BIOGRAPHIE
Héléna Pétrovna était fille du colonel Pierre Hahn, et petite-fille du lieutenant-général Alexis Hahn Von Rottenstein-Hahn ; sa mère était Héléna Fadéeff, fille du conseiller privé André Fadéeff et de la princesse Héléna Dolgorouki. La lettre suivante, dont j'ai sous les yeux l'original en français, adressée par le lieutenant-major-général R. Fadéeff à A. P. Sinnett, Esq., chez le secrétaire particulier de S. A. le vice-roi, et par l'intermédiaire du prince Dondoukoff-Horsanoff, gouverneur général du Caucase, fait foi de son identité :
"Je certifie par les présentes que Mme Héléna Pétrovna Blavacki 4, habitant actuellement Simlà (Inde britannique), est, du côté de [5] son père, fille du colonel Pierre et petite-fille du lieutenant général Alexis Hahn de Rottenstein-Hahn (famille noble du Mecklembourg, établie en Russie), et, du côté de sa mère, fille d'Héléna Fadéeff et petite-fille du conseiller privé André Fadéeff et de la princesse Héléna Dolgouki 5, et qu'elle est veuve du conseiller d'État Nicéphore Blavacki, ex-vice-gouverneur de la province d'Erivan (Caucase).
Major-général, ROSTISLAW FADÉEFF,
Secrétaire adjoint du ministre de l'Intérieur,
Comte Ignatieff, attaché d'état-major du
Ministère de la Guerre.
Saint-Pétersbourg, Petite Morskaia, 23.
18/30 septembre 1881."
À cela était jointe une lettre annonçant qu'un certificat formel du gouvernement suivrait dans quelques jours.
Héléna Pétrovna naquit en 1831, et sa tante, Mme N. A. Fadéeff, dans une lettre datée d'Odessa du 8/20 mai 1877, témoigne des merveilles qui l'entourèrent dès son enfance. [6] Mme Fadéeff déclare qu'elle-même avait toujours été profondément intéressée par les phénomènes psychologiques, et qu'elle avait saisi toutes les occasions de les observer.
4 En français, Blavatsky.
5 En français, Dolgorouki.
Elle ajoute :
"Les phénomènes produits par les pouvoirs médianimiques de ma nièce Héléna sont souverainement curieux, étonnants, et véritablement merveilleux ; mais ils ne sont pas exceptionnels, ni uniques. J'ai souvent entendu parler et souvent lu, dans les livres de spiritualisme sacré et profane, le frappant compte rendu de phénomènes semblables à ceux dont vous parlez dans votre lettre ; mais il s'agissait généralement d'incidents isolés, ou provenant de diverses sources ; au lieu que tant de force concentrée en un seul individu – tout un groupe de manifestations extraordinaires émanant d'une source unique, comme dans le cas de Mme Blavatsky, – voilà certes qui est extrêmement rare et peut-être sans exemple. Je savais depuis longtemps qu'elle possédait des pouvoirs médianimiques, les plus développés que j'aie jamais rencontrés ; mais quand elle était ici, ces pouvoirs étaient d'un degré bien inférieur à celui qu'ils ont maintenant atteint. Ma nièce Héléna est [7] un être tout à fait à part, qui ne peut se comparer à personne autre. Comme enfant, comme jeune fille, comme femme, elle a toujours été trop supérieure pour que son entourage l'appréciât à sa juste valeur. Elle a reçu l'éducation d'une fille de bonne famille. Elle fut bien élevée, mais n'était pas du tout instruite, et quant à être savante, il n'en était pas même question. Cependant la richesse rare de sa nature intellectuelle, la délicatesse et la vivacité de sa pensée, sa merveilleuse facilité à comprendre, à embrasser et s'assimiler les sujets les plus difficiles, qui de tout autre auraient exigé des années d'étude laborieuse ; une intelligence éminemment développée, unie à un caractère loyal, droit, franc, énergique, – voilà ce qui lui a donné une supériorité intellectuelle si rare, ce qui l'a élevée si haut au-dessus du niveau ordinaire de l'insipide majorité des sociétés humaines, qu'elle ne put jamais éviter d'attirer l'attention générale, et par conséquent l'envie et l'animosité de tous ceux dont l'infériorité triviale se sentait blessée par la splendeur des facultés et des talents de cette femme réellement merveilleuse.
Vous demandez quelles langues elle a [8] étudiées. Dès l'enfance, outre le russe, sa langue natale, elle ne savait que le français et l'anglais. Longtemps après, au cours de ses voyages en Europe, elle acquit un peu d'italien. La dernière fois que je la vis, quatre ans plus tard, c'est tout ce qu'elle possédait comme langues ; j'en suis positivement certaine et puis vous l'affirmer. Quant à son érudition insondable, à l'époque dont je parle, quatre ans après, comme je vous disais, il n'y en avait pas l'ombre, ni même la moindre promesse. Elle était bien élevée, bien éduquée en tant que femme du monde, c'est-à-dire très superficiellement. Mais quant aux études sérieuses et abstraites, mystères religieux de l'antiquité, théurgie d'Alexandrie, philosophies et philologies anciennes, science des hiéroglyphes, hébreu, sanscrit, grec, latin, etc., elle ne les entrevoyait pas même en rêve, je puis le jurer. Elle n'avait pas la moindre idée même de l'ABC de choses pareilles."
À peine âgée de dix-sept ans, Héléna Pétrovna fut mariée à un vieillard ; elle quitta précipitamment son mari en découvrant ce que c'était que le mariage, et se mit à errer dans le monde à la recherche de la science. En aout 1851 nous la trouvons à Londres, et [9] là, près de la Serpentine 6, par un beau clair de lune, selon son journal, "je rencontrai le Maitre de mes rêves". Il lui dit qu'elle avait été choisie pour travailler dans une société, et quelque temps après, avec la permission de son père, elle commença à s'entrainer en vue de sa mission future ; elle subit sept et dix années d'épreuves, d'expérience et de dur travail. Mme Fadéeff va nous aider de nouveau ; elle écrivait de Paris, en date du 26 juin 1884 :
"J'ai écrit à M. Sinnett voilà deux ou trois ans, en réponse à une lettre de lui, et je crois lui avoir raconté ce qui se passa à propos d'une lettre que je reçus d'une manière phénoménale, lorsque ma nièce était à l'autre bout du monde, ou plutôt, à parler franc, quand personne ne savait où elle était, – et c'est justement ce qui nous inquiétait.
6 Petite rivière qui serpente dans Hyde-Park. (Note du traducteur.)
Toutes nos recherches n'avaient abouti à rien. Nous étions prêts à la croire morte, quand je crois que c'était en 1870, ou peu après, – je reçus de l'être que vous appelez, je crois, Kout-Houmi, une lettre qui me fut apportée de la manière la plus incompréhensible et la plus mystérieuse, dans ma propre maison, par [10] un messager de figure asiatique, qui disparut devant mes yeux. Cette lettre, qui me priait de ne pas être inquiète et m'assurait qu'elle était en sureté, est encore en ma possession, mais à Odessa. À mon retour je vous l'enverrai, et serai très heureuse si elle peut vous servir. Permettez-moi de dire qu'il m'est difficile, presque impossible, de croire qu'il y ait des gens assez stupides pour penser que c'est ma nièce ou vous-même qui avez inventé les hommes que vous appelez les Mahatmas.
J'ignore si vous les connaissez personnellement depuis longtemps, mais ma nièce m'a parlé d'eux, et très explicitement, voilà des années. Elle m'a écrit qu'elle en avait vu plusieurs et qu'elle avait renoué connaissance avec eux avant de publier son Isis 7. Pourquoi aurait-elle inventé ces personnages ? Dans quel but ? Et quel bien pouvaient-ils lui faire s'ils n'existaient pas ? Vos ennemis ne sont ni méchants ni malhonnêtes, je crois ; ils sont simplement idiots, s'ils vous accusent de cela. Moi qui resterai, j'espère, chrétienne fervente jusqu'à ma mort, si je crois à l'existence de ces hommes, sans croire cependant à tous les miracles qu'on leur attribue, pourquoi [11] d'autres n'y croiraient-ils pas ? Je puis certifier l'existence de l'un d'entre eux, au moins. Qui aurait pu m'écrire pour me rassurer au moment même où j'en avais le plus besoin, si ce n'est un de ces Adeptes dont on parle ? Il est vrai que je ne connaissais pas l'écriture, mais la manière dont le message me fut remis était si phénoménale, que nul n'aurait pu le faire sinon un adepte de la science occulte. Il me promettait le retour de ma nièce, et cette promesse se réalisa. En tout cas, je vous l'enverrai dans une quinzaine, et vous le recevrez à Londres."
7 Isis Unveiled, New-York et Londres 1878.
La lettre fut envoyée effectivement dix jours après, enfermée dans une note de Mme Fadéeff ; elle était écrite sur du papier de riz chinois, doublé de ce papier glacé fait à la main que l'on trouve dans le Cachemire et le Pendjab, et enfermée dans une enveloppe de même papier. L'adresse est ainsi libellée :
"À l'honorable, très honorable dame Nadejka Andriewna Fadéeff, Odessa. Un coin porte la mention suivante, de l'écriture de Mme Fadéeff, au crayon, en russe : – Reçu à Odessa, le 7 nov., au sujet de "Lelinka (nom familier de HPB)," probablement du Tibet.
11 nov. 1870. Nadejka F."
Voici le texte de la lettre :
"Les [12] nobles parents de Mme H. Blavatsky n'ont pas sujet de porter le deuil. Leur fille et nièce n'a pas quitté ce monde. Elle est vivante et désire faire savoir à ceux qu'elle aime qu'elle se porte bien et se trouve très heureuse dans la retraite lointaine et inconnue qu'elle a choisie… Que les dames de sa famille se rassurent ; avant que 18 nouvelles lunes se soient levées, elle sera revenue chez elle."
La lettre et l'enveloppe sont de l'écriture maintenant connue du Mahatma KH 8.
Les dates suivantes ont été relevées sur une feuille de papier trouvée à Adyar, d'une écriture que je ne reconnais pas, et sans signature. Je les donne pour ce qu'elles valent.
En 1848, immédiatement après son mariage, HPB quitta le Caucase et alla en Égypte ; elle voyageait avec la comtesse Kiselef. Elle visita Athènes, Smyrne et l'Asie-Mineure, et fit un premier effort pour entrer dans le Tibet, mais sans succès. En 1853, à l'époque de la visite de l'ambassade du Népal à Londres (c'était en 1851 plutôt, d'après son propre journal), elle était à Londres, et y rencontra son Maitre. De là elle alla dans l'Amérique du Sud, [13] puis par l'Océan Pacifique dans l'Inde, où elle fit un second effort inutile pour pénétrer dans le Tibet. Elle retourna en Angleterre par la Chine, le Japon et l'Amérique vers 1853. Elle fit alors un voyage aux États-Unis et dans l'Amérique centrale, et revint en Angleterre en 1855 ou 56. De là ; elle retourna aux Indes par l'Égypte, et juste avant la révolte des cipayes elle fit en vain une troisième tentative pour entrer au Tibet. Ensuite elle disparait, puis reparait en Russie à la fin de 1858 ou au commencement de 1859. Elle était à Tiflis de 1861 à 1863, puis alla en Égypte, et de là en Perse, traversant l'Asie centrale et pénétrant dans le Tibet vers 1864. En 1866, elle fit une courte visite en Italie ; puis retourna dans l'Inde et s'enfonça dans le nord, vers les monts Kouenlun, le lac Palté et le Tibet. Elle retourna à Odessa, par l'Égypte et la Grèce en 1872.
8 Report on the Result of an Investigation into the charges against Madame Blavatsky, pp. 95, 96.
En 1874, selon le Theosophist, Mme Blavatsky fit naufrage, et, en attendant un envoi d'argent de Russie, elle reçut aide et abri chez des gens qui devaient lui faire bien du mal plus tard, les Coulomb, qui tenaient alors un hôtel au Caire, en Égypte. Mme Coulomb parait avoir été un médium, et avoir intéressé [14] Mme Blavatsky. La connaissance fut brève, car celle-ci alla bientôt en Russie, puis en France et en Amérique ; dans ce dernier pays elle rencontra le colonel Olcott, avec qui, le 10 novembre 1875, elle fonda, pour obéir aux ordres qu'elle avait reçus, la Société théosophique.
On peut lire l'histoire de cette époque dans les Feuilles d'un vieux journal 9, du colonel Olcott, où il est rendu compte de ses pouvoirs et des phénomènes merveilleux dont elle était environnée. D'Amérique, les deux fondateurs vinrent aux Indes, et fixèrent quelque temps leur quartier central à Bombay. Là, Mme Blavatsky reçut une lettre de Mme Coulomb, datée du 10 juin 1879, lui racontant les revers qu'elle avait subis, et lui demandant de lui prêter 200 roupies 10. À la fin du printemps de 1880, elle et son mari vinrent à Bombay dans une profonde pauvreté ; Mme Blavatsky eut pitié d'eux et les secourut, puis les établit au [15] quartier général d'Adyar, M. Coulomb comme bibliothécaire et homme à tout faire, – car la bibliothèque était encore à venir, – et Mme Coulomb comme intendante et femme de charge.
9 Il nous a paru inutile de remplir ces pages de citations empruntées à des livres actuellement en circulation, et que peut consulter quiconque désire connaitre les faits. L'ouvrage a été publié en français, sous le nom de : Histoire authentique de la Société théosophique, Publications théosophiques, 1er vol. 1907, 2e vol. en préparation.
10 Report of the result, etc., pp. 131,132.