L'OEUVRE D'HPB SES COMMUNICATIONS AVEC LES MAITRES
L'oeuvre de Mme Blavatsky et du colonel Olcott aux Indes est bien connue : les prodiges identiques qui l'environnèrent là comme en Amérique, son intuition merveilleuse des vérités qui forment la base de toutes les religions, et son amour intense pour "cette terre maternelle de mon Maitre", attirèrent en foule autour d'elle les classes cultivées de l'Inde. Là encore, ceux qui désirent se convaincre de la force extraordinaire et de l'étendue de ses pouvoirs occultes, pourront lire les Feuilles d'un vieux journal. Ses brillants articles du Theosophist témoignent de sa science ; les fréquentes apparitions des Maitres, leurs fréquentes communications avec elle et avec ceux qui l'entouraient furent bientôt de notoriété [17] publique. M. Sinnett a raconté dans son Monde occulte ses propres expériences et celles de son entourage ; le plus grand de tous ces phénomènes fut sans doute la métamorphose opérée chez cet Anglo-indien sceptique, chez ce rédacteur en chef du Pioneer, qui, mis en contact avec le Maitre KH par l'intermédiaire de Mme Blavatsky, devint son fidèle et loyal disciple, et l'a servi avec constance à travers toutes les vicissitudes 11.
Si le témoignage des hommes n'a pu jamais établir un fait, le fait de l'apparition des Maitres, et des communications reçues d'eux pendant ces années-là, est établi hors de toute possibilité de doute. Prenons-en quelques exemples au hasard.
Le 1er décembre 1887, M. S. Râmasvâmier, officier d'état civil de district, donne à Mme Blavatsky une lettre sous enveloppe fermée ; puis il va faire une promenade en voiture avec elle, le colonel Olcott et Damodar ; en rentrant à la maison, ils virent tous, appuyé sur le balcon, un homme en qui le colonel et Damodar [18] reconnurent le Maitre de Mme Blavatsky ; il éleva la main et laissa tomber une lettre sur le sol ; c'était une réponse, écrite en caractères tibétains, à la lettre de M. Râmasvâmier : celui-ci certifie, en date du 28 décembre 1881, qu'il n'a pas perdu Mme Blavatsky de vue depuis le moment où il lui remit sa lettre jusqu'au moment où il vit ce personnage laisser tomber la réponse 12..
11 Comme je l'ai déjà dit, je m'abstiens de donner ici des témoignages qui sont à la portée de tous dans les livres en circulation : tout investigateur sérieux peut consulter lui-même le Monde occulte et ses renseignements si précieux.
12 Hints on Esoteric Philosophy, pp. 72, 73.
M. et Mme Scott – M. Scott était un fonctionnaire civil de l'Inde qui parvint ensuite à la situation de commissaire judiciaire de l'Oude, – le colonel Olcott, Mme Blavatsky, M. M. Murad Ali Beg, M. Damodar K. Mavalankar et le pandit Bhavâni Shankar étaient assis ensemble sur un balcon, d'où étaient visibles la bibliothèque, en partie obscure, et, au-delà, une chambre brillamment éclairée. M. Scott vit un homme, en qui il reconnut, d'après son portrait, le maitre M., qui marchait dans la chambre : il s'avança vers une table, sur laquelle on trouva ensuite une lettre de l'écriture connue 13.
Le colonel Olcott écrit, en date du 30 septembre 1881 :
"Ce même Frère me rendit [19] visite une fois à Bombay, en chair et en os : il vint en plein jour et à cheval. Il me fit appeler par un serviteur dans la chambre de devant du bungalow d'HPB (qui était à ce moment dans un autre bungalow, où elle causait avec les personnes présentes). Il venait me réprimander vertement pour quelque chose que j'avais fait en ce qui concernait la ST, et comme HPB était aussi répréhensible, il lui télégraphia de venir, c'est-à-dire qu'il tourna son visage et étendit le doigt dans la direction de l'endroit où elle était. Elle accourut immédiatement, et, en le voyant, tomba à genoux et lui paya un tribut de révérence. Sa voix et la mienne avait été entendues par les personnes qui étaient dans l'autre bungalow, mais HPB, moi et le serviteur, nous fûmes seuls à le voir. Une autre fois, deux ou même trois personnes, assises sous la véranda de mon bungalow dans le clos de Girgaum, virent un gentleman indou arriver à cheval, descendre sous le porche d'HPB et entrer dans son bureau. Ils m'appelèrent et j'allai veiller le cheval jusqu'à ce que le visiteur sortît, se mît en selle et s'éloignât. Celui-là aussi était un Frère en chair et en os 14." [20]
Pendant ce temps M. et Mme Coulomb vivaient au quartier général de Bombay ; Mme Coulomb, en tant que spirite, n'était pas sceptique quant à la réalité des phénomènes, mais en tant que chrétienne fanatique et superstitieuse, elle les considérait, par suite de leur connexité avec des païens, comme l'oeuvre du diable. M. Martandrao B. Nâgnâth qui fréquenta beaucoup les fondateurs à Bombay de 1879 à 1889, rappelle les cas où il a vu "les frères généralement invisibles de la première section de la Société théosophique". (La ST, à ses débuts, était organisée en trois sections, dont la première se composait des Maitres.) En 1881, il causait, en compagnie de trois frères théosophes, avec Mme Blavatsky, et Mme Coulomb aussi était présente, quand ils aperçurent le Maitre KH à 8 ou 10 mètres de distance.
13 Id., pp. 74, 76.
14 Hints on Esoteric Philosophy, p. 80.
"Il portait une sorte de toge ou de robe flottante, avec de la barbe et de longs cheveux ondulés ; il se forma graduellement pour ainsi dire, en avant d'un arbrisseau ou d'un groupe d'arbrisseaux, à quelque 20 ou 30 mètres de nous, et se dressa enfin dans toute sa hauteur. Mme Blavatsky posa devant nous cette question à Mme Coulomb : "Ce bon Frère est-il un diable ?" [21] car elle avait l'habitude de le dire et de le croire, et elle était effrayée quand elle voyait les Frères. Elle répondit ; "Non, celui-ci est un homme,". Il laissa voir sa forme complète pendant deux ou trois minutes, puis disparut peu à peu en se fondant dans le buisson."
Cette déclaration, qui contient le compte rendu de divers autres phénomènes, est datée de Bombay et du 14 février 1882 15. Elle est confirmée par le pandit Bhavâni Shankar 16.
15 Hints on Esoteric Philosophy, p. 105.
16 Report of the result, pp. 76, 77.
Après que le quartier général de, la Société eut été transporté à Adyar, près de Madras, (le 30 décembre 1882), de telles apparitions des Maitres eurent lieu fréquemment : c'était une coutume de famille pour les travailleurs de se réunir le soir sur le toit en terrasse ; et là, de temps à autre, un Maitre se rendait visible, qui causait gentiment avec eux et les instruisait. À ce propos, M. C. W. Leadbeater, qui travailla pour la Société à Adyar, et en divers autres endroits de l'Inde et de Ceylan, de 1884 à 1888, écrit ce qui suit :
"Je suis heureux de témoigner qu'en plusieurs occasions j'ai vu les Maitres apparaitre en forme matérialisée au quartier central [22] d'Adyar. J'ai vu dans ces conditions le Maitre M, KH, le Maitre DK, et un autre membre encore de la Confraternité, outre un ou deux disciples agissant comme messagers. Ces apparitions ont eu lieu parfois sur le toit en terrasse du bâtiment principal, parfois dans ma propre chambre au bord de la rivière, et à plusieurs reprises dans le jardin. Les matérialisations se maintenaient fréquemment pendant vingt minutes, et en deux occasions au moins elles durèrent sensiblement au-delà d'une demi-heure."
Cependant ces apparitions des Maitres n'étaient pas réservées exclusivement aux quartiers généraux de Bombay et de Madras.
M. T. Brown déclare ce qui suit dans Mes Expériences aux Indes :
"Lahore est spécialement intéressante, parce que nous y avons vu, dans son propre corps physique, le Mahatma Kout-Houmi en personne. Dans l'après-midi du 19 novembre, je vis le Maitre en plein jour et le reconnus, et le matin du 20 il entra dans ma tente et me dit : "Maintenant "vous me voyez devant vous dans la chair : "regardez, et assurez-vous que c'est moi", et il me laissa une lettre d'instructions et un mouchoir de soie qui sont encore entre mes [23] mains. La lettre est comme d'habitude écrite apparemment au crayon bleu ; elle est de la même main que les communications reçues à Madras, et une douzaine de personnes environ ont reconnu cette écriture comme la calligraphie du Mahatma Kout-Houmi. Sa lettre me faisait remarquer que je l'avais vu d'abord dans mes visions, puis en forme astrale, puis dans le corps à distance, et qu'enfin je le voyais maintenant dans son propre corps physique, assez près de moi pour me permettre de donner à tous mes compatriotes l'assurance que je suis, par connaissance personnelle, aussi sûr de l'existence des Mahatmas que de la mienne. La lettre est de nature particulière, et je ne puis en citer de passages suivis. Le soir du 20, le colonel Olcott, Damodar et moi étions assis en dehors du Shamiâna, quand nous reçûmes la visite de… (le principal Chélâ du Maitre, maintenant un initié), qui nous informa que le Maitre allait venir. Le
Maitre vint ensuite près de nous, donna des instructions à Damodar, et s'en alla." 17
17 Report of the result, pp. 74, 75.
Sur cette visite à Lahore, en novembre 1883, Damodar lui-même donne beaucoup de [24] détails. Il dit, à propos du Mahatma Kout-Houmi :
"Là je reçus sa visite en corps, pendant trois nuits de suite, et pendant environ trois heures chaque fois, tout en gardant moi-même entièrement conscience ; j'allai même une fois au-devant de lui hors de la maison. Celui que je vis en personne à Lahore était le même que j'avais vu dans sa forme astrale au quartier général de la ST., et le même aussi que j'avais vu, en des visions et extases, dans sa maison, à des milliers de milles de distance, et que j'avais pu atteindre en Égo astral, grâce, naturellement, à son aide et à sa protection directes. Dans ces circonstances, avec mes pouvoirs psychiques encore peu développés, je l'avais toujours vu sous une forme assez vague ; cependant ses traits étaient parfaitement distincts, et leur souvenir était profondément gravé dans oeil et la mémoire de mon âme. Mais actuellement, à Lahore, à Jammou, et ailleurs, l'impression était entièrement différente. Dans les cas antérieurs, quand je lui faisais le prânam (salut), mes mains passaient à travers sa forme, tandis que dans les occasions postérieures elles rencontraient des vêtements solides et de la chair. Ici je voyais devant moi un homme vivant, [25] avec les mêmes traits, mais bien plus imposant d'aspect général et d'attitude que celui dont j'avais si souvent contemplé les deux portraits qui sont en possession de Mme Blavatsky et de M. Sinnett. Je ne veux pas insister ici sur le fait qu'il a été vu corporellement et par le colonel Olcott et par M. Brown, séparément, car ils pourront le faire, chacun pour soi, s'ils le jugent à propos. À Jammou encore, où nous allâmes en quittant Lahore, M. Brown l'a vu le soir du troisième jour de notre arrivée, et a reçu une lettre de lui dans son écriture bien connue ; je ne parle pas des visites qu'il m'a faites presque chaque jour, et presque tout le monde à Jammou sait ce qui est arrivé le lendemain matin. De fait, j'eus la bonne fortune qu'on m'envoyât chercher, qu'on me permît de visiter un Ashram sacré, où je restai quelques jours en la compagnie bénie de plusieurs Mahatmas de l'Himavat et de leurs disciples. J'y rencontrai non seulement celui qui est mon Gouroudéva bien aimé et le Maitre du colonel Olcott, mais plusieurs autres membres de la Fraternité, y compris un des plus élevés. Je regrette que le caractère extrêmement personnel de ma visite en ces régions m'empêche d'en parler [26] davantage. Il me suffira de dire que l'endroit que j'eus la permission de visiter est dans l'Himalaya, et non dans quelque paradis de fantaisie, que je vis mon Maitre dans mon propre sthûlasharirâ (corps physique), et que je le trouvai identique avec la forme que j'avais vue dans les premiers temps de mon apprentissage initiatique. Ainsi je vis mon bienaimé Gourou comme un homme non seulement vivant, mais actuellement jeune en comparaison de certains autres Sâdhous de la compagnie bénie, et plus aimable, et ne dédaignant pas la conversation ni une remarque gaie à l'occasion. Ainsi le second jour de mon arrivée, après l'heure du repas, j'ai pu causer pendant plus d'une heure avec mon Maitre. Comme il me demandait pour quelle raison je le regardais d'un air si perplexe, je lui demandai à mon tour : "Comment se fait-il, Maitre, que quelques-uns des membres de notre société se soient mis dans la tête que vous étiez un homme âgé et même vous aient vu par clairvoyance, ressemblant à un vieillard de plus de soixante ans ?" Là-dessus il sourit plaisamment et me dit que cette erreur était due aux rapports d'un certain Brahmachârî, disciple d'une Svâmi [27] védantique des provinces du Nord-Ouest, qui l'an dernier avait rencontré au Tibet le chef d'une secte, un Lâma assez âgé, voyageant en ce moment en compagnie de mon Maitre. Le Brahmachârî en question avait parlé dans l'Inde de cette rencontre, ce qui avait amené plusieurs personnes à confondre le Lâma avec lui-même. Quant à être aperçu par clairvoyance sous forme d'un "homme âgé", cela était parfaitement impossible, ajouta-t-il ; la véritable clairvoyance n'aurait jamais pu induire personne en une telle erreur ; puis il me reprit doucement d'attacher quelque importance à l'âge d'un Gourou, ajoutant que les apparences étaient souvent trompeuses, etc., et expliquant d'autres points 18."
Le pandit Bhavâni Shankar raconte que pendant qu'il voyageait dans le Nord au printemps de 1884, le Mahatma M. fut aperçu par M. Nivaran Chandra Moukerji et par lui-même, en son corps astral, à une réunion de branche, et il ajoute :
"J'ai vu ce même Mahatma, c'est-à-dire le Maitre de Mme Blavatsky, plusieurs fois, dans son double, au cours de mes voyages dans le nord. Ce n'est pas seulement le Maitre de Mme Blavatsky que j'ai vu [28] en son double, mais aussi mon Gouroudéva vénéré KH J'ai vu aussi celui-ci, mon Maitre, dans son corps physique, et je l'ai reconnu 19."
M. Mohini M. Chatterji écrivait, le 30 septembre 1884 :
"Pour un Brâhmana comme moi il y a de la répugnance à parler du rapport confidentiel et sacré qui existe entre un maitre spirituel et son disciple. Cependant, en cette circonstance, le devoir m'oblige à dire que j'ai personnellement et absolument connaissance de l'existence du Mahatma qui a correspondu avec M. Sinnett, et qui est connu dans le monde d'occident sous le nom de Kout-Houmi. J'ai eu connaissance du Mahatma en question avant de connaitre Mme Blavatsky, et je l'ai rencontré en personne l'année dernière, quand il passait par la province de Madras, en route pour la Chine 20."
18 Report of the result, etc., pp. 82, 84.
19 Report of the result, etc., pp. 79, 80.
20 Id., p. 74.
M. S. Râmasvâmier, partant pour le Tibet à la recherche de son Gourou, rencontra sur la route de Sikkim "un cavalier solitaire, qui galopait vers moi, venant en sens contraire. En m'approchant, il retint sa monture. Je le regardai et le reconnus instantanément. J'étais [29] en présence de ce même Mahatma, mon vénéré Gourou, que j'avais vu auparavant en son corps astral, sur le balcon du quartier général théosophique. C'était lui qui, dans la nuit à jamais mémorable du 1er décembre, avait laissé tomber une lettre en réponse à celle que j'avais donnée sous enveloppe cachetée, une heure tout au plus auparavant, à Mme Blavatsky, que je n'avais pas perdue de vue un seul instant dans l'intervalle… J'étais enfin face à face avec le "Mahatma de l'Himavat" ; il n'était pas un mythe, ni "une création de l'imagination". Il ne faisait pas nuit ; il était entre neuf et dix heures du matin. Mon bonheur me rendit muet 21."
M. Casava Pillai aussi, près de Sikkim, "a vu les Mahatmas dans leurs corps physiques, et les a trouvés identiques à ceux qu'il avait vus dans des songes et visions, ou en forme astrale, comme il a été dit plus haut (à Bombay) 22".
Voilà donc un certain nombre de témoins indépendants, qui affirment avoir rencontré ces mêmes Maitres en chair. Laissant maintenant de côté leurs manifestations directes, [30] je vais, parmi les nombreuses communications reçues d'eux d'une manière superphysique, en choisir quelques-unes, simplement comme exemples.
"À Bombay le 2 février 1882, l'honorable J. Smith, membre du Conseil législatif de la Nouvelle-Galles du Sud, professeur à l'université de Sidney, entra dans sa chambre en compagnie de Mme Blavatsky ; il y était d'abord entré seul et s'était assuré que tout était comme à l'ordinaire ; ils s'assirent, et en même temps "elle prit mes mains dans les deux siennes. Au bout de quelques secondes une lettre tomba à mes pieds ; il me sembla qu'elle avait apparu d'abord un peu au-dessus du niveau de ma tête. En ouvrant l'enveloppe je trouvai une feuille de papier à lettre portant l'entête du gouvernement des Provinces du Nord-Ouest et de l'Oude, et les mots suivants écrits au crayon rouge, de la même écriture exactement que les lettres du soir précédent : "Pas moyen de vous écrire en dedans de vos "lettres, mais je puis vous écrire directement. Travaillez pour nous en Australie, et nous ne nous montrerons pas ingrats, mais nous vous prouverons notre existence actuelle, et nous vous remercierons." [31]
21 Report of the result, pp. 85, 86.
22 Id., p. 89.
L'examen impartial des circonstances exclut, à mon avis, toute théorie de fraude.
J. SMITH."
M. le professeur Smith, plus tard, dans une lettre adressée de Nice à Mme Blavatsky, en date du 31 janvier 1883, rend ainsi compte d'une communication reçue par lui :
"Vous croyez que ma lettre à M. a été inutile, mais permettez-moi maintenant de vous exposer les faits. Vous pouvez vous souvenir que vous terminiez votre lettre par un postscriptum me demandant de n'être pas fâché contre le Frère. Or j'ai trouvé ce postscriptum suivi de quelques mots à l'encre rouge, de l'écriture de M., disant que votre conseil était très gentil et plein d'indulgence (ironie évidente). Mais il y a plus. En dedans de votre lettre il y avait une petite enveloppe, bizarrement pliée et gommée, avec mon adresse à l'encre rouge. Quand je l'eus coupée, j'y ai trouvé ma propre note à M. absolument intacte. Ma femme, qui l'avait cousue, et d'autres dames à qui je l'avais montrée, se sont assurées que la couture n'était pas dérangée le moins du monde. Je fus d'abord porté à croire qu'elle était revenue telle [32] qu'elle était partie, mais en l'ouvrant, quel fut notre étonnement à tous quand j'en tirai un morceau de papier chinois avec un curieux dessin dessus, et en marge, tout autour, de l'écriture à l'encre rouge, avec la signature ou plutôt le cryptogramme de M. La phrase commençait ainsi : "Vos dames, à ce que je vois, sont sceptiques, et "meilleures couturières que nos fillettes indoues et tibétaines, etc." Pour ma femme et moi l'épreuve est aussi satisfaisante qu'elle est flatteuse et étonnante. Comment ce papier chinois a-t-il pénétré dans ma note ? Par aucun des moyens connus aux mortels ordinaires. Je n'osais guère espérer rien d'aussi probant quand j'enfermai dans ma lettre la note pour M., et je lui en suis très reconnaissant. Cela m'encourage à joindre à la présente une autre note pour lui, dans l'espoir de recevoir une réponse ; mais je n'en fais pas une épreuve : je demande seulement des renseignements. Cependant, s'il juge à propos, volontairement, de me donner quelque preuve additionnelle de ses pouvoirs "miraculeux" (car d'après nos idées admises sur la matière, cette affaire de la lettre mérite ce nom), cela me fera un plaisir intense. Je suis plus fâché que jamais de n'être pas resté avec vous [33] une semaine de plus, pour avoir l'occasion de voir M., et peut-être de faire sa connaissance personnelle. En parlant de la disparition de ma note pour M., vous ajoutez : "À toutes mes questions je n'ai reçu qu'une réponse : "Occupez-vous de vos affaires, etc." De quelle manière ces questions étaient-elles faites ? Par de simples impressions mentales, ou en des conversations actuelles avec le double ou la projection de M. ? Et savez-vous pourquoi M. a pris la lettre que je vous adressais aussi bien que la note pour lui (du moins en supposant qu'il l'ait prise), car de ce fait votre réponse et sa propre communication pour moi ont été grandement retardées… Ma femme me prie de vous envoyer sa meilleure considération. Elle espère vous voir un jour ou l'autre, Vous espérez, dites-vous, qu'elle aura alors un peu plus de foi qu'aujourd'hui. Mais je crois vous avoir dit qu'elle ajoutait foi aux faits inclus sous le terme de spiritisme, et maintenant elle est tout à fait satisfaite de cette preuve envoyée par M., étant sure que par aucun moyen connu ce morceau de papier chinois n'aurait pu être inséré dans la note qu'elle avait cousue".
J'ai entre les mains plusieurs des lettres envoyées par les Maitres durant ces années, les [34] unes griffonnées sur la lettre qui demande une réponse, d'autres indépendantes. Elles, sont venues de toutes les manières, par la poste, par apparition soudaine sur une table, dans un tiroir, par une chute dans l'air, etc… Le 10 février 1882, on vit tomber une lettre perpendiculairement sur le sol, en plein air, à dix pas de la chaise de Mme Blavatsky, et à sept pas du petit groupe qui la vit tomber. Une autre tomba dans un compartiment de chemin de fer, occupé par Mme Blavatsky, M. et Mme Oakley et M. Leadbeater, la blâmant pour ce qu'elle faisait à ce moment. Mais les exemples sont innombrables.
Cette distribution phénoménale de lettres n'était pas du tout confinée au voisinage immédiat de Mme Blavatsky. Le docteur Hartmann nous raconte qu'on eut besoin d'une paire de tenailles :
"Me souvenant que j'en avais dans le tiroir de mon bureau, je descendis dans ma chambre pour les chercher. J'ouvris le tiroir, j'y vis les tenailles et divers autres objets, mais pas la moindre trace de lettres, car j'avais enlevé mes papiers la veille pour les placer ailleurs. Je pris les tenailles et j'allais fermer le tiroir, quand… il y avait dans le tiroir une grande enveloppe, adressée [35] à moi dans l'écriture bien connue du Maitre et cachetée du sceau portant ses initiales en caractères tibétains. En l'ouvrant, je trouvai une longue lettre très aimable traitant précisément des questions dont je venais de causer avec Mme Blavatsky 23, donnant en outre une réponse détaillée et très satisfaisante à la question même qui avait tant embarrassé mon esprit, avec une explication satisfaisante de certains sujets qui depuis quelque temps avaient été prépondérants dans mon esprit, mais dont je n'avais rien dit du tout. Enfin, il y avait dans la même enveloppe une photographie du Maitre, format album, avec une dédicace pour moi derrière. Or, si je suis sûr de quelque chose au monde c'est que mon tiroir ne contenait pas cette lettre quand je l'ai ouvert, et qu'il n'y avait personne de visible dans ma chambre à ce moment. La lettre, qui donnait une réponse détaillée à ma question, doit avoir été écrite, cachetée et misa dans le tiroir en moins de quatre minutes, alors qu'il a fallu exactement quarante minutes pour la copier le lendemain et pour finir, elle traitait un problème très difficile d'une manière [36] si consciencieuse en même temps que si concise, que seule une intelligence de l'ordre le plus élevé pouvait avoir fait cela (5 février 1884) 24".
23 Il avait interrompu sa conversation avec Mme Blavatsky pour descendre chercher les tenailles.
24 Report of observations made during a nine months stay at the Headquarters of the T. S., par F. HARTMANN docteur en médecine, pp. 29, 30.
Le 17 mars 1884, M. Navatram Ootaram Trivedi étant au quartier général d'Adyar, écrivit quelques questions sur une feuille de papier écolier :
"Je voulais que Damodar fit répondre à ces questions, mais il n'y fit pas attention. Vers midi je m'assis à une table, avec M. Damodar en face de moi. C'était dans le bureau, en bas. Je relus pour moi-même les questions que j'avais écrites, et mis le papier sur la table. Au bout de quelques minutes, pendant que je parlais à Damodar, le papier disparut : je m'en aperçus sans le dire et continuai à causer ; quelques instants après nous trouvâmes une enveloppe parterre. Elle m'était adressée, et en l'ouvrant, je trouvai ma propre feuille de questions couverte d'écriture au crayon bleu. Les réponses à mes questions étaient complètes, et avaient été écrites bien en regard de chaque question. L'écriture était celle du Mahatma Kout-Houmi. Mme Blavatsky [37] et le colonel Olcott n'étaient pas à Adyar à ce moment ; ils voyageaient en Europe, et étaient probablement à Paris 25."
Voici ce que déclare M. R. Casava Pillai :
"En l'année 1882, je voyageais en chemin de fer entre les gares d'Allahabâd et de Mogal Sérai, lorsqu'une lettre tomba dans le compartiment du train où j'étais assis. J'étais seul dans le compartiment, et la voiture était en mouvement. J'avais désiré que le Mahatma Kout-Houmi me donnât des instructions sur certain sujet auquel je pensais alors ; en ouvrant la lettre, je trouvai la réponse à mes pensées, de l'écriture du Mahatma Kout-Houmi, que je connais si bien. Mme Blavatsky était alors à Bombay 26."
Comme l'écrivait une fois Mme Blavatsky en marge d'un récit semblable : "Qui était l'imposteur ici ?"
Pendant un séjour du pandit Bhavâni Shankar à la maison de M. Sinnett à Allahabâd en mars 1882, Mme Blavatsky était à Bombay. Un soir, M. Sinnett lui donna une [38] note adressée au Mahatma KH. Le pandit mit la lettre près de son oreiller, ferma ses portes, alluma sa lampe, et se trouva seul. Entre 10 et 11 heures, il vit astralement son Maitre, qui prit la lettre. Le lendemain matin il trouva la réponse sous son oreiller, adressée à M.Sinnett, et la lui remit : Le 8 novembre 1883, à Bareilly, le pandit Bhavâni causait avec un ami européen. Il portait en bandoulière un sac à dépêches, et, pendant la conversation, il reçut, à l'intérieur de ce sac, une lettre de son Maitre, dans une enveloppe chinoise 27.
25 Report of the result, etc., pp. 61, 62, Les questions et réponses ont été publiées dans le Theosophist de juillet 1907. Je les ai copiées sur le document original.
26 Report of the result, etc., pp. 60, 61.
27 Report of the result, etc., pp, 77, 79.
Damodar donne l'histoire de diverses lettres reçues par lui, absolument en dehors de Mme Blavatsky. Vers la fin de 1880, au quartier général, quelques jours après le départ de Mme Blavatsky, il reçut de son père une lettre sur des affaires de famille, qui lui donna beaucoup à réfléchir ; il écrivit la décision qu'il avait prise, dans l'espoir que les Mahatmas écriraient dessus s'il avait raison ou tort, et la renferma à clef dans le tiroir de sa table ; puis, réfléchissant que s'il se trompait, il en serait averti, il ouvrit le tiroir et détruisit sa [39] lettre. Le lendemain matin il trouva dans le tiroir une lettre de son Maitre en hindi. Le 21 aout 1881 il était à Bombay, au quartier central ; le colonel Olcott était à Ceylan, Mme Blavatsky à Simla. Un soir il était assis près de son lit, et se trouvait très abattu à cause d'ennuis de famille ; il voit, sur la petite table devant lui, se former une lettre, et constate qu'elle venait de son Maitre. En 1882, Mme Blavatsky étant à Darjiling, il était assis sur le balcon découvert, ruminant une idée entrée dans son esprit. À cette occasion, il n'était pas seul ; M. Coulomb était là. Au moment où ce dernier allumait une cigarette, Damodar sent un léger choc électrique, et voit une lettre à ses pieds ; elle contenait une réponse à sa pensée, en même temps que certains renseignements à transmettre à un frère théosophe. Pendant une absence de Mme Blavatsky qui était à Ootocamund, en juillet 1883, diverses lettres furent reçues dans le tabernacle à Adyar ; Damodar les y déposait et y reprenait les réponses. Il reçut aussi des lettres de l'écriture bien connue, avant et après l'arrivée des Coulomb, loin du quartier général aussi bien que dans son enceinte, ainsi que des notes écrites sur des lettres d'étrangers, distribuées par le [40] facteur entre ses propres mains 28. Dans toutes ces occasions, Mme Blavatsky était au loin, mais l'écriture était identique à celle des lettres reçues si souvent par son intermédiaire.
Le 1er aout 1884, Mme Blavatsky étant en Angleterre, le colonel Olcott et le docteur Hübbe-Schleiden voyageaient en express d'Elberfeld à Dresde. Le docteur s'étant soulevé de son siège pour tendre les billets au contrôleur, le colonel Olcott remarque quelque chose de blanc sur le coussin ; il se trouve que c'était une enveloppe tibétaine, contenant une lettre du Mahatma KH, de son écriture bien connue.
28 Report of the result, pp. 103-116.