ; pourtant elle la fit maçonner, pensant que cela écarterait toute occasion de soupçon. Le mur présentait alors une belle surface blanche et bien polie. Peu de temps après, je vis tapisser ce mur, car c'est moi qui surveillai l'opération." (Report of the result, etc., pp. 99, 100).

Le colonel Olcott reporte cette date jusqu'au 15 février 1884, une semaine après que Mme Blavatsky eut quitté Adyar. Le 15 décembre 1883, on lui avait dit de tenter une expérience en faisant des marques "sur les points du mur correspondant au centre et aux quatre coins du placard". Il enleva le placard dans ce but, et, ayant fait son expérience, le suspendit de nouveau à sa place. Après l'anniversaire, il alla à Ceylan, retourna à Adyar le 13 février 1884, c'est-à-dire après le départ de Mme Blavatsky, et repartit pour la rejoindre le 15 février. Pendant ce temps, il décrocha de nouveau le placard pour examiner les marques, et, à cette date, ne trouva pas de trou dans le mur 31. Il faut se souvenir, [44] à ce propos, que jamais personne n'a porté la moindre accusation contre l'honneur du colonel Olcott. On l'a traité de dupe, jamais de complice.
Les témoignages sur la nature du tabernacle, et du mur qui était derrière, sont décisifs.
Le juge Sir Subramania Aiyer, de la haute-cour de Madras, est peut-être l'Indien le plus respecté à Madras, honoré également par les Européens et les Indiens. Il déclare (10 janvier 1884) qu'il était présent à Adyar pendant l'anniversaire de 1883, et qu'il y a vu certains phénomènes, les 26 et 28 décembre.
"La chambre en question est située en haut. Dans la chambre se trouve le tabernacle, une armoire de bois appliquée contre le mur. Elle n'est pas fixée au mur, mais ne fait que le toucher : j'ai soigneusement examiné le tabernacle en dedans et en dehors, ainsi que le mur contre lequel il est appliqué. Je n'ai rien trouvé qui puisse faire soupçonner l'existence d'aucune combinaison expliquant ce que j'ai vu. À l'intérieur de l'armoire il y a deux portraits encadrés de Mahatmas, recouverts de pièces de soie jaune, un bassin d'argent et quelques images… Je n'ai vu aucune matière à tromperie, [45] ni fils de fer, ni ressorts en dedans ou en dehors du tabernacle. J'ai demandé la permission d'examiner le tabernacle et elle m'a été donnée. Non seulement je n'ai vu aucun fil, ressort ni combinaison, mais je n'ai rien senti en mettant ma main dans le tabernacle pour l'examiner 32."

31 Report of the result, etc., p 102.

M. R. Casava Pillai, inspecteur de police, déclare :
"Quand j'étais au quartier général d'Adyar en janvier dernier (1883), je suis entré dans la chambre occulte cinq ou six fois, dont quatre fois en plein jour. En deux de ces occasions pendant le jour, plusieurs théosophes de l'Inde méridionale sont entrés dans la chambre, une fois sur la prière de Mme Blavatsky, et l'autre fois de M. Damodar, pour examiner le tabernacle et les murs de la chambre. Après un examen très soigneux, ces personnes n'ont rien découvert de suspect. On a constaté que le tabernacle était attaché au mur solide qui était derrière, et il n'y avait pas de fils de fer ni d'autres combinaisons qui eussent pu échapper à l'oeil exercé d'un inspecteur de police comme moi, qui surveillais de près.
R. CASAVA PILLAI 33." [46]
Un ingénieur du gouvernement écrit :
"Je suis allé au quartier général de la Société théosophique, à Adyar, le 5 juillet 1883. J'ai examiné les panneaux du fond, du dessus, du dessous et des côtés du tabernacle, ainsi que les murs du voisinage, avec le plus grand soin et la plus grande minutie, et je n'ai trouvé aucun motif de soupçonner une fraude.
C. SAMBIAH CHETTY 34"
Le témoignage du directeur du Philosophical Enquirer, M. P. Ruthnavelu, est de grande valeur, parce qu'il a examiné le tabernacle et ses environs avant et après l'attaque des missionnaires. Il écrit :
"Je fus témoin d'un phénomène (le 1er avril 1883) dont j'ai publié le récit complet dans le Philosophical Enquirer du 8 avril 1883, Je montai voir le tabernacle avec deux de mes amis, des sceptiques, et les portes en furent ouvertes
pour que je pusse l'inspecter minutieusement. J'examinai tout soigneusement, en touchant les diverses parties avec ma main. Il n'y avait pas d'ouverture ni de trou de ce côté-ci du placard mobile. Je fus alors mené dans la chambre voisine pour voir l'autre côté du mur auquel le tabernacle est attaché. Contre [47] ce mur était dressée une grande almirah 35, mais elle fut écartée à ma requête, pour me permettre de voir le mur de ce côté. Je tapai dessus et l'examinai de toutes façons pour voir s'il n'y avait pas de tromperie, et pus m'assurer complètement qu'aucune duperie n'était possible.

32 Report of the result, etc., pp. 63, 64.
33 Id., p. 97.
34 Report of the result, etc., p. 90.

Le 14 septembre 1884, après avoir lu l'article des missionnaires, je retournai voir la chambre à 8 heures du matin ; je fus reçu par M. Judge, le docteur Hartmann et M. Damodar, qui me menèrent en haut. De l'autre côté du mur, à l'endroit correspondant à la partie postérieure du tabernacle, je vis un ingénieux appareil d'ébénisterie, auquel était adaptée une porte à coulisse, qui, une fois ouverte, laissait voir une petite ouverture dans le mur. En dedans de celui-ci il y avait un espace creux, assez grand pour qu'un maigre garçonnet pût s'y tenir, s'il lui eût été possible de s'y glisser par l'ouverture, et de retenir sa respiration pendant quelques secondes. J'essayai en vain de me glisser par l'ouverture, et ensuite j'allongeai le bras avec difficulté dans le petit creux, pour en sonder la structure intérieure. Il n'y avait pas de [48] communication avec le fond du tabernacle. Je pus voir que l'appareil n'avait pas été terminé, et que panneaux glissants et tout le reste offrait le caractère d'un travail récent et inachevé 36."

35 En français, garde-robe ou grande armoire.
36 Report of the result, etc., pp. 97, 98.

M. le professeur J.-N. Unwalla, gentleman parsis de haute éducation et de haut rang, porte ce témoignage :
"En mai 1883, étant l'hôte du quartier général, j'ai eu plusieurs occasions de me trouver dans la chambre occulte et de l'examiner ainsi que le tabernacle ; une fois, d'après le désir de Mme Blavatsky, j'ai examiné très soigneusement le tabernacle, avant et après un phénomène que j'y vis s'y produire. Je puis dire avec assurance, sans équivoque ni réserves, que ni dans la chambre occulte ni nulle part dans l'étendue du quartier général, je n'ai jamais pu trouver ni appareils, ni combinaisons d'aucune espèce pouvant donner idée de fraude ou de trucs 37."

37 Id., pp, 102,103.
Je pourrais continuer ces citations, mais il me semble que ce n'est guère la peine, tant elles sont déjà concluantes. Cependant ces faits ont leur importance, car la première [49] partie du complot Coulomb et du rapport de M. Hodgson sont centralisés dans le tabernacle et autour.
Parmi les nombreux phénomènes qui s'y rattachent, quelques-uns peuvent être relatés à cette place, bien qu'on doive remarquer que le tabernacle n'a existé, que peu de temps et n'a joué aucun rôle dans la grande majorité des phénomènes dépendant de Mme Blavatsky.
En voici un dont le général Morgan a écrit le récit. Il eut lieu en aout 1883. Mme Blavatsky, alors à Ootacamund, l'avait prié de regarder le portrait dans le tabernacle, car il était d'un travail très particulier. Mme Coulomb le conduisit en haut, et ils entrèrent dans la chambre occulte.
"En entrant dans la chambre, elle s'approcha à la hâte du tabernacle ou corps de buffet, et en ouvrit vivement la double porte. À ce moment, une soucoupe de porcelaine, apparemment appuyée contre la porte, tomba sur le parquet de chunam, et se brisa. Là-dessus elle témoigna une grande consternation, s'écriant que c'était un objet auquel Madame tenait beaucoup, et qu'elle ne savait comment faire. Elle et son mari, qui était venu avec nous, ramassèrent les morceaux. Alors elle les lia dans un linge [50] et les remit dans le tabernacle, dans le bassin d'argent, et non derrière. Les portes furent refermées ; Damodar se plaça sur une chaise juste en face du tabernacle, et à quelques pieds seulement de distance. Il était assis, regardant attentivement le tabernacle, et dans l'attitude de quelqu'un qui écoute. J'ignorais alors, ce que je sais maintenant, que le courant électrique astral cause un son exactement comme celui du télégraphe ordinaire, que l'on
pouvait entendre distinctement dans le tabernacle. Ne le sachant pas, je renouai la conversation avec les Coulomb au sujet de l'accident. Je conseillai au mari de chercher du mastic ou de la colle et d'essayer de remettre les morceaux ensemble : il s'élança pour en chercher, disant qu'il en avait clans son bungalow, situé à une centaine de mètres de la maison ; et moi, me tournant vers sa femme, je remarquai : "Si la chose en vaut la peine, les Mahatmas pourraient la réparer. Sinon, tirez-vous-en le mieux possible." À peine avais-je prononcé ces mots que Damodar dit : "Il y a un message", et il ouvrit immédiatement la porte du tabernacle, prit le bassin d'argent (où l'on trouve généralement les lettres), et effectivement il y [51] avait une lettre qu'on ouvrit et qui contenait les lignes suivantes :
"Aux quelques personnes présentes comme témoins. Voici une occasion pour Mme Coulomb de s'assurer que le diable n'est ni aussi noir ni aussi méchant qu'on le représente en général. La maladresse est facilement réparée.
KH"
Nous ouvrîmes alors le linge contenant la soucoupe brisée, et la trouvâmes entière et intacte ! Trois minutes ne s'étaient pas écoulées depuis que j'avais suggéré que l'on pourrait se procurer de la colle, et peu après, Coulomb revint avec la colle à la main. S'il avait pu faire tout le tour des chambres du haut, passer derrière le tabernacle, enlever la soucoupe brisée, attacher le paquet, après avoir mis une soucoupe intacte à la place, et écrire le mot concernant la réparation de la soucoupe (sans avoir entendu ma remarque à ce sujet), alors, je le déclare, son exploit aurait égalé celui des Maitres. Quand je parlai à cette femme de la manière extraordinaire dont la soucoupe avait été réparée, elle répondit : "Ce doit être l'oeuvre du diable". Et, de fait, elle écrivit à Mme Blavatsky, le 13 aout 1883 : "Je crois vraiment que je deviendrai folle si [52] je reste avec vous". Elle donne ensuite le récit de ce qui est
arrivé, et conclut : "Je dis que vous avez des intelligences avec le malin 38."
Un autre cas fut celui du juge Srînivâsa Rao ; il le raconte comme il suit :
"Le 4 mars 1884 (Mme Blavatsky et le colonel Olcott étaient à ce moment sur l'Océan, ayant quitté Bombay le 20 février pour Marseille), je me sentis, par suite de chagrins domestiques, très malheureux toute la journée". Il alla à Adyar et, rencontrant Damodar, lui fit part de son désir de voir le tabernacle. "Il me conduisit aussitôt à la chambre occulte d'en haut et ouvrit le tabernacle. Nous étions restés à peine cinq secondes à regarder le portrait de Mahatma KH qui y est placé, quand il me dit qu'il avait ordre de fermer le tabernacle, ce qu'il fit immédiatement. J'étais extrêmement désappointé. Mais au bout d'un instant, M. Damodar rouvrit le tabernacle. Mes yeux tombèrent immédiatement sur une lettre avec une enveloppe tibétaine, posée sur la coupe dans le tabernacle, qui était parfaitement vide auparavant. Je pris cette lettre, et voyant [53] qu'elle m'était adressée par le Mahatma KH, je l'ouvris et la lus 39."
Le juge Sir S. Subramania Aiyer témoigne d'un autre phénomène produit à l'intention de ce même M. Srînivâsa Rao
"Le 28 décembre 1883, dit-il, j'allai au tabernacle à 10 h. 30 du matin. Sept personnes étaient présentes. Les fenêtres étaient ouvertes, et c'était en pleine lumière du jour. Mme Blavatsky donna la clef du tabernacle à M. P. Srînivâsa Rao, juge des petites causes à Madras, et se tint à distance parmi nous. M. Srînivâsa Rao ouvrit le tabernacle, sortit le bol d'argent et le montra à tous les assistants. Il n'y avait rien dedans. Il le mit dans le tabernacle, qu'il ferma et dont il garda la clef. Environ cinq minutes après, Mme Blavatsky lui dit d'ouvrir le tabernacle, ce qu'il fit. Il en sortit le même bol d'argent, et dedans se trouvait une enveloppe bien gommée, adressée à M. Srînivâsa Rao. Je le vis ouvrir l'enveloppe et en tirer une lettre de l'écriture du Mahatma KH, ainsi que des billets en cours pour 500 roupies 40."

38 Reply to a Report of an Examination by J. D. B. Gribble, par H. R. MORGAN, major-général, pp. 14, 17.
39 Report of the result, etc., p. 59.

40 Id., pp. 63, 64.
41 Report of the result, pp, 68, 69.

Le juge T. Râmachandra Rao et M. R. [54] Ranga Rao sont entrés dans la chambre occulte :
"Nous avons tout examiné avec le plus grand soin, et le tabernacle était fermé à clef. Nous n'avons cependant pas bougé de place, et, au bout d'une demi-minute, Mme Blavatsky nous a dit de l'ouvrir. Nous l'avons fait nous-même, et nous avons trouvé tout le placard, – où il n'y avait rien quand nous y avions regardé une demi-minute auparavant, – rempli de fleurs et de feuilles fraiches. Chacun de nous en a pris une certaine quantité, et nous avons découvert qu'il y avait entre autres des feuilles d'espèce particulière, qu'on ne pourrait trouver, que nous sachions, en aucune partie de la province de Madras. Nous avons examiné soigneusement toute la chambre et ses environs et n'avons rien trouvé qui établisse ou justifie le moindre soupçon de tromperie."
T. Ramachandra Rao.
"Le phénomène décrit ci-dessus a eu lieu en ma présence."
R. RANGA RAO 41.
Mme Coulomb, en conséquence de sa nature jalouse et intrigante, avait été la source de beaucoup d'ennuis au quartier général, et n'était pas du tout aimée du personnel. Le [55] docteur Hartmann, qui arriva à Adyar le 4 décembre 1883, donne d'elle une description vivante : "Imaginez-vous une bizarre créature, l'air d'une sorcière, avec un visage ridé, un regard aigu et une contenance inquiétante. Son office était de prendre des airs protecteurs envers les serviteurs, de soigner comme une mère un vieux cheval décrépit et plusieurs chiens galeux incapables de marcher. Elle semblait considérer comme sa mission spéciale dans la vie de fourrer le nez dans les affaires
particulières de chacun, de ramasser les lettres égarées par-ci par-là et qui ne lui étaient pas adressées, sans doute dans le but d'étudier leur écriture ; elle essayait de s'insinuer dans la confidence des nouveaux-venus, et avait un procédé pour découvrir leurs secrets en prétendant leur dire la bonne aventure au moyen d'un jeu de cartes, tandis qu'en même temps elle essayait d'éveiller les sympathies des étrangers en leur racontant comment d'une vie de luxe, elle avait sombré dans une situation servile ; trouvait-elle une oreille complaisante, elle n'hésitait pas un moment à insinuer que toute la société était une blague, que les phénomènes étaient produits par fraude, et "qu'elle pourrait dire [56] bien des choses si elle voulait". Complaisamment et confidentiellement, elle informait l'aspirant aux honneurs théosophiques que le colonel Olcott était un sot, mené par le bout du nez par Mme Blavatsky. Si on lui demandait de s'expliquer, elle disait :
"Ma bouche est fermée, je ne peux pas parler contre des gens dont je mange le pain" ;
et quand on lui objectait que des phénomènes occultes avaient lieu lorsque Mme Blavatsky était à un millier de milles, elle répondait qu'elle :
"savait ce qu'elle savait 42."
On pourrait peut-être rappeler, comme une sorte d'excuse pour Mme Coulomb, que c'était une chrétienne superstitieuse, et qu'elle était réellement alarmée par les choses qui se passaient autour d'elle ; comme nous l'avons vu, elle croyait que les phénomènes "venaient du diable". D'autre part, c'était un paradis pour elle que de vivre à l'aise à Adyar, après tous ses revers, et elle ne pouvait pas trouver le courage de quitter son refuge. Peut-être sa trahison envers ses bienfaiteurs fut-elle au moins en partie le résultat d'une conscience obscurcie et déformée. La tentation de rester était trop forte. Le docteur Hartmann continue : [57]
"Elle était arrivée au quartier général sans le sou, et Mme Blavatsky l'avait recueillie dans la maison par pure charité, et on lui avait donné pleine autorité sur tout, y compris la bourse ; et quand elle quitta le quartier central elle étalait un gros rouleau de billets de banque. (Les dépenses domestiques du quartier central, après le départ des Coulomb, ont été chaque mois de 230 à 270 roupies inférieures aux dépenses mensuelles pendant leur séjour)."
En outre, il y avait beaucoup de visiteurs généreux, et on pouvait obtenir des "emprunts" ; c'est un emprunt manqué qui amena la catastrophe. Le prince Harisinghji, de Kathiamâr, cousin du Maharaja de Bhavnagar ; était à la convention de décembre 1883, et Mme Coulomb l'aborda pour lui demander un prêt de 2.000 roupies. Le prince esquiva la requête, en disant qu'il l'aiderait peut-être quelque jour, et retourna chez lui.

42 Report of observations, etc., p. 25.

Le 7 février 1884 Mme Blavatsky quitta Adyar, et comme elle se proposait de faire une visite au prince Harisinghji avant d'aller à Bombay en route pour l'Europe, Mme Coulomb demanda et obtint la permission d'aller avec elle. Arrivée à la maison du prince, Mme Coulomb renouvela son attaque contre [58] sa bourse, en faisant valoir qu'il lui avait promis de l'aider, et le prince finit par se plaindre à Mme Blavatsky, qui étouffa net l'opération. Le docteur Hartmann, qui était présent, remarque :
"Sa fureur ne connut pas de bornes, et ses accès passionnés de colère et de jalousie ne furent nullement adoucis par les reproches que lui fit Mme Blavatsky à propos de son injuste tentative d'escroquerie… Quelques larmes versées par Mme Coulomb, avec le secours d'un mouchoir, remirent les choses en place, et nous continuâmes vers Bombay, où nous rencontrâmes le colonel Olcott et M. Saint-Georges Lane-Fox, l'électricien bien connu, pendant que Mme Coulomb allait visiter un évêque et d'autres clergymans dont les noms me sont inconnus 43."
Le docteur Hartmann raconte avec causticité l'embarquement du colonel Olcott et de Mme Blavatsky, le 21 février :
"Encore un sanglot, encore un embrassement, et Mme Coulomb, les yeux rouges et à pas chancelants, sortit de la cabine. Descendue dans son bateau, elle fit avec son mouchoir un dernier adieu à Baboula, le serviteur de Mme Blavatsky et lui dit :
"Je me vengerai de votre maitresse pour [59] m'avoir empêché d'avoir mes 2.000 roupies 44."

43 Report of observations, etc., p. 31.

44 Report of observations, etc., p. 32.

45 Report of the result, etc., pp. 133 134.

Le dit Baboula déclara plus tard :
"Au moment où Mme Coulomb quittait le steameur après avoir dit adieu à Mme Blavatsky, elle, Mme Coulomb, a dit qu'elle se vengerait de ma maitresse pour avoir empêché Harisinghji de lui donner à elle, Mme Coulomb, 2.000 roupies… Une autre fois, dans la maison du docteur Dudley, à Bombay, elle a dit qu'elle haïssait Mme Blavatsky 45."
Le major général H.-R. Morgan écrit ce qui suit à propos des Coulomb :
"Ils furent reçus par Mme Blavatsky, à Bombay, dans un état de pénurie ; elle les reçut en amie, parce qu'ils lui avaient rendu service en Égypte. La femme Coulomb devint une sorte d'intendante de confiance, et comme le remarque justement M. Gribble, elle fut cause que M. Wimbridge et miss Bates quittèrent la société à Bombay. Nous voyons par là qu'elle commença de bonne heure sa néfaste intervention.
Ce qui suit prouve que la méchanceté est son trait caractéristique. Quand elle était à Bombay, elle essaya de vendre ce qu'elle savait [60] sur la société au Guardian, un journal de Bombay ; elle ne savait pas grand' chose alors ; la correspondance vendue depuis au Christian College Magazine n'existait pas, ni les faux phénomènes qu'elle allègue maintenant ; il est évident que, dès l'année 1879, elle tenait toutes prêtes des lettres fabriquées et des phénomènes. C'est précisément à cette époque que sa nature machiavélique la poussa à préparer la chute de sa bienfaitrice, car elle affirma à plus d'un théosophe qu'elle n'avait jamais jeté un morceau de l'écriture de Mme Blavatsky et qu'elle avait eu la chance de trouver des lettres compromettantes apportées à ses pieds par le vent !
Pourquoi aurait-elle tant tenu à ces bouts de papiers si elle avait en sa possession la correspondance volumineuse dont elle a maintenant disposé avec tant de profit ? Quand on réfléchit aux manières d'agir de cette femme, d'écouter aux portes, de détourner des lettres, de haïr les membres composant la société, de jurer qu'elle se vengerait, d'espionner incessamment Mme Blavatsky et ceux avec qui elle causait, il n'est pas difficile de comprendre pourquoi et comment elle a élaboré ces lettres. Sa méchanceté allait à tel point qu'elle entretenait une troupe de chiens malades et galeux [61] dans le but d'ennuyer les Brahmanes de haute caste et de les faire partir. Son objet était d'avoir seule possession de la bourse, et accès à la bourse des autres, et quand ses petits plans furent dérangés par Mme Blavatsky, elle se mit à la haïr en conséquence.
On pourrait se demander comment aucun membre de la société n'a pu la tolérer, sachant tout cela. La réponse est que c'est une spirite du caractère le plus marqué, qu'elle s'adonne à la pratique de la magie noire, et qu'on la croit obsédée. Aussi la tolérait-on comme une personne à peine responsable de ses actes. Ajoutez à cela cette habitude de confier sa haine de la société et de ses objets sous le sceau du secret, qui fermait la bouche de beaucoup de gens qui autrement l'auraient dénoncée et auraient demandé son expulsion. En outre, l'excellent coeur du colonel Olcott et de Mme Blavatsky les faisait passer sur beaucoup de ses défauts ; ils la supportaient en partie pour ses services comme intendante, et en partie par charité. Ce fut seulement quand la crise se dénoua par l'expulsion des Coulomb que les membres commencèrent à comparer leurs observations, et que la ruse excessive et [62] l'iniquité de cette femme devinrent évidentes à tous 46."
Telle était la femme à qui Mme Blavatsky, avec son insouciance caractéristique, sure de sa propre honnêteté et toujours trop confiante dans l'honnêteté des autres, laissa la garde de ses appartements à Adyar ; toutefois elle avait été suffisamment ennuyée par l'incident Harisinghji pour demander au docteur Hartmann de se débarrasser des Coulomb avant son retour.

46 Reply to a report, etc., pp. 3, 5.

La vengeance annoncée était prête maintenant ; tout en écrivant à Mme Blavatsky des plaintes contre tous les personnages du quartier central, Mme Coulomb parlait à chacun de ceux-ci contre Mme Blavatsky, et laissait tomber des allusions à des révélations prochaines. Adressant à Mme Blavatsky le compte rendu de tout ce qui amena le renvoi des Coulomb du quartier général, Damodar, le plus fidèle des collaborateurs indiens, écrivait le 14 juin 1884 que durant ce temps elle laissait entendre, sans le dire ouvertement, "que tous les phénomènes sont de la fraude, et que vous êtes un imposteur" ; elle laissait tomber des allusions au sujet de passages secrets, de [63] trappes, etc. ; elle n'employait pas ces mots, mais les laissait deviner. "Elle n'essayait que de semer des ferments de désunion entre nous… elle s'efforça d'exciter l'un contre l'autre des membres du Conseil, mais en définitive échoua honteusement."
Les Coulomb ne voulaient permettre à personne du quartier général d'entrer dans la chambre de Mme Blavatsky,  qui auparavant avait toujours librement servi à l'état-major pendant ses fréquentes absences, – et pour expliquer le transport dans cette chambre d'outils de charpentier, elle déclara que le toit suintait et que M. Coulomb le réparait.
Dégouté des ennuis qu'ils causaient, le conseil de surveillance résolut de se débarrasser d'eux ; d'après le docteur Hartmann :
"Des attestations envoyées par plusieurs membres montrèrent que les Coulomb s'étaient très mal conduits, qu'ils répandaient des mensonges sur la société, des calomnies sur ses personnages officiels, qu'ils gaspillaient les fonds de la société, etc… Nous résolûmes donc de les disqualifier de façon formelle 47."

47 Report of observations, etc., p. 33.

Mais pendant qu'ils tenaient une séance dans ce but, la forme astrale d'un Chélâ apparut, et donna à Damodar [64] une note du Maitre KH adressée au docteur Hartmann, les priant d'accomplir des réformes, mais d'avoir pitié de Mme Coulomb. Ils obéirent et laissèrent tomber les accusations, et le docteur Hartmann fait remarquer en note qu'ils eurent raison d'agir ainsi, car l'oeuvre du colonel Olcott en Europe aurait été sérieusement compromise si une crise avait eu lieu à Adyar en ce moment 48. Pendant quelque temps tout alla bien ; une lettre de T. V. Charlu à Mme Blavatsky, datée du 12 mars 1884, annonce que le travail marche à souhait ; le docteur Hartmann avait été élu président du conseil de surveillance ; M. Lane-Fox devait donner deux conférences dans la salle de Patchyappa, et plusieurs des travailleurs devaient aller à Ootocamund en avril, y compris Mme Coulomb. Il raconte deux phénomènes, deux lettres reçues respectivement par le prince Harisinghji et le juge Srînivâsa Rao. S. A., le Thakur Saheb de Wadhwân et le prince Harisinghji avaient rendu visite au quartier général ; ce dernier avait mis une lettre dans le tabernacle, et a raconté plus tard ce qui s'était passé :
"J'ai été très souvent au quartier général [65] pendant mon séjour à Madras avec mon ami, S. A. le Thakur Saheb de Wadhwân ; nous étions dans cette ville, en mars dernier, pour la célébration de son mariage avec la fille de l'honorable Gajapati Rao. Un jour je demandai à M. D. M. Mavalankar (Damodar) de mettre pour moi dans le tabernacle une lettre que j'avais écrite à mon Maitre vénéré KH. Elle était dans une enveloppe fermée, et traitait d'affaires personnelles qu'il est inutile d'exposer au public. M. Damodar me permit de mettre la lettre dans le tabernacle. Le lendemain, je me rendis de nouveau au tabernacle en compagnie de ma femme. En ouvrant le tabernacle, je trouvai ma lettre non décachetée, mais avec mon adresse au crayon bleu, tandis que la suscription primitive. "À mon Maitre vénéré" avait été barrée d'un trait de crayon. Ceci se passait en présence de M. Mavalankar, du docteur Hartmann, et d'autres personnes. L'enveloppe était intacte ; je l'ouvris, et sur les parties de ma lettre qui n'avaient pas été employées il y avait une réponse de mon Maitre KH dans son écriture qui m'est maintenant familière. Je voudrais bien savoir comment d'autres personnes expliqueront ceci, alors que les deux fondateurs étaient à des milles de [66] distance, – HARISINGHJI RUPSINGHJI 49."


48 Report of observations.
49 Report of observations, etc., p. 57, note.


Quelques jours après, le juge Srînivâsa Rao vint, et demanda la permission de s'assoir quelques moments devant le tabernacle. Damodar le conduisit en haut et le mena devant le tabernacle. Il n'y avait rien dedans que son contenu ordinaire. Il reçut immédiatement de son Gourou l'ordre de le fermer, puis de le rouvrir. Une lettre s'y trouvait, adressée au juge 50.
Mais ce calme était trompeur. Le colonel Olcott reçut à Londres une enveloppe, timbrée de Madras, contenant une lettre adressée à Mme Coulomb, en date du 28 avril 1884, par le docteur Hartmann. Le signataire y exprimait son manque de foi en Mme Blavatsky, et prétendait que M. Lane-Fox avait "reçu des instructions secrètes des membres de Londres" pour découvrir sa duperie. La lettre était mal tournée et mal orthographiée, et le colonel écrivit au docteur Hartmann, en date du 20 juillet 1884 :
"La connaissance personnelle que j'ai de vous se dresse contre cette lettre de coquin."
Il disait encore qu'il l'avait mise de [67] côté dans sa boite à dépêches, mais que ce matin-là, en cherchant dans ses papiers, il avait remarqué que le Maitre l'avait annotée, et qu'il lui dit ensuite de l'envoyer au docteur Hartmann. Celui-ci observe que la lettre est "une imitation assez réussie de ma propre écriture". Le Maitre M. avait écrit dessus :
"Faux grossier, mais suffisant pour montrer ce qu'un ennemi entreprenant peut faire dans ce sens. C'est ce qu'on peut appeler à Adyar un pionnier 51".
Et c'était bien un pionnier d'avant-garde de cette moisson de lettres fausses qui furent publiées quelques mois après dans le Christian College Magazine, écrites de la même main.
Cependant des avertissements étaient donnés à Adyar.
"Vers l'époque où la fausse lettre fut écrite, je reçus une lettre d'un ami d'Europe, et à l'intérieur des feuillets je trouvai ces mots écrits de la main du Maitre :
"L'affaire est sérieuse. Je vous enverrai une lettre par Damodar ; étudiez-la soigneusement, etc…"

50 Lettre de T.-V. Charlu. Le rapport du juge Srînivâsa Rao a été donné ci-dessus.
51 The latest attack on the Theosophical Society, brochure publiée par le Conseil de la London Lodge, pp. 17,18.

Quelques jours après, une lettre, qui m'était adressée, tomba dans la chambre de Damodar à Ootocamund [68] (le docteur Hartmann était à Adyar) ; il en prit connaissance et me l'envoya, après l'avoir montrée à M. Lane-Fox. Elle était indubitablement de l'écriture du Maitre ; j'en cite un passage :
"26 avril 1884. Depuis quelque temps déjà cette femme a entamé des communications, de véritables pourparlers diplomatiques avec les ennemis de la cause, certains padris. Elle espère en recevoir plus de 2.000 roupies, si elle l'aide à ruiner la société, ou du moins à lui faire du mal, en attaquant la réputation des fondateurs. De là ses allusions à des trappes et à des trucs. En outre, quand il le faudra, on trouvera des trappes, car il y a quelque temps qu'elles sont en préparation. Ils sont les seuls maitres de l'étage d'en haut. Ils ont le libre accès et la pleine surveillance des locaux. Monsieur est rusé et adroit à tous les travaux manuels, bon artisan et charpentier, et bon aussi pour les murs. Prenez note de ceci, vous théosophes. Ils vous haïssent avec la haine de l'échec contre le succès, la société, Henri, HPB, les théosophes, et jusqu'au nom même de la théosophie. Les  sont prêts à dépenser une bonne somme pour la ruine de la société qu'ils détestent… En outre les j… de l'Inde sont en intelligence directe avec [69] ceux de Londres et de Paris… Tenez tout ce que je viens de vous dire dans la plus stricte confidence, si vous voulez être les plus forts. Ne lui laissez pas soupçonner que vous le savez, mais si vous voulez mon avis soyez prudents. Cependant agissez sans délai.
M. 52"

52 Report of observations, etc., pp. 35, 36.

Mme Coulomb était à Ootocamund. M. Coulomb était à Adyar, discutant une offre que lui avait faite le docteur Hartmann d'aller en Amérique ; alors arriva une lettre du colonel Olcott, datée de Paris, 2 avril 1884, où il reprochait à Mme Coulomb de parler contre la société et de comploter du mal. Mme Coulomb, Damodar et M. Lane-Fox revinrent d'Ootocamund ; une requête du docteur Hartmann aux Coulomb – il espérait encore s'en débarrasser tranquillement, – les priant de quitter Adyar, fut reçue par un refus formel ; Mme Blavatsky écrivit qu'elle ne reviendrait pas à Adyar si les Coulomb n'étaient pas congédiés, et le Conseil général fut invité à se réunir le 14 mai 1884.
La réunion eut lieu et des attestations y furent présentées accusant Mme Coulomb d'avoir déclaré : que le but de la société était [70] de renverser la domination britannique dans l'Inde ; que ses objets étaient contraires à la vraie religion ; que les phénomènes étaient des fraudes et l'oeuvre du diable ; l'accusant d'avoir essayé d'extorquer de l'argent à des membres ; d'avoir gaspillé les fonds de la société ; de s'être rendue coupable de mensonge et de médisance ; d'avoir grossièrement calomnié HPB ; déclarant que sa présence au quartier général était néfaste à la société ; montrant qu'elle avait envoyé une lettre de chantage à HPB ; M. Coulomb était accusé d'avoir aidé et encouragé sa femme, et d'avoir désobéi aux ordres du comité de surveillance.
Les trois premières accusations furent seules jugées, et Mme Coulomb ne voulut ni avouer ni nier ; les témoignages étant écrasants, elle fut expulsée de la société. M. Coulomb, à qui on demanda sa démission, ayant refusé, fut expulsé aussi, et tous deux furent priés de s'en aller. Après quelques autres difficultés, M. Coulomb rendit les clefs des chambres du haut, et le docteur Hartmann, M. T. Subba Rao, le juge Srînivâsa Rao, M. Brown, M. Damodar K. Mavalankar et quelques autres personnes entrèrent dans l'appartement de Mme Blavatsky, [71] d'où les Coulomb avaient exclu tout le monde excepté eux-mêmes. On vit alors le travail auquel M. Coulomb s'était livré. Le général et Mme Morgan avaient vu le mur intact, et Mme Morgan l'avait fait tapisser sous ses yeux en décembre 1883, comme nous l'avons déjà dit. Maintenant, du côté de la chambre à coucher de Mme Blavatsky, on avait percé, à l'endroit où était jadis la porte, un trou qui était là béant avec du plâtre en débris et des bouts de lattes brisées ; le mur, comme nous l'avons dit, avait été bâti légèrement de deux cloisons de lattes et de plâtre,  comme il n'y avait pas de support à l'étage inférieur, – ces deux cloisons séparées par un espace de douze pouces, rempli en partie de bouts de lattes en saillie ;
la cloison du côté de la chambre occulte était encore intacte, mais il est évident que l'ouverture devait être répétée dans la seconde cloison, et probablement le fond du tabernacle aurait été rendu mobile, de façon à pouvoir en ôter ou y mettre des objets. Mais en conséquence de l'avertissement du Maitre, le docteur Hartmann avait "agi sans délai", et avait arrêté l'oeuvre néfaste avant qu'elle fût achevée.
Le trou dans la cloison de la chambre de [72] Mme Blavatsky mesurait 14 pouces de large sur 27 de haut 53, et était "assez grand" selon l'expression ironique du docteur Hartmann, "pour qu'un petit garçon (qui n'aurait pas eu peur d'être étouffé), pût s'y glisser". Une lourde garde-robe cachait ce trou, et un panneau mobile avait été pratiqué dans le fond de cette armoire ; ce panneau était neuf et très difficile à faire remuer, ne cédant qu'à grand bruit aux coups d'un maillet. Trois autres panneaux, tous également neufs et durs, avaient été pratiqués dans d'autres endroits de la chambre ; leur but n'était pas clair, et ne l'est pas encore.
"M. Coulomb avoua qu'il avait fait tous ces trucs, ces trous et ces trappes de sa propre main, mais s'excusa en disant qu'ils avaient été faits sur l'ordre d'H. P. Blavatsky, Il nia avoir aucune intelligence secrète avec les missionnaires dans le but de faire du mal à la société. Puis il rendit les clefs à M. Damodar K. Mavalankar, qui prit possession des chambres : on décida de laisser tous les trous et panneaux mobiles en l'état jusqu'à nouvelle décision. Il est évident qu'avec un peu de travail ces trappes auraient pu être, achevées et paraitre [73] alors très suspectes, et nous avons des raisons de croire que l'intention de M. Coulomb était de les terminer avant le retour d'Europe de Mme Blavatsky 54."
Dans la lettre de Damodar à Mme Blavatsky (juin 1884) citée plus haut, il raconte ces évènements, et dit :
"Nous avons fait exprès de laisser le trou et les panneaux mobiles sans y toucher. Ils portent en eux-mêmes la marque de votre innocence. Le passage derrière le tabernacle est si petit qu'un homme mourrait suffoqué s'il y restait seulement deux minutes. En outre, il ne communique pas avec le tabernacle. Les panneaux mobiles sont si neufs qu'on ne peut les faire agir qu'avec force et difficilement, et font en outre un bruit terrible : ce qui prouve qu'on n'avait jamais pu s'en servir auparavant."

53 0,35m x 0,68m.
54 Report of observations, etc., pp. 35, 36

Les Coulomb quittèrent Adyar le 25 mai 1884, la première partie du complot ayant échoué par sa découverte prématurée. Il devait cependant être revivifié dans l'avenir par l'agent de la société des Recherches psychiques, et grâce à sa façon mensongère de présenter les faits, peu de gens savent, bien que tout le monde le sût à ce moment, qu'aucun de ces [74] arrangements n'existait pendant que Mme Blavatsky était à Adyar ni pendant que les phénomènes avaient lieu, et que toute trace en avait été enlevée avant son retour. Ils étaient neufs en mai 1884, et encore incomplets, le fond de bois du tabernacle et le mur sur lequel il était pendu étaient encore intacts, de sorte qu'il n'y avait pas de communication entre la chambre de Mme Blavatsky et la chambre occulte. Tout fut montré aux nombreux visiteurs du quartier général pendant l'été de 1884, le mur et les panneaux ayant été laissés un certain temps tels qu'on les avait trouvés.
M. Judge, qui vint à Adyar le 26 mai, décrit ainsi l'ouverture : "C'était un trou grossier et inachevé dans le mur, ouvrant sur l'espace qui était resté quand on avait fait cloisonner l'ancienne porte… Ce trou partait du plancher et s'étendait à une hauteur d'environ 22 pouces. Sur tous ses bords dépassaient des morceaux de lattes, les uns longs de trois pouces, les autres de cinq, de sorte que l'ouverture était encore diminuée… le plâtre avait été cassé récemment, les bouts de lattes présentaient l'aspect du bois qu'on vient de briser, et la tapisserie avait été déchirée depuis peu." [75]
Ces faits furent vus et signés par plus de trente personnes envoyées comme témoins par M. Judge. Celui-ci nous dit encore qu'à sa requête, M. Damodar essaya de s'introduire par le trou dans le retrait, mais ne put y réussir ; M. Judge lui-même essaya et échoua, ainsi qu'un "coolie maigre" ; enfin un petit garçon d'environ dix ans s'y pelotonna, mais trouva qu'il ne pouvait s'y tenir debout, parce qu'il y avait de gros morceaux de mortier dur en saillie sur les côtés. M. Judge envoya alors chercher un homme qui "en ma présence briqueta l'ouverture, la replâtra, et retapissa tout l'espace". Et ceci fut fait, qu'on s'en souvienne, dans l'automne de 1884, avant le retour de Mme Blavatsky.