UNION

LES ENSEIGNEMENTS DES MAITRES DE LA HIERARCHIE

KARMA Par Annie BESANT - 1895

COMMENT ENVISAGER LES RÉSULTATS KARMIQUES

COMMENT ENVISAGER LES RÉSULTATS KARMIQUES


Quelquefois l'on est d'avis, dès qu'on a reconnu l'existence du Karma, que si tout est l'oeuvre de la loi, nous ne sommes que les esclaves impuissants de la destinée. Avant de considérer comment la loi sert à diriger la destinée, étudions un cas-type pour voir comment la nécessité et le libre arbitre – pour employer les termes en usage – se trouvent simultanément à l'oeuvre, et travaillent harmonieusement ensemble.
Un homme vient au monde avec certaines facultés morales innées, – prenons-les d'une moyenne ordinaire – avec une nature passionnelle [78] manifestant des caractéristiques définies, les unes bonnes, les autres mauvaises, avec un double éthérique et un corps physique sains et assez bien conformés, sans être particulièrement remarquables. Tel est son cadre, nettement tracé ; et quand il a atteint sa virilité, il se voit à la tête de cette "provision" d'éléments mentaux, passionnels, astraux et physiques dont il a à tirer parti de son mieux. Il y a nombre de hauteurs intellectuelles qu'il lui sera absolument impossible d'atteindre, des conceptions que ses potentialités ne lui permettront pas de saisir. Il est des tentations auxquelles le dispose sa nature passionnelle, malgré tous ses efforts ; il est des triomphes de force et d'habileté physiques qu'il ne pourra réaliser ; en résumé, il s'apercevra qu'il ne peut pas plus penser comme un homme de génie, que rivaliser de beauté avec un Apollon. Il est entouré par un cercle qui le limite et qu'il ne peut franchir, quelque vif que soit son désir de liberté. En outre, il y a des ennuis de plus d'une sorte qu'il ne peut éviter et qui l'assaillent ; il ne peut que subir sa peine ; il ne peut s'y soustraire.
Voici, en réalité, comment les choses se passent.
L'homme est borné par ses pensées passées, [79] par le gaspillage des bonnes occasions, par ses choix erronés, par ses sottes complaisances ; il est lié par ses désirs oubliés, enchainé par ses erreurs de jadis. Et cependant ce n'est pas lui, l'homme réel qui est lié. Lui, l'auteur du passé, qui emprisonne son présent peut travailler dans sa prison et se créer un avenir de liberté. Bien plus, il suffit qu'il sache seulement qu'il est libre, et ses fers tomberont de ses membres ; à mesure que son savoir augmentera ses liens deviendront plus illusoires. Mais pour l'homme ordinaire, à qui le savoir viendra comme une étincelle, et non comme une flamme, le premier pas dans la liberté sera d'accepter ses limitations puisqu'il en est l'auteur et de s'efforcer de les reculer. À vrai dire, il ne peut penser dès l'abord comme un homme de génie, mais il peut penser au mieux de ses facultés, et peu à peu il deviendra un génie ; il peut créer du pouvoir pour l'avenir, et il l'obtiendra. Il ne lui est assurément pas possible de se débarrasser en un moment de ses folies, mais il peut lutter contre elles, et, s'il succombe, continuer à combattre avec la certitude de vaincre.
Il a, en vérité, des faiblesses et des laideurs [80] astrales et physiques ; mais à mesure que sa pensée devient plus forte, plus pure, plus belle, et son oeuvre plus utile, il s'assure des formes plus parfaites pour les jours futurs. Au milieu de sa prison, il est toujours lui-même : l'Âme libre ; et il peut renverser les murailles qu'il a lui-même bâties. Il n'a d'autre geôlier que lui-même ; il peut vouloir sa liberté, et c'est cette volonté qui la lui obtiendra.
Une peine lui échoit ; il est privé d'un ami ; il commet une faute sérieuse. Soit : dans le passé, c'est le penseur qui a péché ; dans le présent, c'est l'acteur qui souffre. Mais son ami n'est pas perdu ; un lien d'affection le rattache à lui et plus tard il le retrouvera ; d'ici là il en est d'autres autour de lui à qui il peut rendre les services qu'il aurait prodigués à celui qu'il aimait, et il ne négligera plus les devoirs à accomplir, de peur de récolter une perte analogue dans les vies futures.
Il a commis une faute manifeste et il en supporte la peine ; or il l'avait commise en pensée jadis, sans quoi il ne l'aurait pas perpétrée maintenant ; il supportera patiemment la peine que lui a value sa pensée, et pensera aujourd'hui de telle sorte que ses lendemains soient exempts de [81] reproche. Là où étaient les ténèbres parait un rayon de lumière et cette lumière lui chante :
"Ô toi qui souffres ! Sache
Que par toi seul tu souffres ;
Nul autre ne t'y force."
La loi qui semblait être une entrave, s'est changée en ailes, et grâce à elle il peut s'élever à des hauteurs dont il n'aurait pu faire, sans elle, que rêver.

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