UNION

LES ENSEIGNEMENTS DES MAITRES DE LA HIERARCHIE

LA MORT, UNE ILLUSION ! — Condensé d'une conférence donnée en Australie en 1908 Par Annie BESANT -1919

LA MORT, UNE ILLUSION ! — Condensé d'une conférence donnée en Australie en 1908 Par Annie BESANT -1919

LA MORT, UNE ILLUSION !

Condensé d'une conférence donnée en Australie en 1908


Par Annie BESANT -1919


Traduit de l'anglais
Original : Société Théosophique —1965

Droits : domaine public

Édition numérique finalisée par GIROLLE (www.girolle.org) — 2015
Remerciements à tous ceux qui ont contribué aux différentes étapes de ce travail

 

NOTE DE L'ÉDITEUR NUMÉRIQUE


L'éditeur numérique a fait les choix suivants quant aux livres publiés :
- Seul le contenu du livre à proprement parler a été conservé, supprimant toutes les informations en début ou en fin de livre spécifiques à l'édition de l'époque et aux ouvrages du même auteur.
- Le sommaire de l'édition papier originale a été supprimé sauf dans certains ouvrages où le sommaire, sous forme de liens hypertextes renvoyant au chapitre concerné, est thématique − sommaire rappelé en tête de chapitre.
- Certaines notes de bas de page ont été supprimées ou adaptées, car renvoyant à des informations désuètes ou inutiles.
- L'orthographe traditionnelle ou de l'époque a été remplacée par l'orthographe rectifiée de 1990 validée par l'académie française.

 

LIVRE

 


Il y a dans le drame d'Hamlet une inconséquence frappante : alors qu'au début de la pièce on nous affirme que la mort est la "frontière qu'aucun voyageur ne repasse", la pièce n'est elle-même qu'un acheminement vers la preuve définitive du meurtre dont un spectre avait le premier révélé l'existence. Des contradictions analogues sur la croyance en une autre vie et la possibilité de communiquer avec les autres mondes, le vague des opinions en ces matières, tout cela se retrouve dans notre vie moderne. Chez les Chrétiens les conceptions sont bien plus vagues que chez les peuples non chrétiens d'aujourd'hui ou d'autrefois.
À Rome, on acceptait de prêter de l'argent contre des garanties valables dans l'au-delà, et on ne saurait donner meilleure preuve de la croyance à la persistance de la personnalité humaine. Aux Indes la veuve refuse de se remarier parce qu'elle considère que le lien conjugal n'est nullement brisé par la mort. D'autres peuples encore ont cette certitude d'une vie supraphysique.
Pourquoi donc de nos jours chez les peuples les plus civilisés qui se vantent que leur religion leur procure la certitude de la vie post mortem, pourquoi donc parmi nous, cette croyance est-elle devenue pratiquement impuissante à influencer notre vie ? Pourquoi est-elle devenue si vague, si nuageuse ? Pourquoi est-elle devenue si faible ?
Je crois que la principale raison en est la façon irrationnelle dont, pendant des siècles, le Christianisme nous a fait envisager cette autre vie. L'idée que l'éternité était déterminée par les quelques évènements, si souvent insignifiants, de la courte existence comprise entre le berceau et la tombe, n'a pas peu contribué à nous faire rejeter toute conception d'une vie future. Mais autrefois cette croyance était bien réelle. Quelques-uns sans doute parmi vous se rappellent des prédicateurs chrétiens qui, pour décrire en détail les joies du paradis ou les terreurs de l'enfer, se servaient de métaphores qui seraient aujourd'hui accueillies, avec indignation ou dérision, suivant l'auditoire.
Rappelez-vous, ce prédicateur calviniste qui, voulant donner une idée de l'éternité des peines de l'enfer, disait à ses auditeurs de se représenter une montagne immense faite de grains de sable amoncelés, et dont un oiseau emporterait tous les milles an un grain dans son bec jusqu'à épuisement. Eh bien, les peines de l'enfer ne seraient pas plus près de cesser au dernier grain qu'au premier.
Qui pourrait s'étonner que la conscience humaine se soit révoltée contre une si abominable doctrine ! Et le fait qu'il serait aujourd'hui impossible de prêcher un tel sermon, du moins devant un auditoire cultivé, prouve que les vieilles croyances ne sont plus admises. Mais les hommes ne sachant par quoi remplacer ce à quoi ils ne pouvaient plus croire, sont restés dans le doute. Ils sentaient très bien qu'ils n'étaient ni assez mauvais pour rester éternellement en enfer, ni assez bons pour demeurer éternellement au paradis ; les conceptions irrationnelles qu'on leur offrait ont affaibli chez la plupart d'entre eux toute croyance en une vie future, et beaucoup disent aujourd'hui : "En somme on ne peut rien savoir là-dessus. Faisons de notre mieux ici-bas, et espérons que tout s'arrangera de l'autre côté."
Voilà ce qu'on entend dire communément par des gens vertueux, réfléchis, mais incapables de substituer à une croyance rejetée une conception rationnelle de la vie future. Mais est-il vraiment impossible de rien savoir ou peut-on au contraire dès maintenant connaitre les faits en présence desquels nous nous trouverons un jour ?
Eh bien, aujourd'hui comme autrefois, on nous affirme qu'il est possible d'acquérir la connaissance de ces autres mondes, tout comme on acquiert la connaissance des pays étrangers, c'est-à-dire en les parcourant, et en observant ce qui s'y trouve. Deux moyens sont offerts au monde moderne ; l'un facile, mais peu satisfaisant, l'autre difficile, mais de plus en plus satisfaisant à mesure qu'on l'expérimente. Le premier est celui que préconisent nos amis les spirites, l'autre celui des théosophes. Voyons un peu en quoi ils diffèrent, avant d'expliquer en détail les méthodes d'investigations théosophiques et leurs résultats.
Le moyen des spirites est comparativement facile ; il n'exige aucun mode de vie spécial, aucune étude particulière. Il est fait pour les gens, et non par eux. Il consiste à prendre pour intermédiaire une catégorie de personnes qui, grâce à une constitution physique spéciale, peuvent servir de lien entre ce monde et l'autre, les médiums. La communication s'établit soit lorsqu'un médium quitte son corps pour permettre à quelqu'un d'autre de l'occuper, soit lorsque l'entité désincarnée revient dans ce monde en se matérialisant.
Pour la première de ces méthodes, celle qui consiste à sortir de son corps et à le laisser occuper par un autre, il y a quantité de faits, non seulement spirites, mais scientifiques aussi, qui prouvent qu'un corps humain peut être employé par plus d'une personnalité.
Les cas de personnalités multiples étudiés aujourd'hui par les psychologues, contribuent d'une manière intéressante à nous faire comprendre comment un même corps peut être occupé par plus d'une entité. Mais en acceptant ce fait, il y a tant de preuves que le corps est parfois aussi possédé par des entités désincarnées, qu'aucun de ceux qui ont soigneusement étudié les faits, ne dira que tous les phénomènes spirites sont dus à la fraude, bien qu'il y en ait de frauduleux. Même en laissant de côté les cas douteux, il reste un petit nombre de faits qu'on ne peut nier.
Je ne suis pas moi-même spirite, mais il est juste de reconnaitre la valeur du travail entrepris par des spirites pour démontrer la survivance de la personnalité humaine malgré les railleries, les menaces, les persécutions, et toutes les armes dont l'ignorance pouvait se servir. Ils ont continué à accumuler les preuves, et ainsi amené quantité de savants à admettre ce qu'ils avaient nié tant d'années ; c'est à leur courage qu'on doit ces preuves. Et il n'y a pas, pour le matérialiste endurci qui ne peut être convaincu que par le témoignage des sens, de meilleure méthode que les investigations psychiques. Et si je suis opposée à cette sorte de recherches, ce n'est pas parce qu'elles sont toujours trompeuses, mais bien parce que les désincarnés qui viennent ainsi communiquer sont très rarement des gens capables de donner des indications nettes et complètes. Ce sont pour la plupart des gens restés tout près de la terre qu'ils ont quittée. Dans la grande majorité des cas, ils ne font preuve ni d'une grand intelligence, ni d'une vaste connaissance des conditions de la vie de l'au-delà. Leurs dires, parfois intéressants, ne sont ni complets, ni détaillés, sauf dans un ou deux cas qui se distinguent nettement du reste. La contribution du spiritisme à la connaissance de l'autre vie n'a donc qu'un caractère très limité, tout en étant absolument probante quant au fait même de la survie. De plus je déplore la diminution de vitalité que ces pratiques entrainent chez les médiums.
S'il n'y avait pas d'autre moyen de se renseigner, on ne pourrait nous blâmer de nous en servir, mais il en existe un autre meilleur et plus sûr, que je veux signaler à votre attention. Ce moyen-là consiste à utiliser notre nature spirituelle pour nous mettre en rapport avec ceux qui ont rejeté leurs corps de chair. Si nous sommes des esprits de l'autre côté de la mort, nous sommes aussi des esprits de ce côté-ci. Notre nature spirituelle peut passer de ce monde-là dans celui-ci, et peut quitter ce monde-ci pour aller étudier l'autre, tout en restant capable de revenir au monde actuel. C'est la méthode suivie dans le passé par les grands Instructeurs.
Comme elle est basée sur la nature spirituelle, la même en chacun de nous, il ne dépend que de nous de l'employer pour nous livrer aux mêmes recherches. Elle repose sur ce fait que nous sommes des esprits revêtus de plusieurs corps, que ces corps sont, même en ce moment, en contact avec d'autres mondes que le monde physique, et qu'il est possible d'entrainer les corps physiques et psychiques pour pouvoir travailler comme intelligence vivante dans le corps psychique aussi bien que dans le corps physique, et d'étudier soi-même les mondes de l'au-delà.
C'est ainsi que les recherches théosophiques ont été entreprises. Puisque nous sommes des intelligences spirituelles, nous n'avons pas besoin, pour savoir ce qui se passe de l'autre côté, d'attendre que la mort nous ait délivrés de notre corps physique. Voilà ce que l'on a si souvent proclamé, et vérifié, et pour ce que je vais maintenant vous dire, je me baserai sur ces investigations-là. Je n'ai pas l'intention de dire autre chose que ce dont je puis certifier avoir par moi-même vérifié l'exactitude. Nous avons l'habitude de contrôler à plusieurs reprises ce que l'un de nous a observé, de façon à avoir des témoignages suffisamment nombreux pour affirmer ce que nous disons.
Je commencerai donc par cette affirmation qu'il est possible de quitter son corps et d'y revenir. Vous allez peut-être le trouver étrange, mais c'est ce que vous faites chaque soir. En s'endormant on quitte son corps tout en restant une intelligence vivante. Ce fait est de plus en plus reconnu par les savants qui utilisent ce qu'on appelle la transe, et qui n'est qu'un sommeil pendant lequel le corps physique est, il est vrai, insensible, mais qui n'en est pas moins essentiellement un sommeil. On a prouvé, de façon irréfutable, qu'il est possible de quitter ainsi son corps, et que, dans ces conditions, l'intelligence est beaucoup plus active et plus puissante que dans les conditions physiques normales. Et c'est sur cette possibilité de quitter le corps sans perdre l'intelligence, que se fondent nos recherches.
Ce n'est pas cependant de l'état de rêve que nous nous servons ; nous quittons volontairement notre corps. On arrive à le faire par entrainement, pendant le sommeil ou pendant la veille, et, graduellement on parvient à relier les deux états, à quitter le corps sans perte de conscience, et à rapporter au retour pour l'imprimer sur le cerveau, le souvenir de ce que l'on a observé en dehors de lui. On peut alors faire un pas de plus et éveiller les sens psychiques intérieurs, si bien qu'après un certain temps il n'est plus nécessaire de quitter le corps pour s'en servir. On apprend ainsi graduellement à les développer de façon à en être maitre, et à pouvoir observer l'au-delà à l'état de veille.
Rappelez-vous que l'autre monde n'est pas lointain, il est autour de vous. Ceux de vos amis qui ont quitté leurs corps ne sont pas partis pour un pays éloigné ; ils restent près de ceux qu'ils aiment, et sont visibles pour les yeux ouverts qui peuvent voir la matière subtile dont l'intelligence est alors revêtue.
Je dis donc que tous vous avez un corps fait de cette matière subtile et que vous possédez les sens qui permettent de voir ces corps subtils. Et si vous suivez l'entrainement dont je vous parle, vous pourrez, tout en restant conscients des choses de ce monde-ci, examiner aussi les choses de l'au-delà, qui peut devenir pour nous un monde connu, et non plus seulement un monde espéré.
Voyons maintenant ce qui arrive quand une personne rejette son corps physique au moment de la mort. Il arrive exactement ce qui arrive chaque soir lorsque vous vous endormez. Aucune douleur, aucune peine n'accompagne ce départ, même s'il y a des signes de souffrance physique. La souffrance n'existe plus, quand bien même le corps physique simulerait par ces mouvements une souffrance qui n'est plus ressentie. L'intelligence qui s'en va ne sent plus les dernières convulsions du corps mourant, elle est pour ainsi dire tournée vers le dedans, vers sa propre existence immortelle, consciente du monde qui s'ouvre à elle, et inconsciente du monde qu'elle quitte pour la dernière fois. D'où le devoir, pour ceux qui entourent le mourant, de ne pas troubler l'ami qui s'en va en manifestant leur chagrin, car cela l'empêcherait de partir paisiblement, et le rappellerait un instant aux souffrances d'ici-bas.
La plupart des religions ont sagement prescrit des prières pour les mourants et cela encore plus pour calmer les vivants que pour celui qui s'en va. En réalité il n'y a pas de mort ; rien qui ressemble à la cessation de la vie n'est possible.
Pendant environ trente-six heures après la mort, l'homme reste dans un état de conscience heureux mais vague. Je veux dire par là qu'il n'est pas conscient de ce qui l'entoure ni ici-bas ni de l'autre côté ; il est plutôt perdu dans ce qu'on pourrait appeler des rêves ; il ne souffre plus et en ressent de la joie, de la satisfaction. C'est comme une pause entre les deux existences, et cela dure pendant un temps assez bref. Après cela, chacun fait des expériences variant selon la vie qui vient de se terminer.
Le mieux pour expliquer clairement les choses est d'établir une sorte de classification, parmi ceux qui s'en vont. Prenons donc d'abord le type humain le moins élevé : le sauvage, le criminel né, l'homme aux passions violentes et déréglées, celui dont les seules jouissances ont été la satisfaction des appétits du corps. Vous avez là une large catégorie d'humains, dont les expériences, inutile de le cacher, sont d'une nature très pénible. Il ne saurait en être autrement dans un monde, où la loi est immuable, où l'effet suit immanquablement la cause. Que peut-il arriver à un homme dont tous les plaisirs sont liés au monde physique, lorsque le corps physique lui échappe, et que toutes ses passions lui restent sans pouvoir être satisfaites ? Que peut-il lui arriver si ce n'est le désir violent et pénible de retrouver les plaisirs disparus, et de souffrir parce que ses désirs ne peuvent plus être satisfaits ? Qu'est-ce qu'un tel homme peut bien ressentir, si ce n'est l'envie passionnée d'éprouver à nouveau les sensations qui étaient sur terre son unique plaisir, et une vive déception de se voir frustré de ces jouissances maintenant hors d'atteinte.
C'est ce qui a donné lieu aux histoires d'enfer dont toutes les religions parlent, mais que leurs exagérations ont rendu sans effet. La loi est la loi. L'ivrogne et le débauché, victimes de leurs désirs insatiables, doivent souffrir de l'autre côté jusqu'à ce que ces désirs s'épuisent. Ce n'est pas un châtiment, c'est une conséquence inéluctable, l'application de la loi naturelle, bienfaisante, mais juste, qui veut que l'homme récolte ce qu'il a semé, et que grâce à cette récolte il comprenne si les semailles étaient bonnes ou mauvaises. Et vous voyez là ce qui distingue cet enfer temporaire (je veux bien employer le mot) de l'enfer éternel.
Dans un monde régi par la loi, la souffrance est un remède ; par elle la nature nous montre ce que nous ne devons pas faire. Les choses qui nous nuisent physiquement, moralement ou mentalement, sont toutes accompagnées de souffrances, dans ce monde ou dans l'autre. Le débauché après avoir joui quelque temps, paie ses plaisirs même ici, car il se ruine la santé, et son corps en porte les traces. De l'autre côté aussi, il récoltera la souffrance parce qu'il ne pourra plus satisfaire les désirs qu'il n'a pas encore tués. Mais une fois ces désirs disparus il avancera, libéré de la souffrance qui était son oeuvre ; car aussitôt débarrassé de ses vices, qui s'éteignent faute d'aliment, il cesse de souffrir.
Et voilà comment l'homme apprend qu'il est mauvais lorsqu'on a revêtu la forme humaine de continuer à mener la vie passionnelle de la brute. Les souffrances qu'il endure ainsi inévitablement, le rendront plus sage à l'avenir.
Remarquez que les anciennes religions dictaient à l'homme sa conduite sur terre de façon à lui éviter de souffrir dans l'au-delà. Elles lui recommandaient, lui ordonnaient même lorsqu'il arrivait à l'âge mur, d'abandonner les plaisirs du monde, de passer plus de temps à réfléchir qu'à s'amuser, de consacrer plus de temps à l'étude, à la méditation et à la prière qu'aux intérêts matériels. L'homme pouvait ainsi se procurer de propos délibéré, un bagage utilisable de l'autre côté, et emporter avec lui de purs sentiments, de nobles pensées, laissant au contraire les passions derrière lui.
Outre cette période de la vie de l'au-delà qui est une période de souffrances, il existe parfois d'autres souffrances dues celles-là à une cause facilement évitable. La pensée est beaucoup plus puissante de l'autre côté qu'elle ne l'est de ce côté-ci, et les choses auxquelles ici vous croyez deviennent par là-bas des formes, des forces avec lesquelles vous vous trouvez en contact. Et c'est ainsi que les prédications d'un certain Christianisme étroit, qui présentent la vieille doctrine de l'enfer éternel, font de l'autre côté un mal réel en causant de la terreur, et en procurant parfois à ceux qui les ont écoutées, quelques heures, voire même quelques jours de souffrance. Cette souffrance est occasionnée en partie par la frayeur, mais en partie aussi par le fait que les choses horribles redoutées ici-bas sont devenues des réalités.
Quelques-uns d'entre nous ont, en s'occupant des habitants de l'autre monde, rencontré parfois un de ces Chrétiens ignorants, mais convaincus, qui, ayant cru sur terre à l'enfer, étaient absolument terrorisés à la pensée du sort affreux qu'ils avaient imaginé comme possible.
Les gens qui quittent ce monde avec des pensées de ce genre dans l'esprit, endurent réellement pendant un temps les souffrances qu'ils redoutent ; pas longtemps heureusement, car nombreux sont ceux qui, de l'autre côté, travaillent sans cesse à aider les trépassés, à leur faire comprendre qu'ils ont tort de se laisser torturer par de telles craintes, maintenant qu'ils ont quitté leur corps.
Ceux qui s'en vont subitement dans l'autre monde, soit qu'ils se suicident ou qu'ils soient victimes d'un accident, ont grand besoin qu'on les aide. Les hautes intelligences, que l'on appelle des anges, ont en partie pour
tâche d'aider et de consoler ceux qui, passant brusquement d'un monde à l'autre, se trouvent dépaysés dans l'au-delà. C'est précisément à cause du choc que cause ce soudain départ qu'on prie pour être préservé de la mort subite.
J'ai souvent entendu des personnes dire qu'elles ne pouvaient réciter cette prière avec conviction, et qu'il leur semblait bien préférable de s'en aller rapidement, sans être averties de l'approche de la mort. Tel n'est pas l'avis de ceux qui connaissent les conditions de l'au-delà. Mieux vaut infiniment la maladie, qui permet de relâcher peu à peu les liens nous attachant à la vie, que le choc brusque causé par un soudain départ. Car alors l'intelligence arrive dans l'au-delà si rapidement qu'elle en est étourdie, troublée ; et le nouveau venu, n'étant pas préparé, ressent dans ce monde nouveau un étonnement qui le terrifie. La mort subite n'est donc pas désirable du point de vue de tous ceux qui savent, et la vieille prière chrétienne est basée sur une réelle connaissance occulte.
On m'a souvent demandé quel était le sort des suicidés. Je ne puis répondre d'une manière générale, parce que cela dépend de la vie qui a précédé, et non pas seulement de l'acte soudain qui sur terre a terminé cette vie. Lorsqu'un homme essaie, par le suicide, d'échapper aux conséquences de ses actes, lorsque par exemple, il se tue pour échapper aux poursuites que lui ont attiré des détournements, ou autres actes analogues, sa vie de l'autre côté n'est certainement pas heureuse, et cela plutôt à cause du mal fait qu'à cause du suicide lui-même. Quand un homme par des abus de confiance, des actions malhonnêtes, répand la souffrance autour de lui, puis pour échapper aux conséquences de ses actes, supprime son corps, il n'échappe à rien du tout. De l'autre côté il assiste impuissant au spectacle de la misère qu'il a causée ; incapable d'aider, tourmenté par la vue du mal dont il est l'auteur, il s'est, en se débarrassant de son corps, rendu plus malheureux ; il voit tous ceux qu'il a réduits à la misère et qui l'entourent de leurs pensées de colère. En supprimant son corps il a commis un acte stupide, il n'a échappé a rien, il n'a fait qu'intensifier sa souffrance.
Mais s'il s'agit d'un suicidé qui, par suite de grandes souffrances, ou de désespoir, avait perdu la maitrise de lui-même, d'un homme qui a agi sans réflexion, et non avec préméditation, emporté peut-être par un accès de désespoir auquel il n'a pu résister, alors les résultats ne sont naturellement pas aussi terribles, car c'est la douleur et non le crime qui l'a poussé. Mais dans tous les cas où le corps a été subitement abandonné, qu'il s'agisse de suicide ou d'accident, l'homme n'est pas mort au sens habituel du mot, c'est-à-dire pas mort, comme s'il avait, auparavant vécu toute sa vie terrestre, et il lui faut continuer celle-ci de l'autre côté. Seulement là-bas les conditions sont moins favorables qu'ici-bas. C'est la vie terrestre sans corps physique, l'homme reste pour ainsi dire lié à la terre, et il ne peut la quitter avant l'heure en vue de laquelle son corps avait été construit, l'heure de sa mort naturelle. Il est donc évident que le suicide est toujours une folie, puisqu'au lieu d'échapper aux difficultés et aux souffrances, l'homme se met dans des conditions plus défavorables encore, et les seuls cas ou le suicidé s'endorme d'un sommeil paisible sont ceux où la douleur avait réellement affaibli sa raison, et où aucune responsabilité morale n'avait pu être encourue par lui du fait de l'acte inconsidéré par lequel il a mis fin à sa vie.
La connaissance des conditions d'outre-tombe montre aussi combien la peine de mort est mauvaise. Il n'y a rien de plus absurde, de plus criminel aussi, que d'envoyer légalement un meurtrier dans l'autre monde. Non seulement on lui retire ainsi toute chance de se corriger, de s'amender, et d'être aidé, mais on fait la chose la plus ridicule qu'on puisse imaginer : on libère une intelligence malfaisante qu'ici-bas on pouvait, du moins, empêcher de nuire. Le meurtrier qu'on enferme ne peut plus faire de mal, mais si on lui enlève son corps, comment le maitrisera-t-on de l'autre côté ? Ce sont des gens de cette espèce qui ont donné naissance aux histoires de démons qui tentent les hommes et les incitent au mal. Car, furieux d'avoir été tués, haïssant la société, désirant ardemment se venger, ils poussent souvent d'autres plus faibles au crime. Aussi n'est-il pas rare, après une exécution, de voir surgir un grand nombre de crimes analogues à celui qui avait causé la condamnation du meurtrier, et cela au même endroit.
Ce n'est donc pas sans raison que les pays qui ont aboli la peine de mort sont précisément ceux où il y a le moins de crimes. En punissant de mort le meurtrier, on suscite le meurtre. L'étude des conditions post mortem nous fait comprendre la nécessité de réformer notre répression pénale.
Laissons maintenant cette catégorie tout-à-fait inférieure et examinons l'être humain moyen, que l'on rencontre par centaines et par milliers autour de soi ; qui, en dehors de son gagne-pain, n'a que des jouissances matérielles, qui ne fait rien pour stimuler son intelligence ou satisfaire de plus nobles sentiments. Ou bien prenons ces femmes dont la vie est aussi insignifiante, et qui n'ont pas de plus grande distraction que la toilette et le désoeuvrement.
Que peuvent faire dans l'au-delà des gens pareils ? Toute leur vitalité est passée dans leur corps ; ils ne s'intéressent qu'aux choses matérielles, ils n'ont ni plaisirs intellectuels, ni plaisirs artistiques, ni aucun sentiment élevé. La toilette, la mode, les jeux, voilà les seules choses auxquelles ils s'intéressent et ces choses-là ne les suivent pas de l'autre côté.
Ils ne souffrent pas à proprement parler ; ils mènent simplement une vie triste, monotone, misérable jusqu'à ce que le côté supérieur de leur nature s'éveille et montre un peu d'activité. Ils y trouvent la vie si ennuyeuse qu'elle leur parait presque insupportable.
Or il est bon de connaitre ces choses à l'avance ; si on connait ces inconvénients dès maintenant on peut les éviter, car cela est facile. Il suffit de limiter ses amusements comme on limite son travail, et d'en adopter qui soient de nature à ne pas disparaitre avec la mort. Je ne condamne pas les plaisirs, tout le monde a besoin de s'amuser, et surtout ceux dont le travail est particulièrement pénible ; il leur faut des amusements qui mettent un peu de gaieté dans leur vie. Mais est-il nécessaire que ces plaisirs soient stupides ? Voilà le point à envisager.
Prenons la musique par exemple. La musique éveille en nous des émotions que l'on peut emporter de l'autre côté, et qui peuvent être là-bas utilisées sous forme de jouissances élevées. Pourquoi, dans ces conditions, ne pas avoir ici-bas de la musique qui élève, et non de la musique qui abaisse ? Il n'est pas nécessaire que ce soit de la musique très difficile, qui n'intéresse que les musiciens ; ce peut être une belle romance, un chant exprimant un sentiment élevé, une émotion pure, quelque chose de plus beau que ces refrains stupides qui ne sont vraiment pas dignes d'être écoutés par des êtres doués de raison.
Voilà encore un résultat pratique de l'étude des conditions post mortem. Faites en sorte qu'une partie au moins de vos amusements développe le coté de votre nature qui vous accompagnera de l'autre côté. Ayez un passetemps préféré, quelque chose qui cultive, épure, sans trop fatiguer le cerveau déjà lassé par le travail quotidien ; quelque chose qui fasse vibrer la partie vraiment humaine de votre être, et non seulement la partie physique. Vous aurez ainsi quelque chose que vous pourrez emporter dans l'autre monde, et qui, là-bas, vous procurera bonheur et satisfaction.
Parmi ceux qui sont partis il s'en trouve beaucoup qui sont encore dans les régions les plus élevées du monde intermédiaire dont je vous ai entretenu jusqu'ici. Il y a là des hommes qui s'intéressaient à de grandes choses, qui
aimaient leur groupement, leur ville, leur pays. Ces hommes ont emporté avec eux ce qui faisait l'objet de leurs préoccupations, et aussi le pouvoir de se rendre utiles. L'homme d'état, le politicien honnête qui a rendu des services, celui qui a aimé le peuple et s'est efforcé de le servir, cet homme ne devient pas inutile parce que la mort lui a ôté son corps physique. Dans ce monde supérieur il peut encore servir la cause qu'il aimait, insuffler aux autres l'enthousiasme qui le faisait agir ; il a conservé ses gouts, ses facultés, et peut encore travailler pour les autres.
Organisez donc votre vie ici-bas de façon à y faire entrer quelques préoccupations plus vastes, quelque souci du bien public, quelques pensées d'intérêt général ; cultivez un moi plus étendu que celui du corps physique, et quand vous vous en irez dans l'autre monde, vous y vivrez d'une vie élargie, et enrichie, votre activité, bien loin d'être ralentie, sera au contraire plus grande. C'est ici-bas que vous édifiez votre vie future, c'est d'ici que vous en emportez les matériaux.
Quittons maintenant le monde intermédiaire et passons dans le monde céleste, ce monde qui est le monde de la croissance, de l'évolution accélérée. Tous les hommes y viennent, même les plus pauvres en vertus, les moins développés en intelligence. La catégorie la plus basse dont je vous ai parlé en commençant, qui a dû faire d'abord l'expérience de la souffrance, une fois ce stade franchi, arrive dans le monde céleste où elle ne restera, il est vrai, que très peu de temps, à cause du peu de matériaux qu'elle a pu emporter. Il n'y a pas, soit dans les sentiments, soit dans les pensées, la plus petite semence de bien qui puisse être perdue pour l'âme qui a éprouvé ces sentiments ou eu ces pensées, et qui a éprouvé ces sentiments ou eu ces pensées, et qui ne trouve, de l'autre côté de la mort, un terrain pour germer et fleurir. Dans ce monde céleste aussi, la vie sera en rapport avec la vie terrestre qui l'aura précédée. Elle sera toujours heureuse, bien que pas également heureuse pour tous, le bonheur étant déterminé pour chacun par sa capacité d'en jouir.
Et d'abord toutes les affections d'ici-bas reçoivent dans le ciel pleine satisfaction ; aucun lien d'amour n'est brisé par la mort, aucun lien d'affection ne peut se dénouer dans le monde céleste. Sur terre l'amour est parfois contrarié, mais au ciel il remporte la victoire qu'il n'avait pu s'assurer ici-bas. On me demande parfois : "Est-ce que nous nous reconnaitrons au ciel ? Y rencontrerons-nous là-bas ceux que nous avons aimés ?" – Que serait le ciel s'il n'était pas le lieu où l'on pourra retrouver tous ceux qu'on a aimés sur terre, et s'il manquait un seul au rendez-vous ? Non, la chaine d'amour doit être complète, et elle l'est. Personne ne manque, aucun n'est absent.
En réfléchissant un instant vous verrez combien tout cela est rationnel. Ce n'est pas seulement le corps que l'on aime, on aime l'âme immortelle de ceux qui ici-bas vous sont chers. Une mère aime son fils ; mais ce fils change sans cesse, et le bébé qu'elle tenait dans ses bras devient l'homme qui, dans sa vieillesse, la soutient et la console. Le bébé et l'homme fait sont bien différents, cependant c'est toujours le même fils, et c'est ce fils et non le corps que la mère chérit. Eh bien, ce fils est sans cesse avec elle dans le ciel.
Il en est ainsi de tous les liens, même de ceux qui ont parfois paru se briser sur la terre. Vous est-il arrivé de vous séparer d'un ami après un malentendu ? Un ami a-t-il payé de froideur votre amour et d'ingratitude vos bienfaits ? Peu importe. Continuez à aimer, même celui qui a cessé de vous aimer. Prodiguez-lui votre affection, même s'il vous délaisse, car dans le monde céleste vous regagnerez l'amour de celui que vous pensiez avoir perdu. Ne brisez pas le lien, et ce lien vous réunira dans le ciel. Toutes nos émotions les plus pures s'intensifient et s'épanouissent dans le monde céleste ; non seulement l'amour qui unit les coeurs des parents et des amis, mais aussi l'amour de l'humanité, cet amour plus vaste et plus noble qui s'exprime par le service, cet amour de l'homme si souvent contrarié ici-bas par le manque de moyens ou d'occasions, reparait au ciel et y devient la faculté de servir qu'ici-bas nous n'avons pas eue. Telle est cette merveilleuse alchimie céleste que toutes nos espérances, toutes nos affections, toutes nos pensées, toutes nos aspirations deviennent les matériaux avec lesquels nous construisons notre nature et évoluons vers la perfection.
Je vous ai dit que la pensée était créatrice ; c'est au ciel que ce pouvoir créateur de la pensée atteint son apogée. Il n'y a pas une aspiration élevée, pas un désir, fût-il passager, d'aider et de servir, que nous ne retrouvions dans ce monde pour les faire entrer dans la trame du vêtement que nous reprendrons pour servir sur terre à notre prochaine naissance. Le ciel est l'endroit où nous récolterons ce que nous semons ici-bas, et la moisson est proportionnée à la richesse et à la nature des semences. Si donc nous voulons avoir une vie céleste riche et féconde et progresser plus rapidement, pensons de façon élevée, aimons avec force et pureté et toutes ces expériences terrestres se transformeront au ciel en facultés et en aptitudes nouvelles.
Voilà comment la connaissance de la vie d'outre-tombe aide à vivre ici-bas. Ce ne sont pas là d'agréables mais vaines imaginations. On sème ici-bas ce dont on jouira, ce dont on se servira dans les autres mondes. Lorsqu'on le comprend ou qu'on commence à le comprendre, on change sa vie ici-bas, et on en fait davantage une préparation à une longue vie céleste. Rappelez-vous que la vie ici-bas n'est que la plongée de l'oiseau qui quitte un instant l'air libre du ciel pour l'océan ; l'oiseau plonge un moment dans la mer pour prendre la nourriture dont il a besoin ; de même chacun de nous, né au ciel et non sur la terre, plonge dans la vie terrestre, puis remporte au séjour céleste l'expérience qu'il y a acquise. C'est à cela que sert la vie terrestre, à donner l'expérience qui, au ciel, sera transmuée en caractère et en facultés, à semer les graines de la moisson que l'on récoltera là-bas, à rendre possible une vie céleste féconde, longue et laborieuse. Lorsqu'on le sait, on ne laisse plus passer un jour sans semer quelque chose pour la moisson céleste. La lecture de beaux livres qui vous mettent en contact avec les grands esprits de l'humanité, la communion avec eux, voilà les liens que vous retrouverez au ciel. Car ici-bas l'on n'a que rarement l'occasion de fréquenter les plus grands hommes, les plus nobles penseurs, mais on peut ici-bas choisir la société de ceux qu'on veut rencontrer là-haut. En étudiant sur terre les écrits des grands penseurs de l'antiquité ou des grands auteurs modernes, vous créez des liens qui dans le ciel se renforcent, et alors vous aurez pour maitres les grandes âmes, dont vous aurez étudié avec amour les oeuvres ici-bas.
Voilà comment le ciel et la terre sont reliés l'un à l'autre, comment la connaissance de l'avenir nous permet de faire de cet avenir ce que nous voulons qu'il soit. Mais on ne peut rien y commencer ; c'est ici qu'il faut commencer ce que l'on continuera de l'autre côté.
À mesure que ces faits deviennent plus réels, l'existence ici-bas s'illumine de la clarté de cette autre vie plus belle, la terre s'éclaire de la lueur du ciel.
En réalité vous êtes au ciel par votre nature supérieure, seuls les bruits de la terre vous rendent sourds à la subtile harmonie des mondes célestes. Mais ils vous entourent sans cesse ; les habitants du ciel se mêlent à votre vie terrestre grossière, la musique du ciel vous environne, la lumière céleste brille autour de vous, vous êtes des citoyens du ciel, votre patrie, bien que vous ne la voyiez pas et que vous restiez sourd aux messages qu'elle envoie à votre âme. Votre vie serait bien plus pleine, plus riche, plus heureuse, si seulement vous vouliez ne pas vous attacher passionnément aux formes de la terre mais voir les formes supérieures qui appartiennent à votre lieu de naissance, à votre demeure véritable.
Un instructeur répondit jadis à ses amis qui au ciel lui demandaient ce qu'il pensait de la terre : "C'est un pays heureux pour celui qui peut oublier sa patrie. Mais c'est un pays plus heureux encore pour ceux qui se rappellent leur patrie, et ceux qui connaissent plus d'une seule vie jouissent d'un bonheur bien plus grand, bien plus élevé." Tous les prophètes qui ont connu le ciel et vécu sur la terre, tous les divins Révélateurs qui ont soulevé un petit coin du voile et enseigné à leurs disciples les réalités de cette vie plus vaste, témoignent de la réalité de la vie d'outre-tombe, et du fait qu'elle continue celle d'ici-bas. Faites-en donc ce qu'elle doit être : une vie toute pénétrée de la force de l'évolution, de la certitude du progrès, de la splendeur des potentialités divines qui sont en vous. Alors la terre deviendra aussi le ciel, les deux s'uniront dans votre vie, et ceux qui, encore aveuglés par la terre, ne connaissent pas cette gloire, entreverront, grâce à la beauté de votre vie, une partie des promesses de la vie éternelle, et vous ferez entendre aux oreilles assourdies par la terre, quelques-unes de ces mélodies du ciel, qui seront devenues la musique de notre vie à tous.
FIN DU LIVRE

Vous êtes ici : Accueil LA MORT, UNE ILLUSION ! — Condensé d'une conférence donnée en Australie en 1908 Par Annie BESANT -1919 LA MORT, UNE ILLUSION ! — Condensé d'une conférence donnée en Australie en 1908 Par Annie BESANT -1919