LE CORPS PHYSIQUE

 

A. LE CORPS GROSSIER

B. LE DOUBLE ÉTHÉRIQUE

C. PHÉNOMÈNES RELATIFS AU CORPS PHYSIQUE

 


Sous la dénomination de "corps physique", il faut comprendre les deux principes inférieurs de l'Homme (en langage théosophique : Sthoûla Sharîra et Linga Sharîra). Nous les réunissons ensemble, parce que tous deux fonctionnent sur le plan physique, qu'ils sont composés de matière physique, sont rejetés par l'Homme à sa mort, et qu'ils se désagrègent enfin totalement dans le monde physique lorsque leur maitre passe dans le monde astral.
Une autre raison qui nous fait classer ces deux principes sous le nom de corps ou "véhicule" physique, c'est que, tant que nous sommes incapables de nous dégager du monde (ou du plan physique, selon l'appellation usuelle), nous utilisons constamment l'un et l'autre de ces deux revêtements physiques. Tous deux se rattachent au dernier plan de l'Univers par les matériaux qui les composent, et ils ne peuvent quitter ce plan. La conscience, tant qu'elle opère en eux, est esclave de leurs limitations physiques et sujette aux lois ordinaires de temps et d'espace. Quoique partiellement séparables, rarement ils [16] sont séparés pendant la vie terrestre. Une telle séparation n'est d'ailleurs pas à conseiller et dénote toujours chez le sujet un état morbide, ou une constitution déséquilibrée.
Les matériaux composant ces deux principes permettent de les distinguer en : corps grossier et double éthérique. Ce dernier est la reproduction exacte, particule à particule, du corps visible ; il est aussi l'intermédiaire par lequel entrent en jeu tous les courants électriques et vitaux d'où dépend l'activité du corps. Ce double éthérique a été désigné jusqu'ici sous le nom de Linga Sharîra, mais il semble bon d'abandonner l'usage de ce terme, et cela pour plusieurs raisons. D'abord, "Linga Sharîra" a été, de tout temps, employé en un autre sens par les livres Indous, et ce terme, arbitrairement détourné de son sens habituel, produit une grande confusion chez les étudiants, orientaux ou occidentaux, de la littérature orientale. Á défaut d'autres raisons, celle-ci suffirait amplement pour nous faire renoncer à l'usage impropre du mot. Mais, d'autre part, il est préférable d'employer, pour les subdivisions de la constitution humaine, des noms qui soient compris de tous, épargnant ainsi au commençant cette terminologie sanscrite, qui est parfois pour lui une pierre d'achoppement. De plus, l'expression "double éthérique" exprime exactement la nature et la constitution de la partie la plus [17] subtile du corps physique ; elle est donc à la fois significative et facile à retenir, conditions que tout nom devrait remplir. Cet élément est "éthérique" parce qu'il est formé d'éther, et "double" parce qu'il constitue un duplicata exact du corps physique, – son ombre, pour ainsi parler.
Or, la matière physique forme sept subdivisions, qu'on peut distinguer les unes des autres, et dont chacune produit, entre ses propres limites, des combinaisons infiniment diverses. Ces subdivisions sont : le solide, le liquide, le gaz, puis l'éther sous quatre états aussi distincts les uns les autres que sont distincts entre eux le solide, le liquide et le gaz. Tels sont les sept états de la matière physique, et toute portion de cette matière est susceptible de passer par n'importe lequel de ces états. Cependant, dans les conditions dites "normales" de température et de pression, elle adopte l'un des sept états comme condition relativement permanente. Ainsi, généralement, l'or est solide, l'eau liquide, et le chlore gazeux. Le corps physique de l'Homme se compose de matière physique en ces sept états, – son corps grossier consistant en solides, liquides et gaz, et son double éthérique se composant des quatre subdivisions de l'éther, respectivement désignées par éther I, éther II, éther III et éther IV.
Ceux à qui l'on expose les vérités plus hautes [18] de la théosophie, se plaignent toujours d'être laissés dans le vague, surtout en ce qui concerne l'application pratique de ces théories. "Où donc commencer, demandent-ils, si nous voulons nous instruire par nous-mêmes, et trouver la preuve des assertions faites ? D'où nous faut-il partir pour cela ? Quelles sont les premières mesures à prendre ? Quel est, en un mot, l'alphabet de cette langue en laquelle discourent si couramment les théosophes ? Que devons-nous faire, nous autres, gens du monde, pour comprendre et vérifier les faits qui nous sont exposés, au lieu de les accepter, en confiance, de ceux qui se donnent comme les ayant vérifiés ?" Telle est la question à laquelle j'entreprendrai de répondre dans les pages suivantes, afin que ceux qui sont réellement sincères puissent se rendre clairement compte des premières mesures pratiques à prendre.
Mais il est toujours sous-entendu que ces mesures doivent s'appliquer à une vie dont les régions morale, intellectuelle et spirituelle sont également soumises à une éducation systématique ; car il est évident qu'aucun entrainement du seul corps physique ne fera de l'Homme un voyant ou un saint. Il n'en subsiste pas moins, cependant, que le corps, en tant qu'instrument à nous imposer, doit nécessairement subir une certaine préparation, pour nous permettre d'orienter nos pas dans la direction du Sentier. [19] Alors que jamais le soin exclusif du corps ne pourra nous conduire aux hauteurs où nous aspirons, la négligence de ce même corps nous mettra dans la totale impuissance de gravir jusqu'à ces hauteurs.
Les véhicules dans lesquels l'Homme doit vivre et travailler sont ses instruments. Il faut donc avant tout comprendre que nous ne sommes pas faits pour notre corps, mais que notre corps est fait pour nous. Il nous est donné pour notre usage et nous ne sommes pas sa chose, à son service. Le corps est un outil, qui doit être épuré, amélioré, dressé ; qui doit être moulé selon la forme et constitué par les éléments les plus aptes à en faire, sur le plan physique, l'instrument des plus sublimes desseins de l'Homme. Tout ce qui tend vers ce but doit être encouragé et cultivé ; tout ce qui va à l'encontre est à éviter. Peu importent les désirs du corps et ses habitudes prises dans le passé. Le corps est nôtre, il est notre serviteur, pour être employé selon notre bon vouloir. Et dès qu'il prend les rênes en main et prétend guider l'Homme au lieu d'être guidé par lui, alors est inverti le but de la vie entière, et tout progrès devient absolument impossible. Voilà d'où doit partir tout homme sincère.
D'ailleurs, la nature même du corps physique le rend facile à convertir en serviteur ou en instrument. Il possède certaines caractéristiques qui nous aident à le dresser et le rendent relativement [20] facile à guider et à mouler selon notre désir. L'une de ces caractéristiques, c'est qu'une fois l'habitude formée de suivre une ligne d'activité particulière, le corps persistera très volontiers à la suivre de son plein gré, avec le même plaisir qu'il éprouvait jadis à suivre une autre ligne, toute différente. Une mauvaise habitude prise, le corps résistera fortement à toute velléité de changement. Mais, ce changement une fois imposé, et la résistance surmontée, le corps, après avoir été d'abord forcé d'agir selon la volonté de l'Homme, suivra bientôt spontanément la voie tracée par cette volonté. En un mot, le corps aura vite fait de reporter sur sa nouvelle habitude toute la complaisance avec laquelle il s'adonnait jadis à l'ancienne, que la raison, que l'Homme a cru devoir changer.
Reportons-nous maintenant à la considération spéciale du corps grossier, qui peut être appelé, d'une façon générale, la partie visible du corps physique, bien que ses éléments gazeux soient déjà invisibles pour l'oeil physique non entrainé. C'est ici le vêtement le plus extérieur de l'Homme, sa plus basse manifestation, l'expression la plus bornée et la plus imparfaite de l'Égo.


A. LE CORPS GROSSIER


Nous devons nous appesantir assez longuement sur la constitution du corps, si nous voulons comprendre comment il est possible à l'Homme de s'en rendre maitre [21] pour le purifier et le dresser. Les fonctions du corps peuvent se subdiviser en deux groupes, dont l'un est généralement indépendant de la volonté, l'autre lui étant, au contraire, soumis. Nous allons les considérer successivement. Ces deux groupes fonctionnent au moyen du système nerveux, dont les caractéristiques diffèrent de l'un à l'autre.
Occupons-nous d'abord du système dit "Grand Sympathique", qui préside aux fonctions du corps chargées d'entretenir la vie habituelle, contraction et expansion du poumon, battements du coeur, mouvements des organes digestifs. Ce système comprend les nerfs des mouvements involontaires, ou de la vie végétative. Á une certaine époque, dans le lointain passé de l'évolution physique qui édifia nos corps, ce système était commandé par l'animal qui le possédait. Mais peu à peu, il commença à fonctionner automatiquement, échappa au contrôle de la volonté, se rendit presque indépendant et s'acquitta de toutes les fonctions vitales normales du corps. Tant que l'Homme est en bonne santé, ces fonctions passent inaperçues. Il sent qu'il respire, lorsqu'une oppression fait obstacle à sa respiration ; il sait que son coeur bat, lorsque les battements en sont violents ou irréguliers. Mais, si tout est en ordre, il ne s'aperçoit de rien. Il est cependant possible d'amener le système nerveux sympathique sous le contrôle de la volonté par [22] une pratique longue et douloureuse, et une certaine classe de Yoguis dans l'Inde (les "Hatha-Yoguis", tel est leur nom) développent ce pouvoir à un degré extraordinaire, dans le but de stimuler les facultés psychiques inférieures. Celles-ci peuvent être développées, sans s'occuper en rien de la croissance spirituelle, morale ou intellectuelle, et par action directe sur le corps physique. Le Hatha-Yogui apprend à régler sa respiration, au point de pouvoir la suspendre pendant un temps considérable. Il règle aussi les battements de son coeur, activant ou retardant à volonté la circulation. Par ces moyens il peut plonger le corps physique dans un état léthargique et libérer ainsi le corps astral. La méthode n'est guère à recommander ; mais pour les nations occidentales, portées à trouver si impérative la nature du corps, il est instructif de savoir que l'Homme peut dominer pleinement ces fonctions automatiques à l'état normal, et d'apprendre que des milliers d'individus s'imposent une discipline longue et excessivement douloureuse, dans le seul but de se libérer de la prison du corps physique, et de savoir qu'ils vivent lorsque l'animation de leur corps est suspendue. Quelque peu recommandable que soit leur méthode, ces gens-là prennent du moins leur rôle au sérieux et ne sont plus les simples esclaves de leurs sens.
En second lieu, nous trouvons le système nerveux [23] volontaire, beaucoup plus important que le précédent, car c'est lui qui sert à l'expression de notre mentalité. C'est ici le grand système, instrument de notre pensée, grâce auquel nous pouvons sentir et nous mouvoir sur le plan physique. Ce système se compose de l'axe cérébrospinal (cerveau et moelle épinière), d'où se ramifient, dans toutes les parties du corps, des filaments de substance nerveuse. Ces filaments sont les nerfs sensitifs et moteurs : les premiers allant de la périphérie au centre, et les seconds du centre à la périphérie. De tous les points du corps partent les filaments nerveux, qui s'unissent en faisceaux, pour rejoindre ensuite la moelle épinière, dont ils forment la substance fibreuse externe. De là ils remontent pour se déployer et se ramifier dans le cerveau, centre de toute sensation et de tout mouvement intentionnel soumis au contrôle de la volonté. Tel est le système qui nous occupe, moyen d'expression de la volonté et de la conscience humaine ; aussi peut-on dire que ces facultés ont leur siège dans le cerveau. Sur le plan physique, l'Homme ne peut rien faire sans l'intermédiaire du cerveau et du système nerveux. Si ces appareils sont dérangés, il devient incapable de s'exprimer méthodiquement.
Voilà précisément le fait sur lequel le matérialisme a fondé son objection bien connue : la pensée, disent les fervents défenseurs de cette doctrine, [24] dépend de l'activité cérébrale et varie avec cette activité. Or il est certain que si, comme le matérialiste, nous ne considérons que le plan physique, les variations de la pensée et celles du cerveau sont en effet concomitantes. Il est nécessaire d'introduire des forces d'un autre plan, du plan astral notamment, pour montrer que la pensée n'est pas le résultat de l'activité nerveuse. Il est donc bien vrai qu'un cerveau étant sous l'action narcotique, d'une maladie ou d'une blessure, la pensée de l'homme à qui ce cerveau appartient ne peut plus trouver son expression normale sur le plan physique. Le matérialiste vous montrera aussi comment certaines lésions déterminées produisent sur la pensée des effets déterminés. Ainsi, par exemple, il existe une affection, peu fréquente d'ailleurs, nommée l'aphasie, qui détruit une portion particulière du tissu cérébral, voisine de l'oreille. Cette affection est accompagnée d'une perte totale de la mémoire des mots. Si vous posez une question au patient, il est incapable de vous répondre ; si vous lui demandez son nom, il reste muet. Mais prononcez vous-même son nom, et il montrera qu'il le reconnait ; faites-lui une lecture, et il donnera des signes d'approbation ou de désapprobation. Il pense donc, mais ne peut parler. Il semble que la portion détruite du cerveau soit en rapport spécial avec la mémoire physique des mots, de telle sorte que sa destruction fasse [25] perdre à l'homme sur le plan physique, la mémoire des mots. Il serait ainsi rendu muet, tout en conservant le pouvoir de penser et la faculté d'assentiment ou de dissentiment envers toute proposition énoncée devant lui. Il est, d'ailleurs, évident que l'argument matérialiste ne tient plus, dès que l'homme est débarrassé de son instrument défectueux. Il peut alors manifester librement ses pouvoirs ; mais il redevient impuissant dès qu'il en est de nouveau réduit aux moyens physiques d'expression. Quoi qu'il en soit, l'importance de cette discussion, en ce qui concerne notre recherche actuelle, git, non pas dans le plus ou moins de valeur des doctrines matérialistes, mais bien dans ce fait, que, d'une part, l'Homme est limité, dans son expression sur le plan physique, par les facultés de son instrument physique ; et que, d'autre part, cet instrument est susceptible d'être influencé par les agents physiques. Si ces derniers agents peuvent, comme nous venons de le voir, lui faire du tort, il est certain qu'ils pourront aussi servir à l'améliorer. Cette considération sera pour nous d'une importance capitale.
De même que toutes les autres parties du corps, le double système nerveux dont nous venons de parler est constitué par des cellules, petits corps bien délimités, comprenant une paroi et une substance incluse, visibles au [26] microscope et modifiés selon leurs fonctions diverses. Les cellules, à leur tour, se composent de petites molécules ; ces dernières enfin sont formées d'atomes. Ce sont ici les atomes du chimiste : chacun d'eux est pour lui l'ultime particule indivisible d'un élément chimique. Ces atomes chimiques se combinent en d'innombrables manières pour former les gaz, les liquides et les solides du corps grossier. Mais pour le théosophe, chaque atome chimique est un être vivant, capable de mener une vie indépendante ; et chaque combinaison de ces atomes en un groupement plus complexe constitue encore un être vivant. Ainsi chaque cellule jouit de sa vie propre, et tous ces atomes chimiques, toutes ces molécules, toutes ces cellules s'unissent pour former un "tout" organique, un corps, qui sert de véhicule à un mode de conscience plus élevé que tout ce que ces êtres rudimentaires peuvent connaitre dans leur existence séparée. Or, les particules vivantes dont se compose ce corps plus élevé, ce corps humain, viennent et s'en vont continuellement. Ce sont des agrégats d'atomes chimiques, trop petits pour être perceptibles à l'oeil nu, mais souvent visibles au microscope. Ainsi, lorsque nous regardons au microscope une goutte de sang, nous y voyons se mouvoir un grand nombre de corpuscules vivants. Ce sont les globules blancs ou rouges ; les blancs se rapprochant beaucoup, par leur structure et leurs [27] mouvements, des amibes ordinaires. Nous y voyons de plus des microorganismes, en rapport avec un grand nombre de maladies, des bacilles d'espèces diverses ; et le savant nous dira qu'il y a dans notre corps des microbes amis et ennemis : les uns nous font du tort, et les autres se jettent, pour les dévorer, sur les intrus malintentionnés et sur les déchets qui ne servent plus à rien. Nous recevons donc continuellement du dehors des microorganismes, dont les uns nous apportent la maladie et la ruine, les autres la santé. Ainsi se renouvèlent sans cesse les matériaux constituant notre vêtement corporel. Ils rentrent dans notre organisme, y restent quelque temps, puis s'en vont faire partie d'autres corps. Il y a donc en nous un perpétuel changement, un "va-et-vient" incessant.
Or, l'immense majorité des hommes connait peu ces faits et s'en inquiète encore moins. C'est pourtant sur eux qu'est fondée la possibilité de purifier le corps grossier et d'en faire un véhicule plus digne de son hôte. L'homme ordinaire permet à son corps de s'édifier n'importe comment à l'aide des matériaux qui lui sont fournis. Il ne s'inquiète aucunement de leur nature, pourvu qu'ils flattent son gout et ses désirs, et n'a cure de savoir s'ils construisent à "l'Égo", au vrai Homme qui vit éternellement, une pure et noble demeure. Il n'exerce aucune surveillance sur ces particules qui viennent et s'en vont, il ne choisit [28] rien, ne rejette rien, mais laisse tout s'arranger au petit bonheur : tel un maçon négligent qui ramasserait, pour construire sa maison, des détritus quelconques, rebuts de laine et de poils, boue, copeaux, sable, vieux clous, déchets et ordures. En un mot, l'homme ordinaire édifie son corps sans rime ni raison.
Il suit de là que la purification du corps grossier consistera en un processus de sélection délibérée des particules qu'on laissera entrer dans sa constitution. L'homme y introduira, sous forme de nourriture, les éléments constitutifs les plus purs qu'il puisse obtenir, repoussant tout ce qui est impur et grossier. Il sait que les particules admises en son corps pendant le temps qu'il a négligemment vécu, s'élimineront d'elles-mêmes, graduellement et naturellement, dans un délai d'environ sept ans (cette élimination est même susceptible d'être fortement activée) ; et il prend la résolution de n'y plus introduire rien de malpropre. Au fur et à mesure qu'il accroit en lui les éléments purs, il forme en son corps une armée de défenseurs qui détruisent toute particule impure capable de le surprendre du dehors, ou d'y entrer sans son consentement. L'Homme peut même protéger encore plus sa demeure corporelle par une volonté active de la maintenir pure. Cette volonté agit magnétiquement et chasse continuellement du voisinage du corps tous les êtres impurs qui voudraient l'envahir. [29] Le corps humain se trouve ainsi protégé contre les incursions auxquelles il est exposé, alors qu'il vit dans une atmosphère imprégnée de malpropretés de toute sorte.
En adoptant cette résolution de purifier son corps et d'en faire un instrument convenable au service du Soi, l'Homme prend la première détermination préparatoire à la pratique du Yoga. Cette détermination doit être prise quelque jour, dans cette vie ou dans une autre, avant que l'on ait le droit de poser sérieusement cette question : "Quel est le moyen d'apprendre à vérifier par soi-même les enseignements de la théosophie ?" Toute vérification personnelle des faits hyperphysiques dépend du complet assujettissement du corps physique à l'Homme, son maitre. Cette vérification, il doit la faire, et il en est incapable tant qu'il est enchainé dans la prison de son corps ou tant que ce corps est impur. En admettant même qu'il ait apporté, de quelque autre existence mieux disciplinée, des pouvoirs psychiques partiellement développés et que ces pouvoirs réussissent à se manifester en dépit des circonstances défavorables auxquelles l'Homme est actuellement soumis, il n'en reste pas moins certain qu'il sera gêné dans leur usage tant qu'il sera dans son corps physique, si ce corps est impur. Le corps obscurcira ou déformera les impressions perçues à travers lui, et tous les renseignements obtenus seront sujets à caution. [30]
Supposons maintenant que l'Homme se décide, après mure délibération, à se bâtir un corps pur. Ou bien il profitera de ce que son corps se renouvèle complètement dans un délai d'environ sept ans, ou bien il préfèrera la voie plus courte, mais plus difficile, du changement rapide. Dans l'un et l'autre cas il commencera immédiatement à choisir les matériaux qui devront lui constituer un nouveau corps pur, et la question du régime se présentera à lui. Dès le début, il exclura de son alimentation toute nourriture capable d'introduire dans son corps des particules impures et susceptibles de le souiller. Il supprimera l'alcool et toutes les liqueurs qui en contiennent, car ces boissons introduisent dans son corps physique des microbes impurs, produits de la fermentation. Ces microbes ne sont pas seulement répugnants en eux-mêmes, mais ils attirent à eux, par une indéniable affinité, quelques-uns des habitants les plus dangereux du plan immédiatement supérieur. L'Homme subit donc forcément ce contact impur, qui, pour être invisible physiquement, n'en est pas moins réel. Des ivrognes privés, par la mort, de leur corps physique et incapables d'assouvir par eux-mêmes leur exécrable désir des substances enivrantes sont là, dans l'atmosphère astrale, errant autour des lieux où l'on boit et des gens qui boivent. Ils cherchent à s'insinuer dans le corps même des buveurs, pour prendre leur part de la vile jouissance à [31] laquelle ceux-ci s'abandonnent. Des femmes sensibles et délicates se détourneraient avec horreur de leur verre, s'il leur était une fois donné de voir les créatures répugnantes qui cherchent à partager leur plaisir et le lien intime qu'elles établissent avec les êtres les plus dégoutants du monde invisible. Des éléments mauvais s'assemblent également alentour, pensées d'ivrognes revêtues de substance élémentale. En même temps, le corps physique attire à lui, de l'atmosphère ambiante, des particules grossières provenant du corps d'ivrognes et de viveurs ; ces particules entrent dans la composition du corps, qu'elles souillent et avilissent. Si nous considérons les gens qui sont constamment en contact avec l'alcool, ceux qui fabriquent ou débitent les vins, bières, spiritueux, et toutes les liqueurs malpropres, nous verrons, physiquement, combien leur corps est devenu grossier et dégradé. Il suffit, comme exemple, d'un brasseur ou d'un cabaretier (sans parler des gens de toute classe qui boivent avec excès), pour montrer ce que font, partiellement et graduellement, tous ceux qui introduisent en eux de tels éléments. Plus ils en absorbent, plus leur corps devient vulgaire et grossier.
Il en est de même de toutes les autres substances alimentaires impropres à la consommation de l'Homme : la chair des mammifères, des reptiles, des poissons, celle aussi des crustacés [32] et des mollusques qui vivent de cadavres, ainsi que toute nourriture souillée de sang, indigne des lèvres d'un Aryen. Comment un corps formé de tels matériaux peut-il être pur, sensitif, délicatement équilibré et, en même temps, parfaitement sain, ayant la force et la finesse de l'acier trempé ? Comment peut-il être, en un mot, l'instrument indispensable à tout travail supérieur ? Ceux qui construisent leur corps à l'aide de substances si corrompues, attirent, eux aussi, des éléments d'un genre très dangereux. Un sensitif peut les voir, errant autour des boucheries et aspirant les effluves qui montent des carcasses sanglantes et des flaques de sang à moitié dissimulées sous la sciure. Est-il besoin d'y joindre encore la leçon pratique que nous fournit le seul aspect physique de ceux qui vivent dans un tel milieu ? Voyez l'équarrisseur et le boucher, et demandez-vous si leur corps semble être l'instrument le mieux indiqué pour un travail de haute pensée ou la méditation des sublimes vérités spirituelles. Et, cependant, le corps du boucher n'est que le produit achevé des mêmes forces qui opèrent, en proportion, chez les clients qu'il fournit de ses viandes impures. Nous le répétons encore une fois, aucune attention prêtée par l'Homme au corps
physique seul ne pourra lui donner d'elle-même la spiritualité ; mais est-ce une raison pour s'encombrer d'un corps impur ? Est-ce une raison [33] pour permettre que les pouvoirs de l'Homme, grands ou petits, soient limités, entravés, étouffés dans leur manifestation par l'imperfection forcée d'un tel instrument ?
Nous trouvons pourtant sur notre chemin une difficulté qu'il ne faut pas passer sous silence. Nous pouvons prendre grand soin de notre corps et nous abstenir résolument de le rendre impur ; mais nous vivons au milieu de gens insouciants et qui, pour la plupart, sont dans la plus complète ignorance de ces faits de la Nature. Dans une ville comme Londres, voire même dans toute ville occidentale, il est impossible de parcourir les rues sans être offusqué presque à chaque pas. Or, plus nous purifions notre corps, plus s'accroit la délicatesse de nos sens physiques, et plus, par conséquent, nous avons à souffrir au sein d'une civilisation aussi grossière et aussi bestiale que la nôtre. Lorsque nous traversons les rues pauvres et commerçantes, qui ont des cabarets à tous les coins, impossible d'échapper à l'odeur de boisson. L'effluve de chaque guinguette déborde sur celle de la suivante, et, parfois même, des rues soi-disant convenables sont ainsi infectées. En outre, nous sommes contraints de passer devant les abattoirs et les boucheries, et de voyager dans les trains et les omnibus en compagnie de corps puant la viande et l'alcool. L'on sait évidemment que de meilleures dispositions seront prises lorsque la civilisation sera un peu [34] plus avancée, et qu'il y aura quelque chose de gagné lorsque toutes ces malpropretés seront centralisées dans des quartiers spéciaux, où ceux qui y tiennent pourront les aller chercher. Mais, en attendant, les particules impures nous arrivent de tous ces mauvais lieux, et nous les respirons avec l'air de nos villes. Heureusement, comme le corps sain où les microbes ne peuvent germer, le corps pur, lui aussi, offre un terrain impropre au développement de ces particules malsaines. De plus, ainsi que nous l'avons vu, il y a en nous des armées d'êtres vivants qui sont toujours à l'oeuvre, travaillant à maintenir la pureté de notre sang. Ces véritables gardes du corps se jettent sur toute particule empoisonnée pour la mettre en pièces et l'exterminer, dès qu'elle s'introduit dans la cité d'un corps pur. À nous de choisir entre posséder en notre sang ces défenseurs de la vie, ou le peupler de pirates qui ravagent et tuent tout ce qui est bon. Plus fermement nous nous refuserons à admettre dans notre corps tout élément malpropre, mieux nous serons protégés contre les attaques du dehors.
Nous avons déjà fait allusion à l'automatisme du corps et à son assujettissement à la loi de l'habitude. J'ai dit, en outre, que cette caractéristique pouvait être mise à profit. Eh bien, si un théosophe, s'adressant à quelque aspirant désireux de pratiquer le Yoga et de trouver le chemin qui mène aux plans supérieurs de l'existence, [35] lui tenait le langage suivant : "Il faut commencer de suite à purifier votre corps, et cela avant toute pratique du Yoga digne de ce nom. Car, pour un corps impur et indiscipliné, le véritable Yoga est aussi dangereux qu'une allumette enflammée pour un baril de poudre" ; – si, dis-je, notre théosophe tenait à l'aspirant ce langage, ce dernier lui répondrait probablement en exprimant la crainte de voir souffrir sa santé d'une telle détermination. Or il est de fait que le corps, au bout du compte, ne s'inquiète guère des aliments que vous lui donnez, pourvu qu'ils suffisent à le maintenir en bonne santé. Il aura vite fait de s'accommoder de tout régime pur et nourrissant que vous jugerez bon d'adopter. Par le fait que le corps est une créature automatique, il cessera bientôt d'exiger ce qui lui est constamment refusé, et si vous ne tenez aucun compte de ses penchants pour les aliments plus vils et plus grossiers, il concevra spontanément pour eux une aversion habituelle. De même qu'un palais modérément naturel se détourne avec dégout et écoeurement du gibier et de la venaison en état de décomposition, et qu'on a coutume de baptiser du titre de "faisandé", de même un gout pur se révoltera contre tout aliment impur. Supposez qu'un homme ait contracté l'habitude de nourrir son corps de diverses sortes de choses malpropres, son corps les exigera impérieusement, et il sera tenté de céder à ses [36] exigences ; mais, s'il n'y prête aucune attention, s'il agit à sa guise, et non suivant les désirs de son corps, il s'apercevra, à sa grande surprise peut-être, que le corps reconnait bientôt son maitre et se conforme à ses ordres. Au bout d'un certain temps, même, il commence à préférer ce que son maitre lui donne et conçoit un gout prononcé pour les aliments propres et un dégout des aliments malpropres. L'habitude peut donc, selon les cas, être pour nous un secours, ou un empêchement. Votre corps cède dès qu'il sent que vous êtes le maitre et que vous n'avez pas l'intention de vous laisser détourner du but de votre vie par un simple instrument fait pour vous servir.
Remarquons, d'ailleurs, que la responsabilité de tous ces désordres incombe encore plus à Kâma, ou au désir, qu'au corps lui-même. Le corps adulte exige certaines choses parce qu'on lui en a donné l'habitude. Mais observez un enfant ; vous verrez que son corps ne demande pas spontanément les aliments dont le corps adulte se gave avec un si grossier plaisir. Le corps de l'enfant, sauf le cas d'une hérédité physique déplorable, éprouve même une aversion marquée pour la viande et le vin. Mais les parents l'obligent à manger de la viande, le père et la mère lui font avaler un peu de vin, au dessert, et l'engagent à "faire le petit homme", jusqu'à ce qu'enfin l'enfant, tant par sa propre [37] faculté imitative que sous la contrainte de son entourage, finisse par prendre des habitudes vicieuses. Alors, évidemment des gouts impurs sont formés, peut-être aussi de vieux désirs Kâmiques sont-ils réveillés, qui sans cela fussent morts faute d'aliment ; et graduellement le corps prend l'habitude d'exiger les choses dont on l'a nourri. Eh bien, malgré tous ces mauvais antécédents, accomplissez le changement, et, au fur et à mesure que vous éliminerez les particules qui ont faim de ces impuretés, vous verrez votre corps changer ses habitudes et se révolter contre la simple odeur des choses qui faisaient autrefois sa joie. La vraie difficulté, dans la voie de la réforme, git en Kâma, et non dans le corps. En réalité, vous ne voulez pas faire ce changement, car, si vous le vouliez, vous le feriez. Vous vous dites : "Peut-être, après tout, cela n'a-t-il pas tant d'importance. Je n'ai pas de facultés psychiques, je ne suis pas assez avancé pour que le régime y fasse grand-chose". Eh bien, jamais vous ne progresserez si vous ne cherchez pas à atteindre tout ce qu'il y a de plus haut à votre portée, et si vous permettez à votre nature passionnelle de se mettre en travers de votre progrès. Vous dites bien : "Comme j'aimerais à posséder la vision astrale et à voyager en corps astral !" Mais, quand il s'agit de mesures sérieuses, vous préférez un "bon" diner. Ah ! Si, pour renoncer à la nourriture impure, on offrait à [38] tout venant vingt-cinq millions au bout d'un an, les plus sceptiques trouveraient le moyen, en dépit des obstacles, de se maintenir en vie sans viande ni vin. Mais, lorsqu'on n'a en perspective que les inestimables trésors d'une vie plus haute, les difficultés sont insurmontables. Si les hommes voulaient vraiment ce qu'ils prétendent vouloir, nous verrions autour de nous des changements autrement rapides. Mais ils "font semblant", et ce, avec tant d'art, qu'ils s'induisent eux-mêmes à croire qu'ils sont sincères. Et pendant des milliers d'années, ils reviennent sur terre et recommencent une vie après l'autre, toujours sans nul progrès. Puis, un beau matin, dans quelque vie particulière, ils se demandent pourquoi ils ne progressent pas et s'étonnent de voir quelque autre homme avancer à pas de géant dans le court espace de cette seule vie, tandis qu'eux piétinent sur place. L'homme qui veut "pour de bon", avec une persistance soutenue, et non par intermittences, peut faire tel progrès qu'il lui plait, tandis que celui qui "fait semblant" continuera à faire tourner la meule pendant bien des vies à venir.
Quoi qu'il en soit, c'est ici, dans cette purification du corps, que git le secret de la préparation à toute pratique du Yoga. Ou, si ce n'est [39] pas là toute la préparation, du moins en est-ce une partie essentielle. Et maintenant, nous en avons assez dit sur le corps grossier, véhicule le plus rudimentaire de la conscience humaine 2.


B. LE DOUBLE ÉTHÉRIQUE


La science physique moderne enseigne que toutes les variations qui se produisent dans le corps, dans ses muscles, ses cellules ou ses nerfs, sont accompagnées d'une action électrique. Cela est probablement vrai, même pour les réactions chimiques continuelles qui ont leur siège dans les tissus. Des preuves amplement suffisantes de ce fait ont été accumulées, grâce à des observations soigneuses, à l'aide des galvanomètres les plus délicats. Or, chaque fois qu'il se produit une action électrique, la présence de l'éther est certaine. L'existence d'un courant est donc une preuve de la présence de cet éther, qui pénètre et entoure tous les corps. Jamais il n'y a contact [40] entre deux particules de matière physique : chacune d'elles est en suspension dans un champ d'éther. Ainsi le savant occidental admet comme une hypothèse nécessaire ce que le disciple entrainé dans la science orientale constate comme un fait, observé et vérifiable ; car, en réalité, l'éther est aussi visible qu'une chaise ou qu'une table, mais nécessite pour cela une vue autre que la vue ordinaire. Comme nous l'avons déjà dit, il existe sous quatre états, dont le plus subtil est constitué par l'ultime atome physique. Nous ne voulons pas parler de l'atome dit "chimique", qui est en réalité un corps complexe : nous voulons désigner ici l'ultime atome du plan physique, celui dont la décomposition donnera de la substance astrale 3.
Le double éthérique se compose de ces quatre éthers, qui pénètrent tous les facteurs solides, liquides et gazeux du corps grossier, entourant chaque particule d'une enveloppe d'éther et produisant ainsi un double exact de la

forme plus dense. Ce double éthérique est parfaitement visible pour l'oeil entrainé ; sa couleur est d'un gris violet, et sa texture est grossière ou fine, selon la qualité correspondante du corps physique. Les quatre éthers en font partie, comme [41] les solides, les liquides et les gaz entrent dans la composition du corps grossier. En outre, de même que pour les facteurs du corps grossier, les combinaisons de ces éthers peuvent être plus ou moins subtiles ou épaisses. Il est important de remarquer que le corps grossier et son double éthérique varient simultanément en qualité. Ainsi, lorsque l'aspirant purifie délibérément et consciemment son corps grossier, son double éthérique se purifie sans qu'il en ait conscience, et sans aucun effort additionnel de sa part 4.
C'est grâce au double éthérique que la force vitale, Prâna, circule le long des nerfs et leur permet d'agir comme transmetteurs de la force motrice et de la sensibilité aux impressions externes. Les puissances de la pensée, du mouvement, de la sensibilité ne résident pas dans la substance nerveuse, soit physique, soit éthérique. [42] Ce sont des modes d'activité de l'Égo opérant dans ses corps plus internes ; mais leur expression sur le plan physique est rendue possible par le "souffle de vie" qui circule au long des filets nerveux et autour des cellules nerveuses. Car Prâna, le souffle de vie, est l'énergie active du "Soi", comme nous l'enseigne Shrî Sankarâchârya. La fonction du double éthérique est de servir d'intermédiaire physique pour la D'autre part, le corps astral ou Kâmique, ou corps du désir, se compose exclusivement de substance astrale ; lorsqu'il est séparé du corps physique, il parcourt librement le plan astral, et, sur ce plan, il est le véhicule approprié de l'Égo. L'Égo l'apporte avec lui lorsqu'il vient se réincarner.
Puisqu'il en est ainsi, nous croyons préférable d'appeler le premier de ces deux corps : le double éthérique ; et le second : le corps astral. On évitera ainsi toute confusion.
manifestation de cette énergie. Voilà pourquoi notre littérature l'appelle souvent "le véhicule de Prâna".
Il peut être utile de remarquer que le double éthérique est tout particulièrement sensible aux substances volatiles qui entrent dans la composition des alcools. [43]

2 Beaucoup de lecteurs français, ignorant l'existence même du végétarisme, pourront s'étonner de voir recommander l'abstention totale de viande et d'alcool. Dans les pays de langue anglaise où le végétarisme est universellement connu et pratiqué, depuis bien des années, par des milliers d'adhérents, la chose parait beaucoup moins étonnante.
D'autre part quelques personnes désireuses de faire l'essai de ce régime en sont empêchées par le manque d'ouvrages compétents. Nous croyons rendre service à ces personnes en leur signalant l'ouvrage intitulé : La table du Végétarien. (Société Végétarienne de France, 13, rue Froissart, Paris.) (NDT)
3 Voyez un article sur la Chimie occulte dans la Sagesse antique, du même auteur. (NDE)
4 En examinant, à l'aide de la vision astrale, les corps inférieurs de l'homme, on voit que le double éthérique (Linga Sharira) et le corps astral (corps Kâmique) se pénètrent l'un l'autre, comme tous deux, à leur tour, pénètrent le corps grossier. De là est née autrefois quelque confusion, et les noms : Linga Sharira et "corps astral" ont été employés indifféremment comme synonymes, le dernier des deux servant aussi à désigner le corps Kâmique ou "Corps du désir". Cette terminologie peu précise a causé beaucoup d'ennuis, car les fonctions du corps Kâmique, ou corps astral proprement dit, ont souvent été attribuées au double éthérique, auquel on donnait parfois à tort le nom de corps astral. L'étudiant incapable de voir par lui-même s'est inextricablement embrouillé en des contradictions apparentes. Des observations faites avec soin sur la formation de ces deux corps nous permettent d'affirmer nettement que le double éthérique se compose des éthers physiques seulement, et que, s'il est extériorisé, il ne peut ni quitter le plan physique, ni s'éloigner notablement de sa doublure grossière. Nous ajouterons, de plus, qu'il est construit selon le modèle fourni par les Seigneurs du Karma, au lieu d'être apporté par l'Égo. Avec le corps physique moulé sur lui, il attend l'Égo à la naissance.


C. PHÉNOMÈNES RELATIFS AU CORPS PHYSIQUE


Lorsqu'une personne "s'endort", l'Égo se glisse hors du corps physique, le laissant sommeiller et récupérer ses forces pour le travail du lendemain. Le corps grossier et son double éthérique sont donc livrés à leurs propres tendances et au jeu des influences qu'ils attirent autour d'eux par leur constitution et leurs habitudes. Des courants de formes-pensées, circulant dans le monde astral, et analogues, par leur nature, aux formes-pensées, créées ou nourries par l'Égo dans sa vie quotidienne, traversent le cerveau grossier et éthérique, et, se mêlant à la répétition automatique des vibrations engendrées à l'état de veille par l'Égo, produisent les rêves décousus et chaotiques dont la plupart des gens sont coutumiers 5. Les images décousues ainsi produites sont instructives, car elles montrent ce que peut faire le corps physique livré à lui-même. Il ne peut que reproduire des fragments de vibrations passées, sans ordre rationnel et sans cohésion. Il colle ces fragments ensemble comme ils arrivent, quelque grotesques et incompatibles qu'ils puissent être. Le cerveau physique n'a nulle conscience de l'absurde ou de l'irrationnel, et se contente d'une fantasmagorie caléidoscopique de formes et de couleurs, où [44] brille même par son absence la régularité que donnerait un caléidoscope. Considéré sous ce jour, le cerveau physique (grossier et éthérique) sera facilement reconnu comme étant l'instrument de la pensée, et non son créateur ; nous voyons, en effet, combien irrationnelles sont ses productions lorsqu'on l'abandonne à lui-même.
Pendant le sommeil, l'Égo pensant se glisse hors du corps physique, dont il laisse ensemble les deux parties, grossière et éthérique. Á la mort, il en sort aussi, mais définitivement cette fois, car il entraine avec lui le double éthérique, qu'il sépare complètement du corps grossier. Dès lors, le souffle de vie n'a plus de prise sur ce dernier en tant que "tout" organique. L'Égo se débarrasse ensuite rapidement du double éthérique qui, comme nous l'avons vu, ne peut pas passer sur le plan astral et n'a plus dès lors qu'à se décomposer en compagnie de l'associé de sa vie entière. Ce double apparait parfois à des amis, immédiatement après la mort, mais jamais à une grande distance du cadavre. De plus, il se montre naturellement très peu conscient, ne parle pas et ne peut que se "manifester". Il est relativement facile à voir, puisqu'il est physique, et une légère surexcitation du système nerveux rendra la vue assez perçante pour le distinguer. C'est encore le double éthérique qui fait les frais de nombreuses apparitions et fantômes, car il erre autour de la tombe où git sa doublure physique, et est plus facilement visible que le corps [45] astral, pour la raison que nous venons de donner. Ainsi, même dans la mort rien ne les sépare, ces deux portions du corps physique ; rien, qu'un espace insignifiant.

5 Voir l'article intitulé les Rêves, par C. W. Leadbeater dans la revue théosophique, le Lotus bleu (années 1896-97 et 1897-98).

Chez l'homme normal, cette division du corps physique en ses deux facteurs constituants ne se produit qu'à la mort. Mais certains sujets anormaux de la classe des "médiums" peuvent présenter, pendant leur vie même, une division partielle du corps physique. C'est là un phénomène anormal et, par bonheur, relativement rare, donnant lieu à une grande fatigue nerveuse et à de graves perturbations. Lorsque le double éthérique s'extériorise, il doit se déchirer lui-même en deux parties ; sa totale séparation amènerait la mort, puisque, sans lui, le souffle de vie ne pourrait circuler dans le corps. Cette extraction, même partielle, du double réduit le corps grossier à un état léthargique et produit une suspension presque complète des fonctions vitales. Un épuisement extrême succède à la réunion des parties séparées, et, jusqu'au complet rétablissement de l'état normal, le médium court grand risque de mort physique. La plupart des phénomènes qui se produisent en présence des médiums ne sont pas dus à cette extériorisation du double éthérique. L'on trouve cependant quelques individus présentant cette particularité et qui se sont toujours fait remarquer par le caractère tout spécial des matérialisations qu'ils ont [46] produites. Il parait que M. Églinton présentait à un rare degré ce curieux phénomène de dissociation physique, et que l'on pouvait voir s'écouler, hors de son flanc gauche, son double éthérique, tandis que son corps physique se contractait visiblement. Le même phénomène a été observé chez M. Husk, dont le corps grossier se retirait jusqu'à laisser flotter ses vêtements sur lui. Dans une de ses expériences, le corps de M. Églinton se trouva tellement réduit, qu'une forme matérialisée le porta dans la chambre et le présenta à l'inspection des personnes présentes. C'est l'un des rares cas où le médium et la forme matérialisée aient été tous deux visibles sous un éclairage suffisant pour permettre l'examen. La réduction subie par le médium semblerait indiquer le déplacement d'une partie de la substance grossière "pondérable" du corps (probablement une portion des éléments liquides). Mais, à ma connaissance, aucune expérience n'a été faite sur ce point ; il est donc impossible d'en parler avec certitude. Ce qu'il y a de certain, c'est que cette extériorisation partielle du double éthérique a pour conséquences de graves perturbations nerveuses. Aucune personne sensée ne doit donc s'adonner à ces phénomènes, si tant est qu'elle ait l'infortune d'y être sujette.
Nous avons maintenant à étudier successivement les deux parties, grossière et éthérique, de [47] ce corps physique, vêtement indispensable à l'Égo pour oeuvrer sur le plan inférieur de la Nature ; demeure dont il peut faire, au choix, ou son atelier de travail physique, ou son cachot, cachot dont la mort seule possède la clef. Nous sommes à même de comprendre ce que nous devrions posséder, et ce que nous pouvons nous procurer graduellement, à savoir : un corps parfaitement sain et vigoureux, et en même temps délicatement organisé, pur et sensitif. Sain, il doit l'être ; et, dans l'Orient, la santé est exigée pour l'admission à la condition de disciple. Car tout ce qui, dans le corps, est malsain, le rend impropre à servir d'instrument à l'Égo et risque de déformer aussi bien les impressions perçues du dehors que les impulsions reçues du dedans. Les activités, les réalisations de l'Égo sont entravées lorsque son instrument est fatigué, ou faussé par la maladie. Il faut donc un organisme sain, délicatement agencé, purifié, sensitif, repoussant automatiquement les influences mauvaises, accueillant spontanément les bonnes. Tel est le corps qu'il faut nous bâtir délibérément, choisissant, parmi tous les objets qui nous entourent, ceux qui peuvent nous conduire à cette fin. Sachons bien que la tâche ne peut s'accomplir que par degrés, et travaillons avec patience et constance, sans jamais perdre de vue le but de nos efforts. Dès que nous commencerons à réussir un tant soit peu, nous en [48] serons avertis, car nous verrons naitre en nous bien des pouvoirs de perception que nous ne possédions pas auparavant. Nous nous sentirons devenir plus sensibles aux sons et aux couleurs, sensibles à des harmonies plus belles, plus douces, plus profondes, à des nuances plus tendres, plus claires, plus délicatement charmantes.
Comme les sens, tels que la vue et l'ouïe, le corps lui-même, dans son ensemble, se perfectionne par l'entrainement. Le peintre perçoit des finesses de ton, le musicien, des harmoniques, là où l'oeil ordinaire est aveugle, et sourde l'oreille non entrainée. De même, notre corps peut devenir sensible aux plus subtiles vibrations de la vie, qui échappent totalement au commun des hommes. Il est vrai que bien des impressions pénibles nous viendront aussi, car nous vivons dans un monde avili, dégradé par l'humanité qui l'habite. Mais, d'autre part, des beautés se révèleront à nous, qui nous revaudront au centuple le labeur des obstacles affrontés et franchis. Et, ce labeur, non pas pour posséder de tels corps dans un but égoïste d'orgueil ou de plaisir, mais afin que nous, leurs possesseurs, puissions les employer à des services plus étendus, à de puissants dévouements. Nous aurons des instruments plus effectifs pour hâter le progrès de l'humanité, nous serons plus aptes à venir en aide à la tâche d'activer l'évolution humaine, tâche échue à nos grands Maitres, et à laquelle nous pouvons avoir l'insigne privilège de coopérer. [49]
Jusqu'à présent, dans cette première partie, nous nous sommes bornés à l'étude du seul plan physique. Nous voyons néanmoins que cette étude n'est pas sans importance ; le plus humble véhicule de notre conscience réclame notre attention et saura compenser nos peines. Ces villes où nous vivons, ces contrées que nous habitons seront plus propres, plus belles, meilleures, lorsque cette science sera devenue l'apanage commun, et lorsqu'elle sera non seulement admise comme intellectuellement probable, mais appliquée comme loi de la vie journalière.