LES MAITRES - Par Annie BESANT - 1912

LES ADEPTES

LES ADEPTES

 

QU'EST-CE QUE LE MAITRE ?

L'HOMME PARFAIT : SA PLACE DANS L'ÉVOLUTION

LE MAITRE JÉSUS

LE MAITRE HILARION

LES MAITRES M ET KH

LE MAITRE RAKÓCZI ET DIVERS AUTRES

OU VIVENT-ILS ?

LEUR OEUVRE

LE GRAND INSTRUCTEUR

 


QU'EST-CE QUE LE MAITRE ?


Parmi les questions auxquelles la Théosophie donne naissance, aucune peut-être n'éveille plus d'intérêt et ne provoque plus d'interrogations que celle des Maitres. Que désigne ce terme ? Qui sont-Ils ? Où demeurent-Ils ? Que font-Ils ? On a constamment l'occasion d'entendre poser ces questions et beaucoup d'autres. Je vais essayer de projeter un peu de lumière sur ces questions et d'y répondre au moins partiellement.
Le terme de Maitre est appliqué par les théosophes à certains êtres humains qui ont achevé leur évolution humaine, qui sont arrivés à la perfection humaine, qui n'ont plus rien à apprendre en ce qui concerne notre partie du système solaire, qui, enfin, ont atteint ce que les chrétiens appellent le salut éternel et les Indous et les bouddhistes la libération. [80]
Du temps où l'Église chrétienne détenait encore dans sa plénitude la "Foi donnée jadis aux Saints" le salut signifiait bien plus que le fait d'échapper à la damnation éternelle. Il signifiait la délivrance de l'obligation de se réincarner, la garantie contre toute possibilité d'un échec dans l'évolution. À celui qui surmonte les obstacles était faite la promesse qu'il serait : "un pilier dans le Temple de mon Dieu, et qu'il n'en sortirait plus". Celui qui avait surmonté les obstacles était "sauvé".
La conception de l'état de Maitre sous-entend celle de l'évolution impliquant une expansion graduelle de la conscience incarnée dans des formes matérielles toujours plus parfaites. La perfection qu'elle indique doit être atteinte par tout être humain et il est clair que cette perfection ne peut être atteinte en une seule et brève vie humaine. On ne peut concilier avec la justice divine les différences qui séparent les hommes, le génie du sot, le saint du criminel, l'athlète de l'infirme, qu'en croyant que tout être humain est en cours de développement, parti de l'état le plus sauvage pour aboutir au plus noble et que ces différences ne sont que les signes indiquant les stades divers de cette croissance. Au sommet d'une si longue évolution se tient le Maitre, incarnation des [81] résultats les plus transcendants que puisse atteindre l'homme en son développement intellectuel, moral et spirituel. Il a appris toutes les leçons que peut assimiler l'humanité ; et la somme de toute l'expérience que peut donner le monde est sienne. Au-delà du point qu'il a atteint l'évolution est suprahumaine. Si le vainqueur retourne à la vie terrestre, c'est de son propre gré car ni la vie ne peut le saisir ni la mort ne peut l'effleurer sans son consentement.
Il nous faut ajouter une indication encore pour rendre complète la compréhension de l'état de Maitre. Le Maitre doit vivre dans un corps humain, il doit être incarné. Un grand nombre de Ceux qui atteignent ce niveau ne se soumettent plus au fardeau de la vie charnelle, et, ne faisant usage que du corps spirituel, interrompent leur contact avec cette terre et passent à un mode d'existence plus éthéré. De plus, un Maitre, comme son nom l'indique, accepte des élèves, et, strictement, ce terme ne devrait s'appliquer qu'à Ceux qui s'acquittent spécialement de la mission d'aider des êtres humains moins avancés à gravir la route abrupte qui les mènera, par un raccourci, au sommet de l'évolution humaine, bien avant la foule de leurs semblables.
On a comparé l'évolution à une route qui [82] contourne en lacets les flancs d'une montagne qu'elle gravit en une longue spirale le long de laquelle l'humanité avance lentement ; il y a un sentier qui mène en droite ligne au sommet mais il est étroit, rocailleux et abrupt et peu nombreux sont ceux qui le découvrent. Ce petit nombre est formé des élèves ou disciples du Maitre. Comme au temps du Christ ils doivent "tout quitter pour le suivre". Ceux qui sont à ce même niveau mais ne prennent pas d'élèves, sont occupés d'autre part au service du monde et nous allons en dire quelques mots. Il n'existe pas en anglais de mot pour les distinguer des Instructeurs, on est donc forcé de leur appliquer le même terme de Maitres. Dans l'Inde, où ces diverses fonctions sont connues de par des traditions très anciennes, il y a des noms différents pour les désigner, mais il serait difficile d'en populariser l'emploi en anglais. Nous adopterons donc la définition suivante d'un Maitre : c'est un être humain qui s'est perfectionné au plus haut degré et n'a plus rien à apprendre sur terre, et qui vit dans un corps physique, sur terre, pour aider l'humanité ; qui accepte des élèves désirant évoluer plus rapidement que l'ensemble de leur race pour lui venir en aide, et sont prêts à tout sacrifier à cet objet. [83]


L'HOMME PARFAIT : SA PLACE DANS L'ÉVOLUTION


Peut-être devons-nous ajouter pour la gouverne de ceux auxquels la conception théosophique de l'évolution n'est pas familière que lorsque nous disons : un Homme parfait nous voulons dire bien plus que ce qu'on entend généralement par cette expression. Nous parlons d'un état de conscience capable de fonctionner sans solution de continuité à travers les cinq grandes sphères où l'évolution est en action : soient les mondes physique, intermédiaire et céleste avec lesquels tous les hommes se trouvent actuellement en corrélation, plus deux cieux plus élevés (rappelons-nous que saint Paul a parlé du troisième ciel) où l'humanité ne peut encore pénétrer.
La conscience d'un Maitre est à l'aise dans tous ces mondes et les contient tous, et ses corps éthérés et subtils y fonctionnent librement, de sorte qu'il peut à tout instant connaitre et agir à volonté dans une région quelconque de l'un quelconque d'entre eux. Le rang qu'occupent les Maitres est le cinquième de la grande Fraternité dont les membres ont devancé l'évolution [84] normale. Les quatre degrés inférieurs sont occupés par des disciples initiés qui vivent et travaillent, inconnus pour la plupart, dans le monde d'ici-bas, exécutant la tâche qui leur est assignée par leurs supérieurs. À certains moments de l'histoire de l'humanité, aux époques de crises graves, de transition d'un type de civilisation à un autre, des membres de la Hiérarchie occulte, des Maitres et même des Êtres d'un rang encore plus élevé, paraissent dans le monde. En temps normal, bien qu'incarnés dans des corps humains, ils demeurent en des lieux retirés et inaccessibles, loin du tumulte de la vie humaine, pour remplir la mission bienfaisante dont l'accomplissement serait impossible dans les résidences encombrées et bruyantes des hommes.


LE MAITRE JÉSUS


Jésus fut pendant les trente premières années de sa vie qui précédèrent son baptême, moment où l'Esprit de Dieu descendit en lui et y demeura désormais, élevant son corps humain à la dignité de Temple du Christ incarné, le plus pur et le plus saint des disciples. Puis, en tant qu'homme, il atteignit l'état de Maitre [85] et devint le Seigneur et le maitre de l'Église fondée par le Christ. Il est significatif que, dans la doctrine de l'Église, on insiste sur la réalité de la survivance de son corps humain "avec lequel il s'éleva au ciel". À travers tous les âges troublés du christianisme, le maitre Jésus fut le Gardien et le Pasteur de son Église, guidant, inspirant, disciplinant, purifiant siècle après siècle, et déversant à présent ce torrent de christianisme mystique qui fertilise les jardins de la chrétienté et y fait s'épanouir une fois encore des fleurs magnifiques. Revêtu d'un corps qu'il a pris en Syrie, Il attend l'époque de sa réapparition dans la vie publique parmi les hommes.


LE MAITRE HILARION


Hilarion, qui fut jadis le Jamblique de l'École néoplatonicienne, qui nous donna par M. C. la Lumière sur le Sentier et par H. P. Blavatsky la Voix du Silence, est un artiste consommé en ce qui concerne la prose poétique anglaise et l'expression mélodieuse de la pensée. Il travaille également pour les temps qui vont venir et jouera un rôle dans le drame de l'Ère nouvelle. [86]


LES MAITRES M ET KH


Ceux que M. Sinnett nomme M et KH dans son Monde Occulte furent les deux Maitres qui fondèrent la Société Théosophique, en employant le colonel Olcott et H. P. Blavatsky, tous deux disciples de M., à en établir les fondations. Ils fournirent à M. Sinnett les matériaux pour ses livres célèbres, l'un que nous avons mentionné plus haut, et l'autre le Bouddhisme Ésotérique, qui apportèrent à des milliers d'individus en Occident la lumière de la Théosophie. H. P. Blavatsky a raconté comment elle rencontra le Maitre M. sur le quai du Serpentine lorsqu'elle visita Londres en 1851.


LE MAITRE RAKÓCZI ET DIVERS AUTRES


Le dernier survivant de la Maison royale des Rakóczi, connu sous le nom de Comte de Saint-Germain dans l'histoire du dix-huitième siècle, sous celui de Bacon au dix-septième siècle, de Robert le Moine au seizième, d'Hunyadi Janos au quinzième, et de Christian Rosenkreutz au quatorzième, pour ne mentionner que [87] quelques-unes de ses incarnations, fut disciple au cours de toutes ces vies laborieuses et a maintenant atteint le rang de Maitre. C'est "l'Adepte Hongrois" du Monde Occulte et quelques-uns d'entre nous le connaissent revêtu de ce corps hongrois.
Il y a aussi le "Maitre Vénitien" et "Sérapis" qui enseigna le colonel Olcott à un moment donné, et le "Vieux Monsieur de Tiruvallur" auquel H. P. Blavatsky donna ce nom étrange, que Subba Rao et C. W. Leadbeater visitèrent dans sa retraite des Nilgiri, retraite située à environ 80 milles d'Adyar, où il vit isolé, observant les transformations du monde et plongé au coeur des sciences abstruses dont la chimie et l'astronomie ne sont que les enveloppes extérieures. Quelques-uns parmi les Maitres sont plus ou moins connus du public et doivent le devenir plus, avant que le présent siècle ne soit écoulé.


OU VIVENT-ILS ?


Ils demeurent dans des contrées diverses, éparses dans le monde. Le Maitre Jésus réside la plupart du temps dans les montagnes du Liban ; le Maitre Hilarion en Égypte dans un [88] corps crétois ; les Maitres M et KH tous deux au Tibet près de Shigatsè, tous deux dans des corps indous.
Le maitre Rakóczi vit en Hongrie mais voyage beaucoup ; je ne connais pas la retraite du Maitre "Vénitien" ni celle du maitre "Sérapis". Que signifie d'ailleurs la résidence du corps physique quand l'activité du corps subtil, qui se libère à volonté du corps plus grossier, transporte son possesseur où il le désire à n'importe quel moment ? Le mot lieu perd sa signification ordinaire pour ceux qui sont de libres citoyens de l'espace, allant et venant à leur gré. Et, quoique l'on sache qu'Ils ont des résidences où demeure d'ordinaire leur corps physique, celui-ci ressemble tellement à un simple vêtement que l'on peut dépouiller à tout moment, que la question de lieu en perd beaucoup de son intérêt.


LEUR OEUVRE


Ils aident, par d'innombrables moyens, au progrès de l'humanité. De la sphère la plus élevée, ils répandent sur tout l'univers une lumière et une vie qui peuvent être recueillies et assimilées aussi naturellement que la lumière [89] du soleil par ceux qui sont assez réceptifs pour en profiter. De même que le monde matériel vit de la vie de Dieu concentrée par le soleil comme par une lentille, de même le monde spirituel vit de la même Vie à laquelle la Hiérarchie occulte sert de foyer. De plus, les Maitres qui sont en rapport direct avec les religions s'en servent comme de réservoirs où Ils accumulent de l'énergie spirituelle pour être distribuée entre les fidèles de chacune d'elles par les voies de la grâce dument désignées pour cela. Vient ensuite la grande oeuvre intellectuelle qui consiste pour les Maitres à émettre des formes-pensées d'une grande puissance intellectuelle, qui doivent être saisies par des hommes de génie, assimilées par eux et apportées au monde par leur intermédiaire. Dans cet ordre d'idées Ils envoient également leurs instructions à leurs disciples en leur indiquant quelles tâches ils doivent entreprendre. Puis, c'est le travail dans le monde mental inférieur, la génération de forme-pensées qui influent sur l'intelligence concrète et la guident suivant des directions d'idées utiles au monde, et l'enseignement des habitants du monde céleste. Ce sont ensuite les activités importantes du monde intermédiaire, l'aide aux soi-disant morts, la direction générale et le contrôle de [90] l'enseignement des disciples plus jeunes, l'envoi de secours dans de nombreux cas de besoin. Dans le monde physique, Ils observent la tendance des évènements, corrigent et neutralisent, autant que la loi le permet, les mauvais courants, équilibrant constamment les forces qui travaillent pour et celles qui travaillent contre l'évolution, pour fortifier le bien et affaiblir le mal. Ils travaillent également d'accord avec les Anges des nations, dirigeant les forces spirituelles tandis que leurs collaborateurs s'occupent des forces matérielles. Ils choisissent et rejettent des acteurs pour le grand Drame, influent sur les décisions humaines et inspirent des impulsions utiles dans la direction voulue.
Nous n'avons cité que quelques-uns des modes d'activité sans cesse exercés dans toutes les sphères par les gardiens de l'humanité, ce sont ceux qui entrent dans le champ de notre vision limitée. Ils forment comme un mur protecteur autour de l'humanité, à l'intérieur duquel elle peut progresser sans être écrasée par les forces immenses qui sont en oeuvre autour de sa demeure planétaire. De temps en temps l'un d'Eux surgit dans le monde des hommes, sous la forme d'un grand Instructeur religieux, pour s'acquitter de la mission de répandre une forme nouvelle des vérités [91] éternelles, forme qui convient à une nouvelle race ou à une civilisation nouvelle. Tous les grands Prophètes des religions du globe sont sortis de leurs rangs, et, tant que vit une religion, l'un de ces grands Êtres reste à sa tête avec la mission spéciale de veiller constamment sur elle.


LE GRAND INSTRUCTEUR


Au cours du siècle actuel éclatera l'une de ces grandes crises qui dans l'histoire de l'humanité marquent l'avènement d'une civilisation nouvelle. Celui qu'en Orient les hommes nomment Vérité-Sagesse ou l'Instructeur du monde et qu'en Occident on appelle le Christ, reviendra sous peu s'incarner sur terre et prendre place une fois de plus dans la foule agitée des hommes. Avec Lui viendront plusieurs des Maitres pour l'aider dans son oeuvre et répandre au loin son message. Le torrent précipité des évènements actuels, les charges intolérables qui écrasent les peuples, les menaces de guerre, le chaos des opinions politiques, sociales et religieuses, tous ces signes et bien d'autres sont les avant-coureurs des temps nouveaux, de la disparition d'une [92] civilisation vieillie, de la naissance d'une ère nouvelle. En vérité, ce sera un monde nouveau que contempleront dans leur maturité les enfants d'aujourd'hui, car de nouveau retentit l'antique parole : "Voyez ! Je crée un nouveau ciel et une nouvelle terre. Voyez ! Je renouvèle toute chose."


FIN DU LIVRE