ACTIVITÉ DES FORMES-PENSÉES
Ces formes-pensées, animées par les élémentals, ont une existence dont la durée dépend premièrement de l'intensité initiale, de l'énergie donnée par leur créateur humain, et secondement, de la nourriture qui leur est ensuite procurée par la répétition de la même pensée due à l'auteur – ou à d'autres. Leur existence peut être continuellement renforcée par cette répétition. Toute pensée que l'on couve, qui est l'objet d'une méditation fréquente, acquiert une grande stabilité de forme sur le plan psychique. De même les formes-pensées de semblable nature s'attirent, se renforcent mutuellement, constituent une forme pourvue [22] abondamment d'énergie et d'intensité et pouvant agir dans le monde astral.
Les formes-pensées sont rattachées à leur auteur par un lien que, à défaut d'une meilleure expression, nous appellerons magnétique ; elles réagissent sur lui en produisant une impression qui incite à les reproduire ; et lorsque, comme dans le cas cité plus haut, elles viennent à être renforcées par leur répétition, il peut en résulter une habitude de penser bien déterminée, il se formera un moule où la pensée se déversera facilement, bienfaisante si elle est d'une nature élevée (un noble idéal, par exemple), mais la plupart du temps, fâcheuse, faite pour entraver le développement mental.
Arrêtons-nous un moment sur la formation de cette habitude ; elle montre en petit, d'une façon très instructive, le fonctionnement de Karma. Supposons que nous puissions prendre un mental tout fait, n'ayant point derrière lui d'activité passée (cas impossible, bien entendu, mais dont l'hypothèse sera utile à l'étude de ce point spécial). Imaginons que ce mental travaille spontanément, en parfaite liberté, et produise une forme-pensée ; il se mettra à la répéter souvent, jusqu'à ce qu'une [23] habitude de penser ait pris naissance, une habitude bien définie où la pensée se glisse inconsciemment, par laquelle ses énergies seront canalisées sans un effort conscient et déterminé de la volonté. Admettons maintenant que ce mental vienne à désapprouver cette habitude de pensée, la considérant comme une entrave à son progrès. Originairement due à l'action spontanée de l'esprit, et faite pour faciliter le débit de l'énergie mentale en lui procurant un canal tout fait, cette habitude fini par devenir un obstacle ; et si l'esprit veut s'en débarrasser, il ne le peut que par la répétition de l'acte spontané tendant à affaiblir et à détruire définitivement cette entrave vivante.
Nous avons là un petit cercle karmique idéal parcouru rapidement : l'esprit libre s'est créé une habitude qui a limité ses possibilités, mais il n'en a pas moins gardé sa liberté, tout en restant dans ces limites mêmes et peut, de l'intérieur, les attaquer et travailler jusqu'à ce qu'il les ait détruites. Naturellement nous ne nous sentons jamais libres à l'origine, car nous venons au monde chargés par les chaines forgées par notre propre passé ; mais le processus concernant [24] chacun de ces liens suit la filière indiquée : l'esprit forge la chaine, la porte et, tout en la portant, peut s'en défaire.
Les formes-pensées peuvent également être dirigées par leur auteur vers telle ou telle personne qui, suivant la nature de l'élémental qui les anime, peut en éprouver du bien ou du mal. Ce n'est pas uniquement une fantaisie poétique de croire que les bons souhaits, les prières ou les pensées affectueuses ont de l'influence sur ceux vers qui ils sont envoyées, car ils forment autour de l'être affectionné une garde protectrice qui détourne plus d'une influence fâcheuse, plus d'un danger.
Ce n'est pas tout pour l'homme que d'engendrer et de projeter ses formes-pensées ; comme un aimant, il attire encore du plan astral qui l'entoure les formes-pensées des autres qui sont de l'espèce à laquelle appartiennent les élémentals qui animent les siennes propres. Il peut se procurer ainsi du dehors des renforts considérables d'énergie, et il ne tient qu'à lui que ces forces, qu'il fait passer du monde extérieur en son être, soient bienfaisantes ou malfaisantes. Ses pensées sont-elles pures et nobles ? il attire à lui une foule [25] d'entités bienfaisantes, au point de se demander parfois, avec étonnement, d'où lui vient la faculté d'accomplir de grandes actions qui semble, et à juste titre, dépasser de beaucoup ses propres pouvoirs. Par contre, celui qui nourrit des pensées mauvaises et viles, appelle à lui des légions d'entités malfaisantes, et ce surcroit de force pour le mal le porte à des crimes qui le surprennent lui-même, quand il regarde en arrière. "Quelque diable m'aura tenté", s'écriera-t-il ; et ce sont, en effet, ces forces diaboliques, attirées par sa propre perversité, qui sont venues augmenter celle-ci de l'extérieur.
Les élémentals qui animent les formes-pensées bonnes ou mauvaises se lient à ceux du corps du désir de l'homme et à ceux de ses propres formes-pensées, et ils opèrent en lui tout en venant du dehors. Mais il faut pour cela qu'ils rencontrent des entités de leur espèce avec lesquelles ils puissent avoir des affinités, sans quoi ils ne peuvent exercer aucune influence. Bien plus, quand ils sont d'espèces opposée, ils se repoussent ; c'est ainsi que l'homme bon chassera par son atmosphère même, par son aura, ce qui est impur et mauvais. Il est entouré comme d'un mur protecteur qui le met à l'abri du mal.
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Il y a encore une autre forme d'activité élémentale, qui produit des résultats immenses et qu'il ne faut pas omettre dans cette étude préliminaire des forces qui vont donner naissance au Karma. Comme les forces étudiées plus haut, elle résulte de ce que ces formes-pensées peuplent le courant qui réagit sur toute organisation sensitive ou nerveuse qui vient à son contact, proportionnellement à l'intensité dynamique de celle-ci. Jusqu'à un certain point presque tout le monde en est affecté, bien que l'effet soit plus considérable pour les organisations plus sensitives. Les élémentals ont une tendance à se porter vers d'autres êtres de nature similaire ; ils se groupent en classes, étant par essence portés à vivre en bandes. Ainsi la forme-pensée projetée par un homme, non seulement reste en rapport magnétique avec lui, mais va vers toutes celles de même type, se réunit à elles sur le plan astral, en formant, suivant le cas, une force bienfaisante ou malfaisante, qui prend corps en une sorte d'entité collective. C'est aux agrégations de formes-pensées similaires que sont dues les caractéristiques parfois frappantes de l'opinion dans les [27] familles, dans les localités et dans les nations, parce qu'elles composent une sorte d'atmosphère astrale, à travers laquelle on voit toutes choses, et qui colore ce que l'on regarde ; elles réagissent sur le corps du désir des personnes comprises dans les groupements en question, et suscitent en elles des vibrations synchrones. Ces entourages karmiques touchant la famille, la localité, ou la nation, modifient grandement l'activité de l'individu et limitent considérablement sa faculté de manifester les capacités qu'il a en puissance. Présentez-lui une idée : il ne la verra qu'à travers cette atmosphère qui l'entoure et qui, forcément, la colore et la défigurera fort peut-être. Ici apparaissent des obligations karmiques dont l'effet se répercute au loin et qui feront l'objet d'explications ultérieures.
Ces agrégations d'élémentals ne bornent pas leur influence à celle qu'ils exercent sur les hommes au moyen de leur corps du désir. Si cette entité collective, comme je l'ai dénommée, se compose de formes-pensées dangereuses, les élémentals qui les animent agissent comme forces de destruction et cause souvent de grands ravages sur le plan physique. Tourbillon d'énergies désagrégeantes, [28] ils sont les sources abondantes d'accidents, de convulsions de la nature, de tempêtes, d'ouragans, de cyclones, de tremblements de terre et de déluges. Nous parlerons aussi plus loin de ces résultats karmiques.