UNION

LES ENSEIGNEMENTS DES MAITRES DE LA HIERARCHIE

CHAPITRE III — LE DÉSIR (suite) 1 — LE VÉHICULE DU DÉSIR

CHAPITRE III

LE DÉSIR (suite)

1

LE VÉHICULE DU DÉSIR


Nous aurons à revenir à cette lutte qui se livre au sein de la nature des désirs, pour y apporter quelques nouveaux détails utiles ; mais il est nécessaire d'étudier d'abord le véhicule des désirs, le corps des désirs ou corps astral, car nous comprendrons mieux la méthode précise qu'il nous faudra suivre pour subjuguer les désirs inférieurs et nous en débarrasser.
Le véhicule des désirs est formé de ce qu'on appelle la matière astrale, la matière du plan immédiatement supérieur au plan physique. Cette matière, comme la matière physique, se présente sous sept modes différents qui, l'un par rapport à l'autre, sont, comme les solides, les liquides, les gaz, etc., des sous-états de la matière du plan physique. De même que le corps physique renferme en lui ces différents sous-états de matière physique, le corps astral est composé, lui aussi, des différents sous-états de la matière astrale. Chacun de ces sous-états renferme des agrégats [262] plus ou moins subtils ou grossiers et l'oeuvre de purification astrale consiste, comme pour la purification physique, à remplacer la matière grossière par de la matière plus subtile.
De plus, les sous-états de la matière astrale servent principalement à la manifestation des désirs inférieurs, tandis que les sous-états supérieurs vibrent en réponse à des désirs transformés en émotions par l'intelligence qui s'unit à eux. Les désirs inférieurs – ceux qui poussent l'individu à rechercher les objets qui procurent le plaisir – trouvent ces sous-états inférieurs disposés pour servir de médium à leur force attractive ; et plus les désirs sont bas et grossiers, plus grossiers aussi sont les agrégats de matière capable de leur donner expression.
Lorsqu'un désir quelconque fait entrer en vibration la matière correspondante du corps astral, cette matière est fortement vitalisée et attire à elle, du dehors, une nouvelle quantité de matière du même genre, et augmente ainsi la quantité de cette matière particulière entrant dans la constitution du corps astral, dans son ensemble. Lorsque les désirs, se purifiant graduellement, se transforment en émotions, que l'élément intellectuel entre dans leur constitution et que l'égoïsme diminue, la quantité de matière subtile augmente proportionnellement dans le corps astral, tandis que la matière grossière, n'étant plus vitalisée, perd toute son énergie et se fait de plus en plus rare.
Mis en pratique, ces faits nous aideront à vaincre l'ennemi qui trône au-dedans de nous, car nous pourrons le priver de ses instruments. Un traitre dans la place est plus dangereux qu'un ennemi au dehors des murs ; le corps astral agit [263] comme un traitre aussi longtemps qu'il entre dans sa composition des éléments qui répondent aux tentations du monde extérieur.
L'intelligence doit repousser le désir, si celui-ci attire, dans le corps astral, des matériaux d'ordre grossier ; il faut que l'intelligence refuse de créer une image du plaisir passager que lui procurerait la possession de l'objet désiré, et qu'elle se représente les ennuis beaucoup plus durables qui en résulteraient. Au fur et à mesure que nous nous débarrassons de la matière grossière qui vibre en réponse aux attractions inférieures, ces attractions perdent toute influence sur nous.
Il nous faut donc prendre sérieusement en main ce véhicule des désirs ; la nature des attractions qui nous parviennent du dehors dépend de sa constitution interne. Il nous est possible d'améliorer le véhicule, de changer les éléments qui le composent, et de faire ainsi d'un ennemi un défenseur.
Lorsque le caractère de l'homme évolue, il se trouve face à face avec des difficultés qui souvent l'alarment et le tourmentent. Il se voit la proie de désirs auxquels il voudrait se dérober et dont il a honte ; et malgré tous les efforts qu'il fait pour s'en débarrasser, ils s'accrochent à lui sans relâche, s'opposant à ses efforts, ses espérances, ses aspirations, et cependant dans un certain sens, paraissant être une partie de lui-même. Cette douloureuse épreuve résulte de ce que la conscience évolue plus rapidement que la forme, et toutes deux se trouvent en quelque sorte en lutte l'une contre l'autre. Il reste encore dans le plan astral une grande quantité d'agrégats grossiers, mais comme les désirs se [264] sont purifiés, ces matériaux ne sont plus vivifiés. Cependant il leur reste encore une certaine vitalité et, bien qu'ils dépérissent, ils ne sont pas entièrement éliminés.
Mais, quoique la nature des désirs ne se serve plus de ces matériaux pour se manifester, il peut se faire cependant qu'ils retrouvent une activité passagère, sous une influence extérieure, et qu'ils prennent une apparence de vie, comme un cadavre sous l'influence du courant galvanique. Des désirs émanant d'autres individus – des élémentals du désir d'un genre pernicieux – peuvent s'attacher à ces éléments sans emploi, et les appeler à l'activité, leur donner une vie nouvelle, faisant naitre ainsi dans l'homme des désirs qui le remplissent d'horreur. Que le combattant désespéré reprenne courage, lorsqu'il lui faut traverser ces épreuves ; qu'il repousse ces désirs, même au plus fort de leurs assauts, comme des choses qui ne lui appartiennent pas ; qu'il sache que les éléments dont ils font usage, en lui, font partie du passé, qu'ils sont en voie de désintégration et qu'avec leur disparition sonnera pour lui l'heure de la délivrance.
Prenons le rêve comme exemple pour montrer comment cette matière de rebut agit dans le corps astral. Un homme dans une existence antérieure s'est adonné à l'ivrognerie ; ses expériences post mortem ont laissé en lui une profonde aversion pour la boisson ; lorsqu'il se réincarne, l'Égo imprime ce sentiment de dégout dans ses nouveaux véhicules physique et astral ; mais, malgré cela, il entre dans le corps astral une certaine quantité de matière attirée par les vibrations que cet ivrogne avait provoquées au sein de l'atome permanent. Durant la vie présente, cette [265] matière n'est vivifiée par aucun désir impérieux pour la boisson, par aucune tendance à boire ; au contraire, durant la veille, l'homme est d'une sobriété exemplaire. Mais, pendant le rêve, cette matière entre en activité sous l'influence d'une excitation extérieure et, comme l'Égo n'exerce qu'un faible contrôle sur le corps astral 75, cette matière répond aux vibrations des désirs passionnés pour la boisson, et l'homme rêve qu'il boit. S'il reste en lui à l'état latent un désir pour la boisson, ce désir, trop faible pour s'affirmer pendant l'état de veille, pourra réapparaitre pendant l'état de rêve ; car la matière physique est relativement lourde et difficile à mouvoir, et un désir faible n'aura pas assez d'énergie pour la faire entrer en vibration ; mais ce même désir pourra faire vibrer la matière astrale, infiniment plus subtile, si bien que l'homme pourra, en rêve, se trouver influencé par un désir qui n'aurait aucun pouvoir sur lui durant la veille. Ces rêves affligent beaucoup ceux qui en sont la proie, parce qu'ils ne les comprennent pas. L'homme devrait se rendre compte que ces rêves montrent que la tentation est conquise, en ce qui le concerne, et qu'il n'est tourmenté que par les vestiges de désirs passés, vivifiés sur le plan astral par une influence extérieure ou bien, si cette influence vient du dedans, par un désir en voie de disparaitre et trop faible pour le troubler durant la veille. Ce rêve est le signe d'une victoire presque complète. Et c'est en même temps un avertissement, car il fait voir à l'homme qu'il [266] y a encore dans son corps astral de la matière capable d'être vivifiée par les vibrations du désir pour la boisson, et qu'il lui faudra par conséquent éviter, durant la veille, toutes les conditions où il pourrait se trouver à la merci de ces vibrations. Tant que les rêves de ce genre n'ont pas entièrement cessé, le corps astral n'est pas complètement débarrassé de toute matière constituant une source de danger.

75 Pendant le sommeil, l'Égo tourne son attention vers l'intérieur jusqu'au jour où il peut se servir de son corps astral d'une façon indépendante ; c'est pourquoi le contrôle qu'il exerce est très faible.


2 — LA LUTTE ENTRE LE DÉSIR ET LA PENSÉE


Examinons maintenant cette lutte qui se livre au sein de la nature des désirs, et à laquelle nous avons déjà fait allusion, afin d'y apporter quelques détails complémentaires.
Cette lutte appartient à ce qu'on pourrait appeler le stade moyen de l'évolution, ce stade de longue durée qui forme le trait d'union entre cet état de l'homme entièrement dominé par les désirs, qui s'empare de tout ce dont il a besoin, sans écouter la voix de sa conscience, sans être troublé par le remords, et cet état de l'homme spirituel hautement évolué, chez lequel la volonté, la sagesse et l'activité sont harmonieusement et également actives. La lutte s'engage entre le désir et la pensée, entre la pensée qui commence à comprendre la relation gui existe entre elle et le non-soi et les autres Soi séparés, et le désir, influencé par les objets qui l'entourent, stimulé par les attractions et répulsions, attiré de côté et d'autre par les objets qui le séduisent.
Nous allons étudier ce stade de l'évolution où les souvenirs des expériences passées, [267] accumulés et emmagasinés dans l'intelligence, viennent s'opposer à la gratification des désirs qui, ainsi qu'ils l'ont prouvé eux-mêmes provoquent la douleur ; ou, pour mieux dire, ce stade dans lequel nous voyons les conclusions que le Penseur a tirées de ces expériences répétées, s'affirmer elles-mêmes en face d'une demande impérieuse de la nature des désirs pour un objet reconnu dangereux.
Cette habitude de s'emparer des objets du désir et d'en jouir a été établie par des centaines d'existences successives, et est devenue toute-puissante, tandis que l'habitude de résister à un désir présent afin d'éviter une douleur future commence seulement à se former, et est par conséquent très faible. Il en résulte que pendant longtemps la lutte de la pensée contre les désirs se termine par une défaite. La jeune intelligence, luttant contre le corps des désirs qui a atteint sa pleine maturité, est constamment vaincue. Mais comme à chaque victoire des désirs fait suite un plaisir très court et une douleur de longue durée, une force nouvelle prend naissance, une force hostile à elle-même, qui s'empare de la puissance de son adversaire. Chaque défaite du Penseur est une promesse de sa victoire future, et sa force grandit de jour en jour, tandis que celle de la nature des désirs diminue.
Lorsque nous aurons compris ceci, nous ne nous lamenterons plus sur nos fautes et sur celles de ceux qui nous sont chers, car nous saurons que ces chutes seront pour nous un point d'appui sûr à l'avenir, et que c'est dans la douleur que grandit le conquérant futur.
Notre connaissance du bien et du mal grandit par l'expérience et n'évolue que par l'épreuve. [268]
Le sentiment du bien et du mal, sentiment inné chez l'homme civilisé de notre époque, s'est développé au cours d'expériences sans nombre. Aux premiers stades de la vie du Soi séparé, toutes les expériences étaient nécessaires à son évolution et lui apportaient des leçons utiles qui hâtaient sa croissance. Graduellement il s'est rendu compte que lorsqu'il cédait à des désirs qui causaient du tort à son entourage il en récoltait une somme de douleur hors de proportion avec le plaisir fugitif qu'ils lui avaient procuré. Il a commencé à appeler mal tous les désirs qui lui apportaient surtout de la douleur lorsqu'il les gratifiait, d'autant plus que les Maitres qui guidaient son évolution au début avaient désapprouvé les objets de ces désirs en les proscrivant sévèrement. Lorsqu'il obéissait à ces désirs et qu'il en résultait pour lui de la souffrance, ces avertissements antérieurs des Maitres ne rendaient que plus forte l'impression faite sur le Penseur, et la conscience – la volonté de faire le bien et d'éviter le mal – se trouvait fortifiée d'autant.
Nous voyons toute la valeur que peuvent avoir sous ce rapport les avertissements, les reproches, les bons conseils. Tout cela est emmagasiné dans l'intelligence ; ce sont des forces qui viennent s'ajouter à la somme des souvenirs qui poussent l'homme à résister aux désirs mauvais ; si l'individu, après avoir été mis en garde, cède à la tentation, c'est que le désir est encore plus fort que lui ; lorsque la souffrance prédite se fera sentir, l'intelligence se souviendra de tous ces avertissements, de toutes ces remontrances, et gravera d'autant plus profondément au fond d'elle-même la conviction que : Ceci est mal. [269] Si un individu fait un acte répréhensible, cela montre simplement que ces souvenirs de souffrances passées n'étaient pas encore assez profondément ancrés en lui pour contrebalancer l'attraction d'un plaisir immédiat ardemment convoité. Il faut qu'il répète la leçon encore plusieurs fois, afin de fortifier la mémoire du passé ; lorsqu'il l'aura fait, la victoire
sera certaine. La souffrance est un élément nécessaire à la croissance de l'âme, et cache en elle-même la promesse de cette croissance. Si nous savons ouvrir les yeux, nous verrons que partout autour de nous le bien grandit et que nulle part le mal n'est sans remède.
Cette lutte se trouve exprimée toute entière dans ces exclamations de désespoir de bien des gens : "Ce que je voudrais faire, je ne puis le faire, et ce que je ne voudrais pas faire, je le fais malgré moi !", "Lorsque je cherche à faire le bien, c'est le mal qui s'offre à moi." Le mal que nous faisons, tout en ayant le désir de ne pas le faire, est le résultat d'une habitude acquise dans le passé, Une volonté faible est subjuguée par un désir puissant.
Mais dans sa lutte contre les désirs, c'est à la nature même des désirs que le Penseur fait appel : il cherche à faire naitre en elle un désir qui s'opposera aux désirs contre lesquels il lutte actuellement. De même que l'attraction d'un aimant de faible puissance peut être neutralisée par un aimant plus fort, de même un désir peut être fortifié pour en dominer un autre, un bon désir pourra être cultivé pour en combattre un mauvais. C'est en cela que réside toute la valeur d'un idéal. [270]


3 — VALEUR D'UN IDÉAL


Un idéal est une conception mentale fixe, d'un caractère inspiré, créée pour servir de guide dans la conduite ; la création d'un idéal constitue un des moyens les plus efficaces pour influencer les désirs. L'idéal peut s'incarner ou ne pas s'incarner dans un individu, selon le caractère de celui qui le crée : il ne faut pas oublier que la valeur de l'idéal dépend dans une grande mesure de ses qualités attractives, et ce qui attirera un tempérament n'en attirera pas nécessairement un autre. Un idéal abstrait et un idéal personnel sont également bons, l'un et l'autre, si on les considère à un point de vue général, et l'individu devra choisir celui qui a le plus d'attrait pour lui. En général, une personne au tempérament intellectuel trouvera que l'idéal abstrait convient mieux à ses besoins, tandis qu'une personne au tempérament émotionnel demandera à ce que sa pensée prenne une forme concrète. Le point faible de l'idéal abstrait est qu'il manque parfois de pouvoir d'inspiration ; d'un autre côté, l'idéalisation concrète a le désavantage de tomber parfois au-dessous de l'idéal.
C'est l'intelligence, naturellement, qui crée l'idéal, et elle le conserve sous forme d'abstraction ou l'incorpore dans une personne. Le moment le plus propice à la création d'un idéal est celui où le mental est parfaitement
calme, immobile et pur, où la nature des désirs est engourdie. Le Penseur examine alors le but de sa vie, le but vers lequel il tend, et guidé dans son choix par le résultat de son examen, il choisira les qualités qui lui sont nécessaires pour atteindre ce [271] but. Il combinera ces qualités en un concept unique, en créant par l'imagination une image aussi nette que possible de cette assimilation des qualités dont il a besoin. Il répètera chaque jour cet exercice jusqu'à ce que son idéal se détache clairement dans son mental, avec toute la merveilleuse beauté d'une pensée élevée, d'un caractère noble : une image dont l'attrait sera pour lui irrésistible. L'homme au tempérament intellectuel conservera à cet idéal la forme d'une pure conception. L'homme au tempérament émotionnel l'incarnera dans un personnage comme le Bouddha, le Christ, Shrî Krishna ou quelque autre Instructeur divin. Il étudiera la vie, les enseignements, les actions de cet Instructeur, et son idéal deviendra de plus en plus vivant et réel pour le Penseur. Un amour intense pour cet idéal personnifié naitra en son coeur et le désir tendra vers lui de toutes ses forces pour l'atteindre. Et lorsque la tentation viendra l'assaillir et que les désirs inférieurs demanderont impérieusement satisfaction, le pouvoir attractif de son idéal s'affirmera, les désirs élevés combattront les désirs inférieurs et tous les désirs les plus nobles viendront apporter leur force au Penseur ; le pouvoir négatif de la mémoire qui commande : "Abstiens-toi de ce qui est vil" sera décuplé par la force positive de l'idéal qui dit : "Accomplis ce qui est beau et noble."
L'homme qui porte constamment en son coeur un idéal élevé possède une arme contre laquelle se brisent tous les désirs mauvais, une arme que lui donne son amour pour cet idéal, sa honte de paraitre méprisable à ses yeux, son désir ardent de ressembler à l'objet de sa dévotion, et aussi la direction, la tendance générale de son [272] intelligence vers un genre de pensée noble et élevée. Les désirs mauvais deviennent chez lui de plus en plus rares. Ils dépérissent tout naturellement, incapables de substituer dans une atmosphère aussi pure.
Il serait peut-être nécessaire de remarquer ici, à cause des résultats destructifs qu'a la critique historique aux yeux de certaines personnes, que la valeur de l'idéal du Christ, du Bouddha, de Krishna, ne se trouve pas amoindrie en quoi que ce soit par le manque de données historiques ou par l'imperfection des preuves d'authenticité d'un manuscrit quelconque. Un grand nombre de légendes rapportées par la tradition peuvent ne pas être vraies historiquement parlant, mais elles le sont au point de vue éthique et vital. Que tel ou tel évènement ait ou n'ait pas eu lieu durant la vie du Maitrecela n'a aucune importance ; l'influence d'un tel caractère idéal sur le monde qui l'entoure n'en est pas moins éternellement vraie. Les Écritures du monde entier représentent des faits spirituels, que les incidents de la vie physique soient ou ne soient pas vrais au point de vue de l'histoire.
La pensée peut donc façonner et diriger le désir et, au lieu d'un ennemi, s'en faire un allié. En changeant la direction du désir, elle en fera une force stimulante, accélératrice, au lieu d'une force retardatrice, et là où le désir pour les objets extérieurs nous tenait enchainés dans la boue, le désir de l'idéal nous portera vers les cieux sur ses ailes puissantes. [273]


4 — PURIFICATION DES DÉSIRS


Nous avons déjà montré tout ce que l'on peut faire dans le véhicule des désirs pour purifier ces désirs ; la contemplation et le culte de l'idéal dont nous venons de parler constituent un des facteurs les plus puissants de cette purification. Les mauvais désirs dépérissent à mesure que l'homme cultive et entretient les désirs élevés ; ils meurent faute de nourriture.
Tout effort que l'individu fait pour rejeter un désir mauvais, est accompagné d'un refus formel, de la part de la pensée, de permettre à ce désir de se transformer en acte. La volonté commence à réfréner l'action, même lorsque le désir demande impérieusement à être satisfait. En refusant d'agir sous l'influence d'un désir mauvais, il arrive un moment où les objets qui ont provoqué ce désir perdent tout leur pouvoir attractif. "Les objets des sens se détournent de l'habitant du corps qui vit dans l'abstinence 76." Les désirs se meurent faute d'être satisfaits. Le refus catégorique de satisfaire les désirs constitue un des plus puissants moyens de purification.
Il y a un autre moyen qui utilise la force répulsive du désir, de la même façon qu'avait été utilisée la force attractive dans la contemplation de l'idéal. Ce moyen devient utile dans les cas extrêmes, lorsque les désirs sont par trop tumultueux et indisciplinés, comme pour la gloutonnerie, l'ivrognerie, le libertinage. Il arrive parfois que l'homme soit incapable de se débarrasser de certains désirs mauvais, et malgré tous ses [274] efforts, son intelligence cède à leur influence irrésistible et des imaginations malsaines s'emparent de son cerveau. Mais il peut les conquérir en faisant semblant de céder à leur attraction, en allant au-devant des résultats vers lesquels elles doivent inévitablement le conduire. Il se voit lui-même tomber de plus en plus bas et devenir l'esclave absolu de ses passions. Il suit pas à pas, en imagination, les différentes phases de sa chute ; il voit comment son corps devient de plus en plus grossier et finit par tomber malade. Il contemple avec horreur ses nerfs atrophiés, les ulcères repoussants qui couvrent ses membres, la corruption hideuse et la ruine finale de ce corps qui fut un jour plein de santé et de force. Il imagine la fin déshonorante qui l'attend et se rend compte du triste legs que sera pour sa famille et ses amis la honte attachée à son nom. Il se représente par la pensée la mort et l'Au-delà ; il voit son corps astral malade, image de tous les ravages, de toutes les altérations causées par ses vices et se représente l'agonie terrible que lui causeront des désirs effrénés impossibles à satisfaire. Résolument il force sa pensée qui cherche à se dérober, à s'arrêter sur ce spectacle effrayant du triomphe des désirs mauvais, jusqu'à ce que naissent en lui un dégout irrésistible, une peur et une aversion intolérables pour les résultats qui se produisent lorsqu'il cède à leur influence.

76 Bhagavad Gitâ, II, 59.

Cette méthode de purification ressemble au bistouri du chirurgien qui vient couper le cancer menaçant la vie d'un malade : et comme toutes les opérations chirurgicales, il faut l'éviter, à moins qu'il n'y ait plus d'autre moyen de guérison. Il vaut mieux conquérir les désirs par la [275] force attractive de l'idéal que par la force répulsive de ce tableau de ruine et de désolation. Mais là où l'attraction restera impuissante, la répulsion pourra entrer en jeu avec succès.
Cette méthode présente de plus un danger : en concentrant ainsi sa pensée sur le mal, l'individu augmente la quantité de matière grossière dans son corps des désirs, et la lutte est beaucoup plus longue que lorsqu'il lui est possible de cultiver des désirs nobles, des aspirations élevées. Des deux méthodes, celle-ci est donc la moins désirable, et on ne doit y avoir recours que lorsqu'il est impossible de pratiquer l'autre.
C'est par l'attraction élevée, par la répulsion ou bien par les lents enseignements de la souffrance que le désir doit être purifié. Ce "devoir" n'est pas simplement une nécessité imposée par une déité extérieure ; c'est le commandement impérieux du Dieu qui est en nous et qui ne veut pas se laisser renier. Toutes les forces de la Nature travaillent en harmonie avec cette volonté pure de la Divinité qui constitue notre Soi, et c'est ce Soi qui veut que ce qui est noble, que ce qui est élevé, domine et subjugue toutes choses.
Après cette victoire, les désirs cessent de se faire sentir. Les objets n'attirent ni ne repoussent plus, dès lors, les énergies rayonnantes de l'Atmâ, et ces énergies sont entièrement sous la direction d'une sagesse qui se détermine elle-même ; c'est-à-dire que la volonté a pris la place du désir. Le bien et le mal apparaissent alors comme des forces divines qui coopèrent à l'oeuvre de l'Évolution, l'une aussi nécessaire que l'autre, l'une n'étant que le complément de l'autre. Le bien est la force avec laquelle nous devons tous [276] nous mettre en harmonie ; le mal est la force contre laquelle nous devons lutter : c'est en nous servant d'une façon raisonnable de ces deux forces, que nous manifesterons tous les pouvoirs du Soi.
Lorsque le Soi a développé l'aspect sagesse, il considère d'un même oeil l'homme juste et l'homme méchant, le saint et le pécheur ; il est prêt à leur venir en aide à tous deux également, à leur tendre à tous deux sa main compatissante. Le désir, qui, lui, les considérait selon l'attraction ou la répulsion, comme des objets qui engendrent la joie ou la douleur, a disparu, et la volonté, c'est-à-dire l'énergie guidée par la sagesse, apporte à propos son aide secourable. L'homme échappe ainsi à la tyrannie des paires d'opposés, et repose au sein de la Paix éternelle.

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