CONSTRUCTION DE L'AVENIR


La foule des Âmes s'écoule et avance guidée par la course lente du Temps. La terre les entraine dans son mouvement, et quand un globe succède à un autre, elles passent de l'un à l'autre. Mais la Religion de la Sagesse est de nouveau proclamée au monde pour que celles qui en ont le désir cessent de flotter au hasard et puissent apprendre à devancer la lente évolution des mondes.
L'étudiant qui saisit quelque chose de la signification de la loi, de sa certitude absolue, de son exactitude infaillible, commence à se posséder et à diriger sa propre évolution. Il scrute son propre caractère et se met à le modeler, s'efforçant [83] d'exercer ses qualités mentales et morales, élargissant ses capacités, fortifiant ses faiblesses, pourvoyant aux insuffisances, extirpant les inutilités. Il sait qu'il deviendra ce sur quoi il médite ; en conséquence, il médite délibérément et avec régularité sur un idéal noble, car il comprend pourquoi le grand initié chrétien, Paul, recommandait à ses disciples "d'appliquer la pensée" aux choses vraies, honnêtes, justes, pures, aimables et de bonne renommée. C'est journellement qu'il méditera sur son idéal ; journellement qu'il s'efforcera de le vivre, et cela avec persévérance et calme, "sans hâte, sans repos", sachant qu'il construit sur des fondations solides, sur le roc de la loi éternelle. Il en appelle à la loi ; il prend son refuge dans la loi. Pour un tel homme, il n'y a pas d'échec ; il n'existe pas de puissance dans le ciel ou sur la terre qui puisse lui barrer la route. Pendant sa vie terrestre, il amasse des expériences, en utilisant tout ce qui se présente sur son chemin ; pendant le Dévachan il les assimile et trace le plan de ses constructions futures.
C'est en cela que réside la valeur d'une vraie théorie de la vie, alors même que cette théorie repose sur le témoignage d'autrui plutôt que sur [84] la connaissance individuelle. L'homme qui accepte et comprend en partie l'oeuvre de Karma, peut commencer de suite à construire son caractère, posant chaque pierre avec un soin réfléchi, sachant que c'est pour l'éternité qu'il bâtit. C'en est fini d'entasser ou de démolir à la hâte, de suivre aujourd'hui un plan, demain un autre, de n'en plus avoir aucun le jour suivant ; maintenant, le tracé de ce qu'on pourrait appeler un plan de caractère, bien muri, existe, et l'édification se poursuit d'après ce plan. L'Âme, en effet, se fait architecte aussi bien que maçon et ne perd plus de temps en commencements manqués. De là la vitesse avec laquelle les derniers stades de l'évolution s'accomplissent et les progrès étonnants et presque incroyables que fait l'Âme forte dès qu'elle a atteint sa virilité.