UNION

LES ENSEIGNEMENTS DES MAITRES DE LA HIERARCHIE

LE CHRISTIANISME ÉSOTÉRIQUE OU LES MYSTÈRES MINEURS Par Annie BESANT - 1903

AVANT-PROPOS

LIVRE

En abordant la contemplation des Mystères de la Connaissance, nous nous conformerons à la règle traditionnelle, fameuse et vénérable : nous commencerons par l'origine de l'Univers, déterminant les points, propres à la contemplation physique, qu'il est nécessaire d'établir tout d'abord, et faisant disparaitre tout ce qui pourrait être un obstacle sur notre route : de telle façon que l'oreille soit préparée à recevoir la tradition de la Gnose, le terrain nettoyé des mauvaises herbes et prêt à recevoir la vigne ; car il y a une lutte avant la lutte, des mystères avant les Mystères.
SAINT CLÉMENT D'ALEXANDRIE.
* * *
Que cet exemple suffise à ceux qui ont des oreilles. Car il n'est pas nécessaire de dévoiler les Mystères, mais seulement d'indiquer ce qui est suffisant.
Ibid.
Que celui qui a des oreilles pour ouïr, entende.
SAINT MATTHIEU.


AVANT-PROPOS


Ce livre a pour objet d'appeler l'attention sur les vérités profondes qui sont la base du Christianisme – vérités généralement méconnues et trop souvent niées. Le désir généreux de partager avec tous ce qui est précieux, de répandre à pleines mains des vérités inestimables, de ne priver personne des lumières de la connaissance vraie, a eu pour résultat un zèle inconsidéré qui a vulgarisé le Christianisme et présenté ses enseignements sous une forme souvent rebutante pour le coeur et impossible à accepter par l'intelligence. Le commandement : Prêchez l'Évangile à toute créature 1 est d'une authenticité douteuse, c'est là un point admis, et pourtant on a voulu y voir la défense d'enseigner la Gnose à des privilégiés. Ce commandement semble donc avoir fait oublier cette autre parole, moins populaire, du même Grand Maitre : Ne donnez point les choses saintes aux chiens 2. Cette sentimentalité de mauvais [2] aloi – qui refuse d'admettre les inégalités évidentes dans le domaine intellectuel et moral et, par-là, fixe l'enseignement donné aux personnes hautement développées au niveau que peuvent atteindre les moins évolués, en sacrifiant ainsi le supérieur à l'inférieur d'une manière préjudiciable à tous deux – cette sentimentalité, le bon sens viril des premiers chrétiens ne la connaissait point. Saint Clément d'Alexandrie écrit, en propres termes, après avoir fait allusion aux Mystères : "Aujourd'hui encore je crains, comme il est dit, de jeter des perles devant les pourceaux, de peur qu'ils ne les foulent aux pieds et, se tournant, ne nous déchirent. Car il est difficile de parler de la vraie lumière, en termes tout à fait clairs et limpides, à des auditeurs mal préparés et d'une nature porcine 3."
Si la vraie connaissance – la Gnose – doit être à nouveau une partie des enseignements Chrétiens, ce ne peut être qu'avec les restrictions anciennes et à la condition d'abandonner définitivement l'idée de tout ramener au niveau des intelligences les moins développées. L'enseignement hors de portée des moins évolués peut seul préparer le retour des connaissances occultes, et l'étude des Mystères Mineurs doit précéder celle des Grands Mystères. Ceux-ci ne seront jamais divulgués par l'impression : ils ne peuvent se transmettre que de Maitre à disciple, "de la bouche à l'oreille". Quant aux Mystères Mineurs, qui dévoilent partiellement de profondes vérités, ils peuvent [3] aujourd'hui encore être rétablis ; un ouvrage comme celui-ci est destiné à en donner une esquisse et à indiquer la nature des enseignements dont l'étude s'impose. Quand l'auteur s'exprime à mots couverts, les vérités qu'il donne à entendre peuvent être rendues visibles, dans leurs grandes lignes, par une calme méditation : une méditation prolongée, par la lumière plus vive qui en résulte, les mettra graduellement plus en relief. La méditation tranquillise le mental inférieur sans cesse occupé des objets du dehors ; et un mental tranquille peut seul être illuminé par l'Esprit. C'est ainsi que doit s'obtenir la connaissance des vérités spirituelles ; elle doit venir du dedans et non du dehors, de l'Esprit divin dont nous sommes le temple 4 et non d'un Maitre extérieur. Ces vérités, l'Esprit divin, qui est en nous la pensée du Christ dont parle le grand Apôtre, en juge spirituellement 5, et cette lumière intérieure se répand sur le mental inférieur.

Ainsi procède la Sagesse divine, la véritable THÉOSOPHIE. Elle n'est pas, comme on le croit quelquefois, une adaptation diluée d'Indouisme, de Bouddhisme, de Taoïsme ou d'aucune autre religion particulière ; elle est aussi bien le Christianisme Ésotérique que le Bouddhisme Ésotérique. Elle appartient également à toutes les religions, sans aucune exception. Telle est la source où ont été puisées les vérités exposées dans ce petit volume, la véritable Lumière qui éclaire tous les hommes en venant au monde 6, bien que la plupart, [4] n'ayant pas les yeux ouverts, ne puissent encore la voir. Ce livre n'apporte pas la Lumière ; il dit simplement : "Voici la Lumière !" car elle ne vient pas de nous ; il ne fait appel qu'à la minorité que ne peuvent plus rassasier les enseignements exotériques ; aux personnes pleinement satisfaites par les enseignements exotériques il n'est point destiné. Á quoi bon forcer ceux qui n'ont pas faim à recevoir du pain ? Pour les affamés, puisse ce livre être du pain et non une pierre.

1 S. Marc, XVI, 15.
Le texte français des citations du Nouveau Testament contenues dans le présent volume a été emprunté à la version de H. Oltramare. Paris, 1900 (NDT)
2 S. Matthieu, VII, 6.
3 CLÉMENT D'ALEXANDRIE, Stromata liv. I, chap. XII. Clarke's Ante-Nicene Christian Library, vol. IV.
4 1 Cor., III, 16.
5 Ibid., II, 14, 16.
6 S. Jean, I, 9.