CHAPITRE II
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LE COTE CACHE DU CHRISTIANISME
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LE TÉMOIGNAGE DES ÉCRITURES
Les religions du passé – nous venons de le constater – étaient unanimes pour déclarer qu'elles présentaient un côté caché et qu'elles possédaient des "Mystères" ; cette affirmation, les hommes les plus éminents en ont prouvé la valeur, en recherchant eux-mêmes l'initiation. Il nous reste à nous assurer si le Christianisme est exclu de ce cercle des religions, s'il est seul privé d'une Gnose, s'il n'offre au monde qu'une foi élémentaire et non pas une science profonde. S'il en était ainsi, le fait serait triste et lamentable, car il indiquerait que le Christianisme n'est fait que pour une seule classe et non pour toutes les catégories humaines. Mais cela n'est pas : nous pouvons le prouver de manière à rendre impossible tout doute rationnel.
De cette preuve le Christianisme contemporain a le plus extrême besoin, car la fleur du Christianisme périt faute de lumière. Si l'enseignement ésotérique peut être rétabli et s'attirer des étudiants patients et sérieux, l'enseignement occulte, lui aussi, sera bientôt [32] rétabli. Les Disciples des Mystères Mineurs deviendront les candidats aux Grands Mystères et, avec le retour de la connaissance, reviendra l'autorité de l'enseignement. Oui, le besoin en est grand. Regardons le monde qui nous entoure, et nous verrons que dans l'Occident la religion souffre précisément de la difficulté que, théoriquement, nous serions amenés à prévoir. Le Christianisme ayant perdu son enseignement mystique et ésotérique voit lui échapper un grand nombre de ses membres les plus intellectuels, et le réveil partiel de ces dernières années a coïncidé avec l'introduction nouvelle de certains enseignements mystiques. Il est évident, pour toute personne ayant étudié l'histoire des quarante dernières années du dix-neuvième siècle, qu'une foule de personnes d'un caractère réfléchi et moral ont quitté les églises parce que les enseignements qu'elles y recevaient faisaient outrage à leur intelligence et offensaient leur sens moral. Il est oiseux de prétendre que l'agnosticisme, aujourd'hui si général, a pour cause soit un défaut de sens moral, soit une froide perversité intellectuelle. Il suffit d'avoir étudié ces questions avec soin pour reconnaitre que des hommes puissamment intelligents ont été chassés du Christianisme par les idées religieuses rudimentaires qui leur étaient présentées – par les contradictions entre les doctrines – enfin, par les données sur Dieu, l'homme et l'univers impossibles à admettre pour tout esprit cultivé. On ne peut du reste voir dans la révolte contre les dogmes de l'Église l'indice d'aucune décadence morale. Les révoltés n'étaient pas trop mauvais pour leur religion ; la religion, au contraire, était trop mauvaise [33] pour eux. La révolte contre le Christianisme populaire a été motivée par le réveil et le développement de la conscience ; celle-ci s'est soulevée, comme l'intelligence, contre les doctrines déshonorant à la fois Dieu et l'homme, doctrines représentant Dieu comme un tyran et l'homme comme essentiellement pervers et obligé de mériter son salut par une soumission d'esclave.
Cette révolte a eu pour raison le ravalement graduel des enseignements chrétiens au niveau d'une prétendue simplicité, permettant aux plus ignorants de les comprendre. "Il ne faut prêcher que ce que tous peuvent saisir" – déclaraient hautement les docteurs Protestants – "la gloire de l'Évangile est sa simplicité ; les enfants et les illettrés doivent pouvoir le comprendre et en suivre les préceptes". Cela est vrai, s'il faut entendre par là que certaines vérités religieuses peuvent être comprises par chacun et qu'une religion n'atteint pas son but si les plus humbles, les plus ignorants, les plus bornés échappent à son influence édifiante. Mais cela est faux, absolument faux, s'il faut en conclure qu'une religion ne renferme pas de vérités inabordables pour les ignorants et qu'elle est à ce point pauvre et limitée qu'elle n'ait rien à enseigner qui soit trop haut pour la pensée des inintelligents ou pour l'état moral des êtres dégradés. Oui, si tel est le sens de l'affirmation protestante, elle est fausse et fatalement fausse. L'idée a été répandue par la prédication, répétée dans les églises, d'où cette conséquence qu'une foule de personnes d'un caractère élevé – au désespoir de se détacher de leur foi première – abandonnent les [34] églises et laissent leur place aux hypocrites et aux ignorants. Elles deviennent passivement agnostiques ou – si elles sont jeunes et enthousiastes – activement agressives ; elles se refusent à voir la vérité suprême dans une religion qui outrage à la fois l'intelligence et la conscience, et préfèrent la franchise d'une incrédulité ouverte à l'influence malsaine exercée sur l'intelligence par une autorité qui n'a, pour elles, rien de divin.
Cet examen de la pensée contemporaine nous montre que la question d'un enseignement caché se rattachant au Christianisme prend une importance capitale. Le Christianisme doit-il rester la religion de
l'Occident ? Doit-il traverser les siècles et contribuer encore à former la pensée des races occidentales au cours de son évolution ? Pour pouvoir vivre, il lui faut retrouver sa science perdue et rentrer en possession de ces enseignements mystiques et occultes, il lui faut reprendre sa place comme maitre incontesté de vérités spirituelles, revêtu de la seule autorité effective, celle du savoir. Si le Christianisme rentre en possession de ces enseignements, leur influence se manifestera bientôt par une manière plus large et plus profonde d'envisager la vérité. Dans certains dogmes qui aujourd'hui semblent des idées creuses et arriérés et rien de plus, on verra de nouveau une affirmation partielle de vérités fondamentales. Tout d'abord le Christianisme Ésotérique reprendra sa place dans le "Lieu Saint", dans le Temple, permettant à tous ceux qui en sont capables de recevoir ses enseignements publics. En même temps, le Christianisme Occulte descendra de nouveau dans [35] l'Adytum et demeurera derrière le voile qui ferme le "Lieu Très Saint" où l'Initié seul peut pénétrer. Enfin l'enseignement occulte sera mis à la portée de ceux qui se rendent dignes de le recevoir, suivant les règles d'autrefois, et consentent aujourd'hui à remplir les conditions imposées, dans le passé, à tous ceux qui désiraient s'assurer de l'existence et de la réalité du domaine spirituel.
Interrogeons de nouveau l'histoire. Le Christianisme était-il la seule religion dépourvue d'un enseignement réservé ou était-il comme toutes les autres en possession de ce trésor secret ? Il ne faut pas ici des théories, mais des témoignages. La question sera résolue par les documents parvenus jusqu'à nous ; le simple ipse dixit du Christianisme moderne ne suffit pas.
Le Nouveau Testament et les écrits de l'Église primitive sont positivement d'accord pour déclarer que l'Église possède des enseignements semblables ; ils nous apprennent l'existence des Mystères – appelés les Mystères de Jésus ou les Mystères du Royaume – les conditions imposées aux candidats, un aperçu de la nature générale des enseignements donnés et d'autres détails encore. Certains passages du Nouveau Testament resteraient complètement obscurs sans la lumière dont les éclairent, par leurs nettes affirmations, les Pères et Évêques de l'Église ; grâce à elle, ces passages deviennent clairs et intelligibles.
Certes le contraire eût été étrange, étant donné la variété des influences religieuses auxquelles a été soumis le Christianisme primitif. Allié aux Hébreux, aux Perses, aux Grecs, coloré par les croyances, [36] plus anciennes, de l'Inde, portant l'empreinte profonde de la pensée Syrienne et Égyptienne, ce jeune rameau du grand tronc religieux ne pouvait qu'affirmer de nouveau les anciennes traditions et offrir aux races occidentales, dans son intégrité, le trésor des enseignements antiques. "La foi qui a été confiée aux saints" aurait été dépouillée de sa valeur principale si elle avait été transmise à l'Occident sans la perle de la doctrine ésotérique.
Le premier témoignage à examiner est celui du Nouveau Testament. Il n'est pas nécessaire d'aborder les controverses relatives aux différentes interprétations et aux différents auteurs. Ces problèmes, il appartient aux érudits seuls de les résoudre.
La critique a beaucoup à dire sur la date des manuscrits, sur l'authenticité des documents, etc. Mais nous n'avons pas à nous en occuper ici. Nous pouvons accepter les livres canoniques ; ils représentent pour nous la manière dont l'Église primitive comprenait les enseignements du Christ et de Ses successeurs immédiats. Que disent ces livres d'un enseignement secret communiqué à un petit nombre de personnes ? Notons d'abord les paroles attribuées à Jésus Lui-même et regardées par l'Église comme l'autorité suprême ; nous étudierons ensuite les écrits du grand apôtre saint Paul ; enfin, nous relèverons les déclarations faites par les héritiers de la tradition apostolique qui dirigèrent l'Église pendant les premiers siècles de notre ère. Cette suite continue de traditions et de témoignages écrits nous permettra d'établir que le Christianisme possédait un côté caché. Nous verrons de plus, qu'il est possible de suivre à [37] travers les siècles, jusqu'au commencement du dix-neuvième, la trace des Mystères Mineurs ou interprétation mystique. Malgré l'absence, après la disparition des Mystères, d'Écoles Mystiques préparant ouvertement à l'Initiation, de grands Mystiques sont cependant parvenus, de temps à autre, à atteindre les degrés inférieurs de l'extase, grâce à la persévérance de leurs propres efforts et à l'aide probable d'Instructeurs invisibles.
Les paroles du Maitre Lui-même sont claires et explicites. Origène, comme nous le verrons plus loin, les a citées comme faisant allusion à l'enseignement secret gardé par l'Église. Et quand il fut en particulier, ceux qui étaient autour de lui avec les douze apôtres l'interrogèrent touchant le sens de cette parabole. Et il leur dit : Il vous est donné de connaitre le mystère du royaume de Dieu, mais pour ceux qui sont dehors tout se traite par des paraboles. Et plus loin : Il leur annonçait ainsi la parole par plusieurs similitudes de cette sorte, selon qu'ils étaient capables de l'entendre. Et il ne leur parlait point sans similitude ; mais lorsqu'il était en particulier, il expliquait tout à ses disciples 40.
Notez ces mots significatifs : Quand il fut en particulier et l'expression : Ceux qui sont dehors. Nous lisons, de même, dans l'Évangile selon saint Matthieu : Alors Jésus ayant renvoyé le peuple, s'en alla à la maison, et ses disciples vinrent le trouver. Ces leçons données dans sa maison, exposant le sens profond [38] de Sa doctrine, passent pour avoir été transmises d'instructeur en instructeur. L'Évangile donne, comme on le voit, des explications allégoriques et mystiques représentant ce que nous avons appelé les Mystères Mineurs ; quant au sens profond, il n'était dévoilé, disait-on, qu'aux Initiés.
Ailleurs, Jésus dit à ses disciples eux-mêmes : J'aurais encore plusieurs choses à vous dire, mais elles sont encore au-dessus de votre portée 41. Jésus en communiqua, sans doute, quelques-unes après Sa mort, quand Il Se fit voir à ses disciples, leur parlant de ce qui regarde le royaume de Dieu 42. Aucune de ces paroles n'a été divulguée, mais comment supposer qu'elles aient été oubliées ou négligées et qu'elles n'aient pas été transmises, comme un trésor sans prix ? Suivant une tradition conservée dans l'Église. Jésus resta en rapport avec Ses disciples longtemps après Sa mort afin de les instruire – nous aurons l'occasion de mentionner ce nouveau fait – et, dans le fameux ouvrage Gnostique intitulé Pistis Sophia, nous lisons ces mots : "Il advint qu'après Sa résurrection d'entre les morts, Jésus S'entretint avec Ses disciples et les instruisit pendant onze ans 43." Citons encore ce verset, dont beaucoup voudraient atténuer l'énergie et modifier le sens par des explications variées : Ne donnez point les choses saintes aux chiens et ne jetez point vos perles devant [39] les pourceaux 44, précepte généralement appliqué, mais où la Primitive Église voyait une allusion à des enseignements secrets. Il ne faut pas oublier que ces mots n'avaient pas, jadis, le caractère de dureté qu'ils ont aujourd'hui. Les personnes faisant partie d'un même groupe appelaient "chiens", c'est-à-dire le "Vulgaire", le "Profane", tous ceux qui n'appartenaient pas à leur groupe, qu'il s'agît d'une société ou association ou d'un peuple. Les Juifs, par exemple, parlaient ainsi de tous les Gentils 45. On appliquait parfois ces expressions aux personnes étrangères au cercle des Initiés, et nous les trouvons employées dans ce sens par l'Église Primitive. Les personnes non initiées aux Mystères et regardées comme étrangères au "royaume de Dieu" ou "Israël spirituel" étaient ainsi désignées.
40 S. Marc, IV, 10 11, 33, 34. Voy. aussi S. Matth., XIII, 11, 34, 36, et S. Luc, VIII, 10.
41 S. Jean, XVI, 13.
42 Actes, I, 3.
43 Loc. cit. Trad. de G. R. S. MEAD, I, I, 1. V. aussi A MÉLINEAU, Pistis Sophia, ouvrage gnostique de VALENTIN, traduit du copte en français, avec une introduction. Paris, 1895, in-8. (NDT)
44 S. Matth., VII, 6.
Il y avait, sans parler de l'expression "le Mystère" ou "les Mystères", plusieurs noms donnés au cercle sacré des Initiés ou à ce qui touchait à l'Initiation, ainsi : "le Royaume", "le Royaume de Dieu", "le Royaume des Cieux", "la Voie étroite", "la Porte étroite", "les Parfaits", "les Sauvés", "la Vie éternelle", "la Vie", "la nouvelle Naissance", "un Petit", "un Petit Enfant". L'emploi de ces expressions par les premiers auteurs étrangers à l'Église en éclaire le sens. C'est ainsi que l'expression "les parfaits" appartenait au langage des Esséniens, dont les communautés présentaient trois [40] ordres : les Néophytes, les Frères et les Parfaits, ceux-ci étant des Initiés ; d'une manière générale, elle est employée dans ce sens dans les ouvrages anciens. "Le Petit Enfant" était le nom habituellement donné au candidat qui venait d'être initié ou, en d'autres termes, de "naitre de nouveau".
Ainsi prévenus, nous arrivons à comprendre bien des passages obscurs et d'un caractère sévère. Et quelqu'un dit : Seigneur, n'y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? Et il leur dit : Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite ; car je vous dis que plusieurs chercheront à y entrer et qu'ils ne le pourront 46. Appliquez ces mots au salut, comme les Protestants le font d'ordinaire, et la déclaration de Jésus devient impossible à croire et choquante. Que beaucoup chercheront à éviter l'enfer et à entrer dans le ciel, mais qu'ils n'y parviendront pas, voilà une assertion qu'on ne saurait prêter à un sauveur du monde. Appliquez-la, au contraire, à la porte étroite de l'Initiation et à la fin des renaissances, et elle deviendra parfaitement vraie et naturelle. Entrez par la porte étroite, lisons-nous ailleurs, car la porte large et le chemin spacieux mènent à la perdition, et il y en a beaucoup qui y entrent ; mais la porte étroite et le chemin étroit mènent à la vie, et il y en a peu qui le trouvent 47. L'avertissement qui suit immédiatement ce passage, concernant les faux prophètes et ceux qui enseignent les Mystères "noirs", est très à sa place. Il est impossible pour l'étudiant de ne pas [41] reconnaitre ces expressions ; elles lui sont familières, car il les a vues employées ailleurs dans le même sens. Le "chemin ancien et étroit" est connu de tous ; le sentier "difficile à suivre comme le tranchant affilé d'un rasoir 48" a été cité plus haut. Puis "la mort succédant à la mort" pour ceux qui suivent le sentier fleuri des désirs et ignorent Dieu, ceux-là seuls devenant immortels et échappant au gouffre béant de la mort et à une destruction sans cesse renouvelée qui ont abandonné tout désir 49. Cette allusion à la mort s'applique naturellement aux naissances répétées de l'âme dans une vie matérielle grossière, toujours regardée comme "la mort", par rapport à "la vie" des mondes plus élevés et plus subtils.
45 D'où la réponse faite à la femme grecque : Il n'est pas juste de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens. S. Marc, VII, 27.
46 S. Luc, XIII, 23, 24.
47 S. Matthieu, VII, 13, 14.
La "Porte étroite" était la porte de l'Initiation ; le candidat la franchissant pour entrer dans le "Royaume". Il a toujours été, il sera toujours vrai qu'un petit nombre seulement peut entrer par cette porte, bien que des myriades, une grande multitude que personne ne pouvait compter 50, et non la minorité, entrent dans la félicité d'un monde céleste. Près de trois mille ans auparavant, un autre grand Instructeur disait de même : "Sur des milliers d'hommes, un seul à peine lutte pour arriver à la perfection ; parmi ceux qui réussissent, c'est à peine s'il en existe un qui me connaisse comme je suis 51." Car les Initiés sont rares dans chaque génération ; [42] ils sont la fleur de l'humanité. Pourtant, le passage qui précède n'implique, pour la grande majorité de la race humaine, aucune affreuse condamnation à des peines éternelles. Les hommes sauvés, suivant Proclus 52, sont ceux qui échappent au cercle des générations qui enserre l'humanité.
Nous pouvons, à ce sujet, rappeler l'histoire du jeune homme qui vint à Jésus et, l'appelant Bon Maitre, lui demanda comment il pourrait arriver à la vie éternelle, à la libération des renaissances par la connaissance de Dieu, libération dont la possibilité était reconnue 53. La première réponse de Jésus est le précepte exotérique ordinaire : Garde les commandements. Mais le jeune homme ayant répondu lui-même. : J'ai observé toutes ces choses-là dès ma jeunesse, cette conscience qui se savait pure de toute transgression reçut la réponse du véritable Maitre : Si tu veux être parfait, vends ce que tu as et le donne aux pauvres ; et tu auras un trésor au ciel ; après cela viens et suis-moi. Si tu veux être parfait et devenir un sujet du royaume, il faut épouser la pauvreté et l'obéissance. Jésus explique ensuite à ses propres disciples qu'un riche peut difficilement entrer dans le royaume des Cieux, plus difficilement qu'un chameau ne passe par le trou d'une aiguille.
Quant aux hommes, cela est impossible, mais quant à Dieu toutes choses sont possibles 54. Le Dieu [43] qui est dans l'homme peut seul franchir cette barrière.
48 Kathopanishad, II, IV, 10, II.
49 Brihadâranyakopanishad, V, IV, 7.
50 Apoc., VII, 9.
51 Bhagavad Gita, VII, 3.
52 Ante p. 26.
53 Il ne faut pas oublier que les Juifs croyaient au retour sur la terre de toutes les âmes imparfaites.
Ce texte a reçu différentes interprétations, car on ne saurait évidemment accepter son sens littéral – l'impossibilité pour un riche d'être heureux après sa mort. Cet état de béatitude, le riche peut y parvenir comme le pauvre ; du reste, les Chrétiens de tous pays montrent bien qu'ils ne craignent pas un seul instant de voir leurs richesses compromettre leur bonheur posthume. Mais si nous interprétons le texte dans son vrai sens, s'appliquant au Royaume des Cieux, nous y trouvons l'expression d'un fait naturel et réel. Nul ne peut atteindre la connaissance de Dieu, qui est la Vie Éternelle 55, avant d'avoir fait l'abandon de tout ce qui est terrestre, ni l'acquérir avant d'avoir tout sacrifié. Non seulement l'homme doit renoncer aux richesses de ce monde qui, désormais, ne feront que passer par ses mains comme par celles d'un intendant, mais il doit encore abandonner ses richesses intérieures, celles qu'il détient pour lui-même contre le reste du monde. Sans s'être dépouillé entièrement, il ne saurait franchir la porte étroite. Telle a toujours été la condition de l'Initiation ; toujours le candidat a dû faire voeu "de pauvreté, d'obéissance et de chasteté".
La "nouvelle naissance" est un autre terme bien connu, synonyme d'Initiation. De nos jours, aux Indes, les hommes appartenant aux castes supérieures sont appelés "les deux fois nés", et la cérémonie qui leur donne cette nouvelle naissance est une cérémonie [44] d'Initiation, aujourd'hui pure formalité extérieure, mais représentant les choses qui sont dans le ciel 56. Dans son entretien avec Nicodème, Jésus déclare que si un homme ne nait de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu. Cette naissance, est-il dit, est d'eau et d'Esprit 57 ; c'est la première Initiation ; plus tard vient celle du Saint-Esprit et du feu 58, baptême de l'Initié parvenu à l'âge d'homme, comme la première est le baptême donné à la naissance, qui accueille l'Initié comme un Petit enfant à son entrée dans le Royaume 59. La surprise exprimée par Jésus, quand Nicodème se montre incapable de saisir Sa phraséologie, montre à quel point ces images étaient familières aux Juifs mystiques : Tu es un docteur en Israël et tu ne sais pas ces choses 60
54 S. Matth., XIX, 16-26.
55 S. Jean, XVII, 3.
56 Héb., XI 23.
Un autre précepte de Jésus, qui demeure pour ses fidèles une "parole obscure", est le suivant : Soyez donc parfaits comme votre Père qui est dans les cieux est parfait 61. Le Chrétien ordinaire se sait incapable d'observer ce commandement : avec toute la fragilité, toute la faiblesse propre à l'âme humaine, comment pourrait-il devenir parfait comme l'est Dieu Lui-même ? Jugeant impossible la tâche qui lui est soumise, il n'en tient pas compte et cesse de s'en préoccuper. En la considérant, au contraire, comme l'effort suprême, fruit de nombreuses existences toujours en progrès, comme le triomphe du Dieu qui [45] est en nous sur la nature inférieure, le précepte de Jésus s'offre à nous dans ses véritables proportions et nous nous rappelons que, suivant Porphyre, l'homme atteignant "les vertus paradigmatiques est le Père des Dieux 62", et que ces vertus s'acquéraient dans les Mystères.
Saint Paul suit les pas de son Maitre, dont il reproduit exactement les idées, mais, comme son oeuvre organisatrice dans le sein de l'Église le donnerait à supposer, d'une manière plus explicite et plus nette. Que l'étudiant lise attentivement les chapitres II et III et le verset 1 du chapitre IV de la Première Épitre aux Corinthiens, en se rappelant pendant sa lecture que ces paroles s'adressent aux membres de l'Église baptisés et admis à la Sainte Cène, membres effectifs, au point de vue moderne, mais que l'apôtre traite d'enfants et d'êtres charnels. Ce n'étaient pas des catéchumènes ou des néophytes, mais des hommes et des femmes en pleine possession de tous les privilèges et de toutes les responsabilités attachés à la qualité de membres de l'Église, considérés par l'Apôtre comme séparés du monde et moralement obligés à ne pas vivre comme des hommes appartenant au monde. Ils avaient reçu, en somme, tout ce que l'Église moderne accorde à ses membres. Résumons les paroles de l'Apôtre.
57 S. Jean, III, 3, 5.
58 S. Matth., III, 11.
59 S. Matth., 11.
60 S. Jean, III, 10.
61 S. Matth., V, 48.
62 Ante, p. 32.
"Je suis venu à vous, apportant le témoignage de Dieu ; je ne vous ai pas séduits par une sagesse humaine, mais par la puissance de l'Esprit. Nous parlons bien de sagesse entre les parfaits, mais ce [46] n'est pas de sagesse humaine. Nous prêchons la sagesse mystérieuse de Dieu, les plans cachés que Dieu, de toute éternité, avait arrêtés pour notre gloire et que nul des princes de ce monde n'a connue. Ces choses sont trop hautes pour l'entendement humain, mais Dieu nous les a révélées par l'esprit, car l'Esprit sonde tout, même les profondeurs de Dieu 63. Ces choses spirituelles, l'homme spirituel en qui est la pensée du Christ peut seul les discerner. Moi-même, mes frères, je n'ai pu vous parler comme à des hommes spirituels, mais j'ai dû vous parler comme à des hommes charnels, comme à de petits enfants, en Christ… Vous n'étiez pas assez forts ; et vous ne l'êtes pas même à présent, car vous êtes encore charnels… J'ai posé le fondement, comme un sage architecte 64… Vous êtes le temple de Dieu et l'esprit de Dieu habite en vous… Qu'ainsi l'on nous tienne pour des ministres de Christ et des dispensateurs des Mystères de Dieu."
Comment lire ce passage – et je n'ai fait, dans ce résumé, que mettre en relief les points importants – sans admettre que l'Apôtre possédait une sagesse divine donnée dans les Mystères, sagesse que ses sectateurs Corinthiens ne pouvaient recevoir encore. Remarquez le retour constant des termes techniques : la sagesse, la sagesse mystérieuse de Dieu, [47] la sagesse cachée connue seulement de l'homme spirituel, dont on ne parle que parmi les parfaits, sagesse dont sont exclus les non-spirituels, les enfants en Christ, les charnels, sagesse connue du sage architecte dispensateur des Mystères de Dieu.
63 Notez comme ces mots s'accordent avec la promesse de Jésus dans S. Jean, XVI, 12-14 : J'ai encore plusieurs choses à vous dire, mais elles sont présentement au-dessus de votre portée. Quand l'Esprit de vérité sera venu, il vous guidera dans toute la vérité… et il vous annoncera ce qui doit arriver… Il recevra de moi ce qu'il vous annoncera.
64 Autre expression technique, employée dans les Mystères.
Saint Paul ne cesse de mentionner ces Mystères. Comme il l'écrit aux chrétiens d'Éphèse : "C'est par une révélation, par un dévoilement que j'ai été initié au Mystère. D'où l'intelligence que j'ai du Mystère de Christ ; tous les hommes pourront connaitre l'économie du Mystère 65. Aux Colossiens, il répète qu'il est devenu ministre de ce Mystère, savoir le Mystère de toute éternité et avant tous les âges, mais révélé aujourd'hui aux saints (pas au monde, ni même aux chrétiens, mais seulement aux saints). Devant eux a été dévoilé ce glorieux Mystère. Or, qu'était cette gloire ? – Christ EN VOUS – expression significative se rapportant, comme nous le verrons plus loin, tout à l'heure, à la vie de l'Initié. C'est ainsi que tous les hommes doivent finir par apprendre la sagesse et devenir parfaits en Jésus-Christ 66. Saint Paul exhorte les Colossiens à prier, afin que Dieu nous ouvre une porte pour parler, en sorte que j'annonce le mystère du Christ 67, passage où, suivant saint Clément, l'apôtre indique clairement [48] que "la connaissance n'appartient pas à tous" 68. Saint Paul écrit de même à son disciple aimé Timothée, lui recommandant de choisir ses diacres parmi ceux qui conservent le mystère de la foi avec une conscience pure, ce grand mystère de la piété qu'il avait appris 69, et dont la connaissance était nécessaire aux instructeurs de l'Église.
65 Eph., III, 3, 4, 9.
66 Coloss., I, 23, 25, 28. Mais saint Clément, dans ses Stromata, traduit "tous les hommes" par "l'homme tout entier". Voy. liv. V, chap. X.
67 Coloss., IV, 3.
68 Ante-Micene Library, vol. XII. CLÉMENT D'ALEXANDRIE Stromata, liv. V, chap. X. Le lecteur trouvera plusieurs autres paroles prononcées par les apôtres, parmi les citations de Clément, montrant le sens attaché à ces paroles par les hommes qui, succédant aux apôtres, vivaient dans la même atmosphère intellectuelle.
69 1 Tim., III, 9, 16.
70 Ibid., 1, 18.
Or saint Timothée est une personnalité importante, représentant la génération suivante d'instructeurs chrétiens ; élève de saint Paul, il avait été désigné par lui pour guider et gouverner une partie de l'Église. Nous savons qu'il fut, par saint Paul lui-même, initié aux Mystères. Le fait est mentionné, comme nous le montreront, ici encore, les expressions techniques. – Ce que je te recommande, Timothée, mon enfant, c'est que, suivant les prédictions faites autrefois à ton sujet… 70, c'est-à-dire la bénédiction solennelle de l'Initiateur, reçue par le candidat. Mais l'Initiateur n'était pas seul présent : Ne néglige point le don qui est en toi, qui t'a été conféré par des paroles prophétiques lorsque le collège des anciens t'a imposé les mains 71. Saint Paul rappelle ensuite à saint Timothée d'avoir à saisir la vie éternelle à laquelle tu as été appelé, et pour laquelle tu as fait ta belle profession en présence d'un grand nombre de [49] témoins 72. Cette profession, ce sont les voeux du nouvel Initié, reçus en présence des Frères plus anciens et de l'assemblée des Initiés. Les connaissances alors communiquées sont le dépôt sacré auquel saint Paul fait allusion, quand il s'écrie avec tant d'énergie : O Timothée, conserve le dépôt qui t'a été confié ! Non pas les connaissances familières à tous les Chrétiens – elles ne lient pas spécialement saint Timothée – mais le dépôt sacré qui lui a été confié, en sa qualité d'Initié et qui est essentiel à la prospérité de l'Église. Plus loin, saint Paul revient sur ce point ; il insiste sur son importance suprême d'une manière qui serait exagérée si ces connaissances avaient été la propriété commune de tous les Chrétiens. Conserve… le modèle des saines leçons que tu tiens de moi… Garde ce précieux dépôt par l'Esprit Saint qui habite en nous 73… La parole humaine ne saurait formuler une adjuration plus solennelle. L'Initié devait encore assurer la transmission de ce dépôt sacré, afin que l'avenir en héritât et que l'Église ne fût jamais laissée sans instructeurs. Les enseignements que tu as reçus de moi, en présence d'un grand nombre de témoins, l'enseignement sacré oralement communiqué au sein de l'assemblée des Initiés, garants de l'exactitude de la transmission, confie-les à des hommes surs qui soient capables à leur tour d'en instruire d'autres 74.
La certitude ou, si l'on aime mieux, l'hypothèse que l'Église possédait ces enseignements réservés, [50] jette un flot de lumière sur ce que saint Paul dit, çà et là, de lui-même. Rapprochez ces passages ; ils vous donneront les grandes lignes de l'évolution d'un Initié. Saint Paul déclare qu'il est déjà du nombre des parfaits, des Initiés, car il dit : Nous tous qui sommes parfaits, ayons ce même sentiment, mais qu'il n'est cependant encore ni arrivé ni entièrement parfait ; il n'a pas encore atteint le point auquel Dieu m'a appelé d'en haut, en Jésus-Christ, la puissance de sa résurrection et la communion de ses souffrances en reproduisant sa mort en ma personne… ; il s'efforce encore de parvenir à la résurrection des morts 75.
71 Tim., IV, 14.
72 Ibid., VI, 12.
73 2 Tim., I, 13, 14.
74 2 Tim., II, 2.
75 Phil., III, 8, 10, 12, 14, 15.
Cette Initiation, en effet, libérait l'Initié, le transformait en Maitre Parfait, en Christ ressuscité, le faisant échapper définitivement d'entre les "morts" – de l'humanité emprisonnée dans le cercle des générations – des liens qui enchainaient son âme à la matière grossière. Ici encore se présentent beaucoup d'expressions techniques. Le lecteur superficiel, lui-même, doit comprendre que la résurrection des morts dont il est ici parlé ne peut être la résurrection ordinaire, telle que l'entend le chrétien à notre époque, résurrection supposée inévitable pour chacun et, par suite, ne réclamant de personne, pour être obtenue, le moindre effort spécial. Le mot même d'arriver ne serait pas à sa place s'il ne se rapportait qu'à une expérience humaine universelle et inévitable. Cette résurrection-là, saint Paul ne pouvait l'éviter, suivant les idées chrétiennes modernes. Qu'était donc cette résurrection qu'il recherchait avec tant d'efforts ? Une [51] fois de plus, la seule réponse possible nous vient des Mystères. L'Initié, au moment d'atteindre l'Initiation qui libérait du cercle des renaissances, du cercle des générations, était appelé "le Christ dans la souffrance" ; il partageait les souffrances du Sauveur du monde, subissait la crucifixion mystique, reproduisait sa mort en sa personne, atteignait ensuite la résurrection, l'union, avec le Christ glorifié, après quoi la mort n'avait plus de prise sur lui 76. Tel était le prix vers lequel courait le grand Apôtre, et il exhortait tous ceux qui sont parfaits (et non les croyants ordinaires) à faire de même, à ne pas se contenter de ce qu'ils ont obtenu, mais à persévérer toujours.
Cette ressemblance entre l'Initié et le Christ est, à vrai dire, la base même des Grands Mystères ; nous le constaterons, avec plus de détails, en étudiant "le Christ Mystique". L'Initié devait cesser d'envisager le Christ comme extérieur à lui-même : Si nous avons connu Christ selon la chair, maintenant nous ne le connaissons plus 77.
Le croyant ordinaire avait revêtu Christ. Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ 78. C'étaient les enfants en Christ dont nous avons parlé plus haut ; Christ était le Sauveur dont ils attendaient le secours, le connaissant selon la chair. Mais, après avoir dompté la nature inférieure et perdu leur caractère charnel, ils devaient aborder un sentier plus élevé et devenir eux-mêmes le Christ. [52] Ce que l'Apôtre avait obtenu pour lui-même, il le souhaite ardemment pour ceux qui le suivent : Mes chers enfants, pour qui je ressens de nouveau les douleurs de l'enfantement, jusqu'à ce que Christ soit formé en vous 79. Déjà il était leur père spirituel, les ayant engendrés par l'Évangile 80. Mais maintenant il leur donne de nouveau la vie, comme une mère, et les amène à leur seconde naissance. Le Christ Enfant, le Saint Enfant, était né dans l'âme, l'être caché du coeur 81 ; l'Initié devenait ainsi ce Petit Enfant ; il devait dorénavant vivre, en lui-même, de la vie du Christ, jusqu'au moment de devenir homme fait et d'atteindre la hauteur de la perfection du Christ 82. Alors l'Initié, comme saint Paul, achève en sa chair ce qui manque aux souffrances du Christ pour son corps 83 et porte sans cesse dans son corps la mort de Jésus 84. Il peut donc dire avec vérité : j'ai été crucifié avec Christ et je vis… mais ce n'est plus moi qui vis, c'est Christ qui vit en moi 85. Voilà ce que souffrait l'Apôtre, voilà ce qu'il disait de lui-même. Et quand la lutte a pris fin, quel contraste entre le calme triomphant qui se dégage de ses paroles et la tension pénible des premières années ! Pour moi je vais être immolé, et le moment de mon départ est imminent. J'ai combattu le bon combat ; j'ai achevé la course ; j'ai gardé la [53] foi. Il ne me reste plus qu'à recevoir la couronne de justice qui m'est réservée 86. Cette couronne était celle que recevait le vainqueur, celui dont disait le Christ dans la gloire : Je ferai de lui une colonne dans le temple de mon Dieu et il n'en sortira plus 87. Car, après la Résurrection, l'Initié devenait l'Homme parfait, le Maitre ; il ne sortait plus du Temple, mais, de là, servait et guidait les mondes.
76 Apoc., I, 13. – Je suis le vivant ; j'ai été mort, et voici, je suis vivant aux siècles des siècles.
77 2 Cor., V, 16.
78 Gal., III, 27.
79 Gal., IV, 19.
80 1 Cor., IV, 15.
81 S. Pierre, III, 4.
82 Eph., IV, 13.
83 Coloss., I, 24.
84 1 Cor., IV, 10.
85 Gal., II, 2.
86 2 Tim., IV, 6, 8.
87 Apoc., III, 12.
Il est peut-être bon de faire remarquer, avant de terminer ce chapitre, que saint Paul lui-même sanctionne la pratique de l'enseignement mystique théorique, dans sa manière d'expliquer les évènements historiques rapportés dans les Écritures. Il ne regarde pas l'histoire selon la Bible comme une simple relation de faits qui se seraient produits sur le plan physique ; en vrai mystique, il voyait dans les évènements physiques les ombres des vérités universelles qui se développent sans cesse dans les mondes plus exaltés et plus profonds ; il savait que les évènements choisis pour être enregistrés dans les ouvrages occultes étaient les plus typiques, ceux dont l'interprétation était de nature à servir l'instruction des hommes. Saint Paul, citant, par exemple, l'histoire d'Abraham, Sara, Agar, Ismaël et Isaac, dit que tout cela a un sens allégorique et en donne ensuite l'interprétation mystique 88. Á propos de la fuite des Israélites hors du pays d'Égypte, il parle de la mer Rouge comme d'un baptême, de la manne et de l'eau comme d'une viande et d'un breuvage spirituels, du rocher d'où jaillissait [54] la source comme de Christ 89. Il voit dans le mariage humain le grand mystère de l'union entre Christ et Son Église ; il parle des Chrétiens comme étant la chair et les os du corps de Christ 90. L'auteur de l'Épitre aux Hébreux donne un caractère allégorique à l'ensemble du culte Hébraïque. Dans le Temple il voit un modèle du Temple céleste ; dans le Souverain Sacrificateur il voit le Christ ; dans les sacrifices, l'offrande du Fils immaculé ; les sacrificateurs ne sont qu'une image et une ombre du sanctuaire céleste, des prêtres célestes ministres du véritable tabernacle. L'allégorie, poussée au dernier point, remplit ainsi les chapitres III à X, l'auteur déclarant que, par le Saint-Esprit, il faut entendre le sens profond. Tout cela était une figure symbolique relative aux temps présents 91. Dans cette interprétation des Saintes Écritures, il n'est pas dit que les évènements relatés n'aient pas eu lieu, mais seulement que leur réalisation physique a eu peu d'importance. Une semblable explication constitue l'enlèvement du voile cachant les Mystères Mineurs ou enseignements mystiques qu'il est permis de divulguer ; elle n'est pas comme on le croit souvent, un simple jeu de l'imagination, mais bien le résultat d'une intuition véritable, voyant les modèles dans le ciel et ne se bornant pas à regarder les ombres jetées par eux sur l'écran du temps terrestre.
88 Gal., IV, 22-31.
89 1 Cor. X, 1-4.
90 Eph., V, 23-32.
91 Héb., IX, 9.