H. P. BLAVATSKY ET LES MAITRES DE LA SAGESSE

ACCUSATIONS MENSONGÈRES FAUSSES LETTRES

ACCUSATIONS MENSONGÈRES FAUSSES LETTRES


En vain Mme Coulomb essaya de faire du mal à l'extérieur. Elle alla accuser la société près du percepteur du district, – et l'accusation que la société, était l'adversaire de la domination britannique était réellement dangereuse, – mais celui-ci déclara à M. Lane-Fox que cette femme proférait des absurdités si incohérentes qu'il ne croyait pas un mot de ce qu'elle disait ; elle était timbrée ; et il refusa de la recevoir quand elle se présenta de nouveau. Un juge "des petites causes" (juge de paix) remarqua que cette femme devait être lunatique pour croire que quelqu'un pouvait être trompé par ses machinations. Les missionnaires ne réussirent à en tirer aucun [77] profit sérieux. "Pas un homme respectable ne la croit", écrit Damodar, "au contraire on sympathise d'autant plus avec vous et la société." La tentative échoua si définitivement, que Mme Coulomb elle-même la désavoua et écrivit à Mme Blavatsky :
"J'ai pu dire différentes choses dans ma colère, mais je jure sur tout ce que j'ai de plus sacré que je n'ai jamais parlé de fraude, de passages secrets, de trappes, ni dit que mon mari vous avait aidée en quoi que ce soit. Si ma bouche a proféré ces mots, je prie le Tout-Puissant de verser sur ma tête les pires malédictions de la nature."
Déçus pour le moment, les Coulomb n'étaient pas découragés, et leur seconde tentative devait avoir plus de succès que la première. L'écriture de M. Coulomb ressemblait curieusement à celle de Mme Blavatsky, nous dit le major-général Morgan 55, et la fausse lettre envoyée à Londres et baptisée par le Maitre du nom significatif de pionnier, indiquait la ligne de l'attaque préparée.
À Londres, la société des Recherches psychiques semblait sérieusement impressionnée par ce qu'elle avait vu et entendu à propos de Mme Blavatsky M. F. W. Myers lui-même [78] avait vu certains phénomènes dont il déclarait avec enthousiasme ne pouvoir douter : cette société chargea un comité de réunir, "sur les prétendus phénomènes se rattachant à la Société théosophique, les preuves qui pourraient être fournies par les membres de ce corps actuellement en Angleterre , ou recueillies ailleurs", et ce comité envoya ensuite dans l'Inde un de ses membres, M. Hodgson, pour examiner l'affaire sur place. Cependant les Coulomb avaient été actifs : cherchant un moyen d'améliorer leur situation financière, et furieux contre la société, ils s'adressèrent aux missionnaires, – Mme Coulomb dans le rôle d'une chrétienne repentante, – qui avaient mené une croisade vigoureuse mais sans succès contre la théosophie. Une vingtaine de lettres furent offertes aux missionnaires, soi-disant écrites par Mme Blavatsky à Mme Coulomb, où, prenant celle-ci pour confidente, Mme Blavatsky avouait sans pudeur une quantité de fraudes. Il y a quelque incertitude sur le prix dont elles furent payées ; peu de temps après leur publication, le professeur Patterson, du collège chrétien de Madras, répondit, à une question du docteur Hartmann, qu'ils étaient convenus de [79] payer à Mme Coulomb 1.000 roupies, mais qu'ils ne lui en avaient donné jusque-là que 75 ; cette déclaration fut faite en présence de M. Judge, qui la publia le lendemain dans le Madras Mail ; le général Morgan dit qu'ils payèrent 150 roupies ; la somme importe peu. Ce qui est certain, c'est qu'ils achetèrent les lettres, et les publièrent dans le Christian College Magazine de septembre 1884 et des mois suivants. À première vue, pour quiconque connait Mme Blavatsky, ces lettres sont des faux ; car ce sont les lettres d'une femme sans éducation, tandis que le style de Mme Blavatsky est brillant, même quand il est familier et dans le ton de conversation ; elles prouvaient une parfaite ignorance des titres indiens, créant, par une erreur absurde, un Maharadjah de Lahore ; et elles furent tout de suite reconnues comme sans valeur par les personnes les mieux qualifiées pour en juger, M. Lane-Fox, dans une lettre au Times, déclara :
"Quant aux lettres que l'on prétend avoir été écrites par Mme Blavatsky, et qui ont été récemment publiées par un journal chrétien de l'Inde, d'accord avec tous ceux qui connaissent les circonstances de la cause, je n'ai pas le moindre doute que, quel que soit [80] leur auteur, elles ne sont pas écrites par Mme Blavatsky."

55 Reply to a Report, etc., p. XVI.


M. A. O. Hume, qui connaissait bien Mme Blavatsky, et qui n'était pas précisément son ami, écrivit ce qui suit au Statesman de Calcutta :
"MONSIEUR, – J'ai lu un article dans le Times of India, au sujet de certaines lettres soi-disant écrites par Mme Blavatsky à Mme Coulomb, ainsi que vos quelques remarques à ce sujet. Je désire avertir vos lecteurs et le public en général de ne pas accepter ces prétendues lettres comme parfaitement vraies. Je puis le faire d'autant
meilleure grâce que tout rapport entre moi-même, Mme Blavatsky, le colonel Olcott et M. Damodar a cessé depuis longtemps. Il y a bien des choses que je n'ai pu approuver dans la direction de la société et de son journal, et c'est pourquoi, tout en conservant ma chaude sympathie à ses objets déclarés, je ne suis guère, depuis deux ans et plus, qu'un membre nominal de la Société théosophique. C'est donc entièrement sans parti pris que je conseille à toutes les personnes qui s'intéressent à la question de suspendre leur jugement sur l'authenticité de ces prétendues lettres. Je ne veux pas ici soulever [81] la question : Mme Blavatsky est-elle capable de participer à de sottes fraudes du genre de celles que ces lettres représentent comme dirigées par elle ? Tout ce que je désire faire remarquer, c'est ceci : Madame Blavatsky n'est pas sotte ; au contraire, comme l'admettront tous ceux qui la connaissent, ennemis aussi bien qu'amis, c'est une femme exceptionnellement habile et prévoyante, douée d'une remarquable et vive perception des caractères. Une femme de ce genre aurait-elle jamais donné à une personne comme Mme Coulomb ce pouvoir absolu sur son avenir qu'implique le fait d'avoir écrit des lettres pareilles ? Ou encore, à supposer que dans un accès de folie elle ait écrit ces lettres, en serait-elle venue à une rupture ouverte avec leur détentrice ? Certaines parties des lettres peuvent être assez vraies : un des passages cités a un sens tout différent de celui que le Times of India semble lui attribuer ; mais, croyez-moi, Mme Blavatsky est une femme bien trop avisée pour avoir jamais écrit, à personne, rien qui puisse la convaincre de fraude.

ALLAN HUME. Simla, septembre 1884."


[82] M. J. C. Mitter fait remarquer la faiblesse des allégations :
"Vous m'accorderez que l'accomplissement du soi-disant démasquage de Mme Blavatsky roule uniquement sur le témoignage non corroboré d'une personne qui, selon sa propre déclaration, était la complice active des fraudes, et qui a été exaspérée par son expulsion de la société. Avant de prononcer un jugement, on devrait faire une enquête serrée, et entendre les témoignages des deux côtés, au lieu d'assoir son opinion sur la déclaration d'une complice, sur la véracité de qui l'on ne sait pas grand-chose, excepté qu'elle a participé elle-même à la fraude ! Pourquoi Mme Coulomb n'a-t-elle pas publié les lettres, etc., qu'elle publie maintenant, immédiatement après avoir été rejetée du sein de la Société théosophique ? Avait-elle besoin de temps pour se préparer ?"
Mme Blavatsky elle-même fit face à cette basse accusation avec une indignation et une chaleur de langage caractéristiques :
"J'en jure par le Maitre que je sers fidèlement, et pour accomplir les ordres duquel je souffre en ce moment ; qu'il me maudisse dans l'incarnation future, oui, et dans une douzaine d'incarnations, si j'ai jamais fait quoi que ce [83] soit sous mon propre bonnet, si j'ai jamais écrit une ligne de ces lettres infernales. Je me moque des experts ; je me moque des missionnaires, de la cour, du jury et du diable sur terre en personne. Ce que je vous dis maintenant je le maintiendrai dans n'importe quelle cour devant tous les juges d'Asie, d'Europe et d'Amérique. Je n'ai pas écrit les lettres Coulomb. Et si la seule personne en qui je crois sans réserve sur terre, mon MAITRE, venait me dire que je l'ai fait, alors je passerais cela à son compte ; car rien ni personne au monde, si ce n'est lui-même, ne pourrait avoir enlevé de ma cervelle et de ma mémoire le souvenir de cet acte, de cet acte idiot, insensé. Quelle idée ! Si j'avais fait une pareille ânerie, je ne serais jamais allée en Europe ; j'aurais mis ciel et terre sens dessus dessous pour empêcher le conseil de surveillance de les mettre dehors ; je serais revenue à la première indication de danger… Je souffre pour mes fautes d'il y a des siècles. Je sais pour quoi je souffre, et je baisse bien bas ma tête déchue, dans l'humilité et la résignation. Mais je m'incline seulement devant Karma et mon Maitre. Je ne m'inclinerai jamais devant les padris ou par crainte d'eux. Vous pouvez publier cette lettre [84] maintenant ou quand je serai morte, pour qu'ils le sachent." Et encore : "Si vous croyez
ou si quelqu'un de vous croit vraiment que je me sois jamais rendue coupable en conscience d'aucune tromperie, ou que je me sois servie des Coulomb comme complices, ou de n'importe qui d'autre, et que je ne sois pas la pure victime de la conspiration la plus infernale qui ait jamais été mise sur pied, une conspiration qui était en préparation depuis cinq ans, alors, télégraphiez-moi là où je suis, de ne jamais plus montrer mon visage devant la société, et je le ferai. Que je périsse, mais que la société vive et prospère !"
Voici une chose futile, et pourtant significative : Mme Coulomb, si elle eût été complice de fraude, aurait-elle écrit à Mme Blavatsky le 13 aout 1883 :
"Je crois vraiment que je deviendrai folle si je reste avec vous",
en racontant l'incident Morgan, et en concluant :
"Je dis que vous avez des intelligences avec le malin",
si à ce moment elle avait pris part à une imposture, et qu'elle eût elle-même arrangé le phénomène, comme elle le prétendit plus tard ? Si elle eût été complice elle aurait bien pu soutenir la farce devant témoins, mais certainement elle ne l'aurait pas continuée [85] dans des lettres particulières entre elles, spécialement à l'époque même où, d'après elle, Mme Blavatsky lui écrivait avec une franchise si éhontée. Un faux aussi gratuit et inutile que la lettre du 13 aout n'est pas croyable. La lettre est toute naturelle, émanant d'une chrétienne effrayée et superstitieuse ; elle est incompréhensible, venant de la complice d'une imposture effrontée !
Personne n'a jamais accusé Mme Blavatsky d'être sotte, et pourtant une sotte pouvait seule tracer des lettres si follement compromettantes, puis se quereller avec la femme qui les tenait. La prudence la plus élémentaire excluait une telle conduite. En 1889, j'ai résumé les preuves à ce sujet dans une lettre au Methodist Times, et ce sommaire peut bien être reproduit ici :
"Cher Monsieur,
Mon attention a été appelée sur une lettre du professeur Patterson dans votre numéro du 31 octobre. Ma note, à laquelle elle répond, était provoquée par le défi direct que vous m'aviez adressé d'examiner les preuves contre mon amie Mme Blavatsky, et je n'avais pas l'intention de
soulever une correspondance [86] prolongée. Il est clair que nous sommes face à face avec des affirmations absolument contradictoires. Le professeur Patterson dit que Mme Coulomb n'a pas été payée pour les lettres : le major-général Morgan dit (dans une brochure publiée en 1884, Reply to a report, etc.) que "les missionnaires écossais leur payèrent (aux Coulomb) 150 roupies pour commencer". Le professeur Patterson dit que tous les théosophes qui ont exprimé le désir de voir les lettres en ont eu la permission. Mme Blavatsky me dit qu'elle l'a demandée, et qu'on la lui a refusée ; M. B. Keightley me dit qu'il l'a demandée, et qu'on la lui a refusée, et qu'à sa connaissance personnelle d'autres théosophes de marque ont essuyé le même refus. Je ne connais pas le professeur Patterson ; je connais ces théosophes ; et je préfère accepter leur parole.
Mais ma croyance à la fausseté des lettres ne repose pas sur ces détails relativement insignifiants ; elle repose sur une vue d'ensemble de la cause. D'un côté, un homme et une femme qui avaient été chassés d'une société, parce que cette femme avait essayé d'extorquer de l'argent – quatre attestations de pareilles tentatives sont en déposition ; une femme que [87] Mme Blavatsky avait empêchée de se procurer de l'argent, et qui avait juré de se venger – une attestation établit cette menace ; une femme qui avait essayé de faire chanter Mme Blavatsky – une lettre envoyée par elle le prouve ; une femme qui avait fabriqué de fausses lettres du docteur Hartmann et du major-général Morgan, et qui, ayant déposé une plainte contre ce dernier pour l'avoir accusée de faux, la retira avant le jugement (le prétexte qu'elle fut retirée parce que Mme Blavatsky n'était plus là est absurde ; qu'avait à faire cette dame avec le faux de la lettre du général Morgan ?) ; une femme qui, de son propre aveu, s'était rendue coupable d'imposture. De l'autre côté, le témoignage d'un comité, composé du docteur Hartmann, du major-général Morgan, de A.-J. Cooper-Oakley, du docteur Gebhard, et de dix gentlemen indiens de rang, d'instruction et de capacités reconnues, qui examinèrent toutes les charges à l'époque,
et déclarèrent que pas une seule ne tenait debout ; le témoignage de ceux qui ont vu les lettres et affirmé qu'elles étaient des faux manifestes (voir le Rapport de 1885) ; le témoignage de M. G. Row
"d'après mon expérience de vingt-cinq ans, comme officier de justice… je suis arrivé [88] à la conclusion que les lettres sont des faux, de la première à la dernière" (Rapport officiel, 1884) ;
les faux parallèles commis contre le docteur Hartmann et le major-général Morgan, alléguant leur manque de foi en Mme Blavatsky, faux aussitôt dénoncés par eux et démasqués sur-le-champ ; les évidences inhérentes aux lettres mêmes, par exemple le français illettré, alors que Mme Blavatsky parle et écrit parfaitement cette langue, comme la plupart des Russes instruits ; le fait que Mme Coulomb a été disgraciée et chassée, et avait tout à gagner en courtisant la faveur des missionnaires ; le fait que les lettres furent publiées pendant que Mme Blavatsky était en Europe, qu'elle s'empressa de revenir pour faire face à l'accusation, qu'elle resta là pendant l'examen de l'affaire, et ne s'en alla de nouveau qu'après que les accusations eurent été reconnues fausses. (Loin de s'enfuir secrètement, elle entra dans le steameur au bras du magistrat en chef de la Présidence ; et elle partit sur l'ordre péremptoire du docteur Scharlieb, le médecin qui la soignait, et qui craignait pour sa vie si elle restait sous le climat de Madras. Elle n'avait pas été appelée comme témoin dans l'affaire Coulomb-Morgan, n'y étant pas impliquée). Je pourrais [89] ajouter à tout cela le serment de Mme Coulomb :
"J'ai pu dire différentes choses dans ma colère, mais je jure sur tout ce que j'ai de plus sacré que je n'ai jamais parlé de fraude, de passages secrets, de trappes, ni dit que mon mari vous avait aidée en quoi que ce soit. Si ma bouche a proféré ces mots, je prie le Tout-Puissant d'attirer sur ma tête les pires malédictions de la nature."
Serment emphatique, certes ; mais je n'attache pas d'importance au serment de telles lèvres.
Quant à la menace finale du professeur Patterson, qu'il publie ce qu'il voudra. S'il existait des documents compromettants, ceux qui se sont servis de Mme Coulomb ne pourraient avoir aucun scrupule qui en empêchât la publication. Mme Blavatsky est pauvre, fatiguée et invalide ; il n'y a guère de chances qu'elle aille dans l'Inde pour le faire poursuivre.


ANNIE BESANT. 19, Avenue road, N.W."


Mme Blavatsky désirait vivement intenter une poursuite en diffamation au Christian College Magazine, mais le colonel Olcott insista pour faire décider de la chose par la Société [90] :
"J'ai représenté à Mme Blavatsky que son devoir est de se laisser gouverner par l'avis du Conseil général, et de ne pas entreprendre de décider par elle-même. Je lui ai dit qu'elle et moi, ayant appelé à l'existence cette Société si importante, nous sommes maintenant obligés de nous considérer comme ses agents en tout ce qui affecte ses intérêts ; et que nous devons subordonner, à la question prédominante de sa prospérité, nos réputations particulières, non moins que nos forces et nos moyens 56."
Un comité fut élu, et décida à l'unanimité qu'elle ne devait pas poursuivre ; elle se soumit à regret, à peine consolée par la vive affection et la confiance qui lui furent montrées.
56 Ninth Report of the TS, p. 12. Cette brochure contient aussi le rapport du Comité.