UNION

LES ENSEIGNEMENTS DES MAITRES DE LA HIERARCHIE

L'HOMME ET SES CORPS Par Annie BESANT - 1896

LE CORPS ASTRAL

LE CORPS ASTRAL


Nous avons passé en revue les éléments visibles et invisibles du corps physique de l'homme ; et nous comprenons maintenant que l'Homme, l'être vivant, conscient, "à l'état de veille" dans le monde physique, ne manifeste jamais, de son savoir comme de son pouvoir, que ce qui peut s'exprimer à travers son corps physique. Selon le plus ou moins parfait développement de ce corps, plus ou moins parfaite aussi sera l'expression physique de l'Homme. Tant qu'il fonctionne dans le monde inférieur, son corps est sa limite et forme autour de lui un véritable cercle de défense 6. Ce qui ne franchit pas ce cercle ne peut se manifester sur terre. D'où l'importance du corps physique pour l'Homme en voie de perfectionnement.
De même, lorsque l'Homme fonctionne, indépendamment de son corps physique, dans cette autre région de l'Univers constituée par le plan [52] ou monde astral, il peut, sur ce plan, exprimer de son savoir et de son pouvoir, de lui-même, en un mot, – ce que son corps astral lui permet de manifester, et rien de plus. Chacun des corps de l'homme est pour lui en même temps un véhicule et une limite. L'Homme est plus que ses corps : il y a, en lui, bien des choses qu'il ne peut manifester ni sur le plan physique, ni sur le plan astral ; mais d'une façon générale, on peut considérer comme l'Homme lui-même, dans telle ou telle région déterminée de l'Univers, ce qu'il peut exprimer de son Être dans cette région. La manifestation de son Être ici-bas est limitée par son corps physique ; sa manifestation dans le monde astral est limitée par son corps astral. De même, lorsque nous passerons à l'étude de plans plus élevés encore, nous verrons qu'une portion toujours croissante de l'Être humain trouve son moyen d'expression à mesure que l'Homme lui-même accomplit son évolution, et qu'il amène successivement à maturité des véhicules de plus en plus parfaits de sa conscience.

6 Le cercle On ne passe pas ! (Pass not) exprimant le double objet du "corps" dans un milieu quelconque : manifester l'être en le limitant et le protégeant à la fois. (NDT)


En abordant ces régions comparativement inexplorées et inconnues de la plupart des hommes, il nous parait utile de rappeler au lecteur que nous n'avons nullement la prétention de nous poser ici en savant infaillible ou en observateur parfait. Les erreurs d'observation et d'interprétation sont tout aussi faciles à commettre sur les plans hyperphysiques que sur le plan physique ; [53] il ne faut jamais perdre de vue cette possibilité. Il est vrai que l'accroissement de la connaissance et l'entrainement prolongé permettront d'atteindre ultérieurement une précision de plus en plus grande et d'éliminer peu à peu de telles erreurs. Mais, en attendant, l'auteur n'est qu'un simple étudiant ; des méprises sont donc possibles, et des corrections peuvent devenir nécessaires dans l'avenir. En tous cas, ces erreurs ne peuvent guère s'insinuer que dans les détails, et n'affecteront ni les principes généraux, ni les conclusions essentielles.
En premier lieu, il nous faut saisir clairement la signification du terme : plan astral, ou monde astral. Le monde astral est une région déterminée de l'Univers, entourant et pénétrant le monde physique, mais échappant à nos moyens ordinaires d'observation, parce qu'elle consiste en substances d'un ordre différent. Prenons l'ultime atome du plan physique, et dissocions-le : il disparait en ce qui concerne le monde physique ; mais nous trouvons qu'il est composé de nombreuses particules de la substance astrale la plus grossière (la matière "solide" du monde astral) 7. Or, nous avons reconnu, dans la matière [54] physique, les états solide, liquide, gazeux et quatre modes d'éther, soit en tout sept états, où viennent se classer les innombrables combinaisons qui forment le monde physique. De même, nous trouvons sept états de la matière astrale, correspondant aux sept états de la matière physique et embrassant les innombrables combinaisons qui constituent le monde astral. Tous les atomes physiques ont leur enveloppe astrale, la matière astrale formant ainsi ce que nous pourrons appeler la "matrice" de la matière physique, qui s'y trouve sertie.
La substance astrale sert de véhicule à Jîva, la Vie Une qui anime toutes choses ; c'est grâce à elle que les courants de Jîva entourent, entretiennent, nourrissent chaque particule de matière physique et donnent naissance, non seulement à ce qu'on appelle couramment la "force vitale", mais encore à toutes les énergies électriques, magnétiques, chimiques et autres, à l'attraction, à la cohésion, à la répulsion et toutes forces analogues, différenciations multiples de la Vie Une, au sein de laquelle, comme les poissons dans l'Océan, flottent les Univers. Pénétrant intimement par-là au sein du monde physique, Jîva [55] passe à l'éther de ce dernier monde ; cet éther devient à son tour, comme nous l'avons déjà dit 8, le véhicule qui transfère toutes ces énergies aux degrés inférieurs du plan physique, où nous voyons enfin leur action manifestée.

7 Le terme : "Astral", étoilé, n'est pas fort heureux ; mais il est employé depuis tant de siècles pour désigner l'état de la matière immédiatement supérieur au plan physique, qu'il serait difficile de le remplacer avantageusement. Il est probable que ce terme fut d'abord choisi, par des observateurs, en raison de l'aspect lumineux de l'Astral comparativement à la matière physique. Pour l'étude de toute cette question, nous renvoyons l'étudiant au "Manuel" n°5 : "Le Plan Astral", par C. W. Leadbeater.

Supprimons par la pensée le monde physique sans autre modification ; il en subsistera un duplicata exact en substance astrale. Supposons maintenant l'humanité entière nouée de facultés astrales actives : le résultat sera que, pour commencer, hommes et femmes ne se douteront pas du changement survenu dans leur entourage. Les "morts", en s'éveillant dans les régions inférieures du monde astral, se trouvent souvent dans un état semblable et croient vivre encore au sein du monde physique. Il est nécessaire d'insister sur cette réalité relative du monde astral comme partie de l'Univers phénoménal et de voir ce monde avec "l'oeil de l'intelligence", à défaut de la vision astrale que la plupart d'entre nous n'ont point encore acquise. Ce monde astral est tout aussi réel que le monde physique ; – plus réel, même, puisque moins éloigné, d'un degré, de la Réalité Une, ses phénomènes sont accessibles à l'observateur compétent, au même titre que ceux du plan physique. De même qu'ici-bas [56] l'aveugle est incapable de voir les objets physiques, et que bien des choses ne sont observables qu'à l'aide d'appareils (microscope, spectroscope, etc.) ; de même, dans le plan astral, l'individu astralement aveugle ne voit absolument rien, et bien des choses échappent à la vision astrale ordinaire, ou clairvoyante. Mais, au point où en est actuellement l'évolution, un grand nombre de personnes peuvent développer leurs sens astraux et les développent effectivement dans une certaine mesure, devenant par-là capables de percevoir les vibrations plus subtiles du plan astral. De telles personnes sont évidemment exposées à faire de nombreuses erreurs, comme l'enfant qui commence à se servir de ses sens physiques ; mais un surcroit d'expérience vient corriger ces erreurs, et, après quelque temps, elles peuvent voir et entendre dans l'astral avec autant de netteté que sur le plan physique. Il n'est pas bon de forcer ce développement par des moyens artificiels, car, tant qu'un certain degré d'énergie spirituelle n'a pas été développé en l'Homme, il a déjà assez de mal à se tirer d'affaire sur le seul plan physique, et l'entrée en scène des visions, des sons et des phénomènes généraux du plan astral, serait apte à le troubler, à l'alarmer même. Mais un temps vient enfin où ce degré est atteint et où la conscience graduellement éveillée de l'Homme voit se manifester, dans toute sa réalité relative, la partie astrale du monde invisible. [57]

8 La force vitale universelle (Jîva), ainsi différenciée, est généralement désignée sous le nom de Prâna. (NDT)

Il est nécessaire pour cela, non pas seulement d'avoir un corps astral, condition que nous remplissons tous, mais de l'avoir pleinement organisé et en état de fonctionner librement ; il faut que notre conscience soit habituée à agir dans ce corps astral, et non plus seulement par lui sur le corps physique. Sans le corps astral comme intermédiaire général de l'activité, il n'y aurait aucun lien entre le monde extérieur et l'intelligence de l'homme, aucun lien entre les impressions reçues par les sens physiques et leur perception par l'intellect. C'est dans le corps astral que l'impression se transforme en sensation, pour être ensuite perçue par le mental. De même que le corps physique, qui peut être appelé l'Homme physique, le corps astral, où sont les centres de sensation, est souvent désigné sous le nom d'Homme astral ; mais il n'est évidemment qu'un véhicule – un étui, comme disent les Védantins – dans lequel l'Homme fonctionne, et grâce auquel il transmet son action au véhicule plus grossier, ou corps physique, et en perçoit les impressions.
Quant à sa constitution, le corps astral se compose des sept états de la matière astrale ; il peut donc englober des matériaux plus ou moins subtils, empruntés à chacune de ces subdivisions, ou à chacun de ces états. Il est facile de se faire une idée de l'Homme dans un corps astral bien développé ; on peut se le représenter dépouillant [58] son corps physique et se dressant en une image plus subtile, plus lumineuse de ce corps, visible et reconnaissable à la vision clairvoyante, bien qu'invisible à l'oeil ordinaire. J'ai dit : "un corps astral bien développé", car l'individu peu évolué présente en son corps astral un aspect fort incohérent. Les contours en sont vagues, les matériaux inertes et mal agencés, et une fois séparé du corps physique, il ne forme qu'un nuage changeant et amorphe, évidemment impropre à servir de véhicule indépendant. C'est là, en vérité, un simple fragment de substance astrale, plutôt qu'un corps organisé ; c'est une masse protoplasmique astrale, d'aspect amiboïde. Un corps astral bien formé implique chez l'Homme un niveau passablement élevé de culture intellectuelle, ou de croissance spirituelle. Ainsi, l'aspect du corps astral indique le progrès réalisé par l'individu : d'après la netteté de son contour, la luminosité de sa substance et la perfection de son organisation, on peut estimer le degré d'évolution de l'Égo qui s'en sert.
Passons à la question du perfectionnement, question qui nous intéresse tous. Rappelons-nous que le perfectionnement du corps astral se base, d'une part, sur la purification du corps physique et, de l'autre, sur la purification et le développement du mental. Le corps astral est particulièrement sensible aux impressions mentales, car la substance astrale répond beaucoup plus rapidement [59] que la matière physique à toute impulsion venue du monde de la pensée. Ainsi, lorsque nous considérons le monde astral, nous le trouvons plein de formes continuellement changeantes ; nous y voyons les "formes-pensées", – formes composées d'essence élémentale et animées par une pensée ; – nous y remarquons aussi d'immenses amas de cette essence élémentale, d'où surgissent à tout instant des formes qui disparaissent aussitôt, refondues dans la masse. En l'observant avec soin, nous verrons cette matière astrale continuellement brassée par les courants d'énergie mentale ; les pensées fortes s'en forment une enveloppe et persistent longtemps ; entités véritables, tandis que les pensées faibles revêtent à peine une forme diffuse, pour s'évanouir l'instant d'après. Ce ne sont donc, à travers tout le monde astral, que changements incessants sous l'impulsion des pensées ; et le corps astral de l'Homme, composé de substance astrale, participe à cette sensibilité et vibre en réponse à toute idée qui le frappe, qu'elle soit reçue de l'extérieur, des autres hommes, ou venue de l'intérieur par le mental individuel.
Voyons comment se comporte le corps astral sous l'action de ce double courant d'impulsions intérieures et extérieures. Nous le voyons, pénétrant le corps physique et s'étendant en tous sens autour de lui, comme un nuage coloré. Ses couleurs varient selon la nature de l'Homme, selon [60] sa nature inférieure, animale, passionnelle ; et la portion extérieure au corps physique prend le nom d'aura Kâmique, comme appartenant à Kâma, le corps du désir, communément appelé le corps astral de l'Homme 9. Car le corps astral est le véhicule de la conscience Kâmique de l'Homme, le siège de toutes ses passions animales, de tous ses désirs : c'est le centre des sens, comme nous l'avons déjà dit, où toute sensation prend naissance. Vibrant au contact des pensées, ses couleurs varient sans cesse ; si l'Homme s'irrite, des éclairs écarlates le sillonnent ; s'il aime, des frissons roses l'irradient.
Quand les pensées de l'Homme sont élevées et nobles, il faut, pour y répondre, une substance astrale plus subtile ; l'action de telles pensées sur le corps astral se manifeste donc par l'élimination des particules grossières et denses de chacun [61] des sous-plans 10 et l'attirance des éléments plus délicats. Chez l'homme aux pensées vulgaires et bestiales, le corps astral est grossier, épais, dense et de couleur sombre ; si dense, parfois, que le contour du corps physique s'y distingue à peine. Mais, chez l'homme avancé, il est subtil, clair, lumineux ; halo aux tons brillants, il forme un objet vraiment admirable à contempler. Dans ce cas, les passions inférieures ont été dominées et l'action sélective du mental a affiné la substance astrale. En pensant noblement, nous purifions donc notre corps astral, sans qu'il nous soit nécessaire d'y travailler consciemment. Et rappelons-nous que cette opération interne exerce une influence puissante sur les formes-pensées extérieures qu'attire à lui le corps astral. Habitué à répondre aux pensées mauvaises, il agit comme un aimant sur les pensées mauvaises qui se trouvent dans l'ambiance, tandis qu'un corps astral pur agit sur ces mêmes pensées en mode de répulsion et attire par contre à lui les formes-pensées de nature analogue à la sienne.

9 En séparant ainsi "l'aura" de l'Homme proprement dit comme une chose distincte de lui, on risque d'induire en erreur, bien que le procédé soit tout naturel au point de vue de l'observation. "L'aura", c'est, en langage ordinaire, le nuage qui entoure le corps. Mais en réalité, l'Homme vit sur les divers plans successifs de l'Univers, vêtu selon chacun d'eux, et tous ces vêtements, ces corps, se pénètrent mutuellement. Le dernier, et le moindre de tous, reçoit le nom de "corps", et la substance mélangée des autres est nommée "aura" lorsqu'elle s'étend au-delà du corps. L'aura Kâmique est donc cette portion du corps Kâmique qui déborde sur le corps physique.

D'autre part, comme nous l'avons dit plus haut, le corps astral s'appuie en bas sur le corps physique et est affecté par la pureté ou l'impureté de ce dernier. Nous avons vu que les [62] solides, les liquides, les gaz et les éthers, dont se compose le corps physique, peuvent être bruts ou raffinés, grossiers ou subtils. Leur nature affectera à son tour la nature des enveloppes astrales correspondantes. Si par notre ignorance, insouciants du physique, nous édifions en notre corps grossier des particules solides impures, nous attirons à nous l'élément impur correspondant de ce que nous appellerons l'astral "solide". En nous alimentant, par contre, de particules solides plus pures, plus pur aussi est l'élément "solide" astral correspondant que nous attirons.
Si donc nous procédons à la purification de notre corps physique par un régime pur, excluant les aliments et les boissons capables de le souiller, – sang animal, alcool et autres substances viles et dégradantes, – non seulement nous perfectionnons le véhicule physique de notre conscience, mais nous commençons aussi à purifier notre véhicule astral ; car nous empruntons pour sa construction au monde astral des matériaux plus subtils et plus délicats. Et les effets de cette opération, loin d'être limités à notre vie terrestre actuelle, influent nettement aussi, comme nous le verrons plus tard, sur notre état prochain au lendemain de la mort, sur notre séjour dans le monde astral et, enfin, sur le genre de corps que nous possèderons dans notre prochaine existence terrestre. [63]

10 Traduction littérale de "sub-plans". Le terme est commode pour désigner les sept subdivisions du plan astral, ou les sept états de la matière astrale. (NDT)

Et ce n'est pas tout : les aliments les plus impurs attirent au corps astral des entités malfaisantes appartenant au monde astral, car nous n'avons pas seulement affaire à la substance astrale, mais aussi à ce qu'on appelle les élémentals de cette région. Ce sont des entités de natures très diverses, existant sur ce plan et généralement engendrées par les pensées des hommes. On trouve en outre, dans le monde astral, des individus dépravés, emprisonnés dans leur corps astral, et connus sous le nom d'élémentaires. Les élémentals sont attirés, par affinité naturelle, auprès des gens dont le corps astral contient des matériaux de même nature, tandis que les élémentaires s'attachent à ceux qui s'adonnent aux vices qu'eux-mêmes ont cultivés pendant leur vie terrestre. Toute personne douée de vue astrale, passant dans les rues de Londres, peut voir des hordes d'élémentals répugnants se presser autour des boucheries ; tandis que dans les brasseries et les bars s'assemblent surtout les élémentaires, qui font leur régal des malsaines émanations des liqueurs et s'insinuent, quand cela leur est possible, dans le corps même des buveurs. Tels sont les êtres qu'attirent ceux qui édifient leur corps avec de tels matériaux, et l'ambiance de ces malheureux, ainsi constituée, fait partie intégrante de leur vie astrale. La même opération s'accomplit sur tous les niveaux du plan astral ; à mesure que nous purifions [64] notre corps physique, nous attirons à nous la substance astrale plus pure qui lui correspond.
Or il est évident que les possibilités du corps astral dépendent largement de la nature des matériaux que nous employons à le construire. À mesure que, par le procédé de purification, nous rendons ce corps plus subtil, il cesse de vibrer en réponse aux impulsions inférieures et commence à répondre aux influences plus élevées du monde astral. Nous nous fabriquons ainsi un instrument qui, tout en restant sensible, de par sa nature même, aux influences qui lui viennent du dehors, perd graduellement l'habitude de répondre aux vibrations inférieures et acquiert le pouvoir de répondre aux vibrations supérieures ; un instrument accordé pour ne vibrer qu'en réponse aux plus hautes notes. De même que, pour choisir un fil de fer destiné à vibrer en sympathie avec une note donnée, nous déterminons à cet effet son diamètre, sa longueur et sa tension, de même, nous pouvons accorder notre corps astral de telle sorte ; qu'il vibre sympathiquement lorsque de nobles harmonies résonnent dans le monde qui nous entoure. Et ce n'est pas là un sujet de spéculation ou de simple théorie : c'est une question de fait scientifique. Tout comme le fil de fer, le corps astral peut être accordé, et la loi de cause et d'effet est applicable dans l'un et l'autre cas ; nous faisons appel à la loi, c'est en elle que nous nous réfugions, [65] c'est sur elle que nous nous basons. Tout ce qui nous manque, c'est la connaissance et la volonté nécessaire pour la mettre en pratique. Cette connaissance, vous pouvez, si vous le voulez, l'accepter comme simple hypothèse concordante avec les faits à vous connus, du monde inférieur, pour l'expérimenter ensuite comme telle. Plus tard, à mesure que vous purifierez votre corps astral, l'hypothèse se transformera pour vous en fait de connaissance. Vous y trouverez un sujet d'observation directe, vous permettant de vérifier toutes les théories d'abord acceptées comme simples hypothèses provisoires.
La possibilité pour nous de connaitre à fond le monde astral et d'y rendre de réels services dépend donc, en premier lieu, de ce processus de purification. Il y a, en outre, des méthodes particulières de Yoga, méthodes grâce auxquelles le développement des sens astraux peut être activé d'une façon rationnelle et saine ; mais il est absolument inutile de chercher à les enseigner à quiconque n'a pas déjà fait emploi des moyens de purification, préparatoires et simples, dont il est ici parlé. On trouve à tout moment des gens avides d'essayer quelque système de progrès, nouveau ou inusité. Mais il est oiseux de leur enseigner le Yoga, alors qu'ils ne veulent pas même introduire dans la routine de leur vie les phases préliminaires de l'entrainement. Supposez qu'on se mette à enseigner quelque forme simple [66] de Yoga à un homme ordinaire, non préparé : il s'y lancera avidement et avec enthousiasme, parce que cela est nouveau, étrange, et qu'il en attend de prompts résultats. Mais, avant d'y avoir travaillé même une année, il se fatiguera de cette tension régulière, introduite dans sa vie quotidienne, et sera découragé par l'absence d'effet immédiat. N'ayant pas l'habitude d'un effort persistant longuement soutenu, chaque jour répété, il succombera et renoncera à toute pratique. L'attrait de la nouveauté usé, la fatigue s'affirme vite. Si donc l'homme ne peut pas ou ne veut pas s'acquitter du devoir simple, et comparativement facile, de purifier son corps physique et son corps astral ; si le sacrifice momentané, nécessaire pour briser le lien des mauvaises habitudes du manger et du boire, est pour lui chose impossible, à quoi bon chercher des procédés plus difficiles, qui attirent en raison de leur nouveauté, mais ne tarderont pas à être abandonnés comme un insupportable fardeau. Les méthodes spéciales, il est oiseux même d'en parler, tant que les humbles moyens, dont il est fait mention ici, n'ont pas été mis en pratique pendant un certain temps.
Mais, avec la purification, de nouvelles possibilités commenceront à se révéler d'elles-mêmes. L'élève sentira pénétrer graduellement en lui la connaissance ; sa vue s'éveillera, plus pénétrante ; de toutes parts des vibrations lui parviendront, [67] provoquant chez lui, en réponse, des sentiments totalement inconnus aux jours d'aveuglement et d'obscurité. Tôt ou tard selon le Karma de son passé, cette expérience se réalisera pour lui ; et comme l'enfant, après avoir vaincu les difficultés de l'alphabet, prend plaisir à la lecture du livre qu'il sait lire désormais, de même l'étudiant verra s'offrir à sa connaissance et à son contrôle des possibilités totalement insoupçonnées aux jours de sa vie insouciante. Devant lui s'ouvriront de nouvelles perspectives de choses à connaitre ; un Univers plus vaste se dévoilera de toutes parts.
Consacrons maintenant quelques moments au fonctionnement du corps astral à l'état de veille et pendant le sommeil. Ceci nous permettra de concevoir facilement quelles sont ses fonctions lorsqu'il passe au rôle de véhicule de la conscience indépendant du corps physique.
Si nous observons une personne, d'abord éveillée, puis endormie, nous serons témoins d'un changement notable dans le rôle du corps astral. L'individu éveillé, l'activité astrale (couleurs changeantes, etc.), se manifeste tout entière dans le corps physique et dans son voisinage immédiat. Mais, lorsque l'homme s'endort, une séparation se produit, et nous voyons le corps physique [68] – corps grossier et double éthérique – gisant seul sur le lit, tandis qu'au-dessus le corps astral flotte dans l'atmosphère 11.
Si l'individu que nous étudions est médiocrement développé, le corps astral, une fois isolé, forme la masse plus ou moins amorphe décrite précédemment. Il ne peut guère s'éloigner du corps physique, il ne peut pas servir comme véhicule de la conscience, et l'individu qui y est renfermé se trouve dans un état de vague rêverie, inaccoutumé qu'il est d'agir indépendamment de son véhicule physique. En fait, nous pouvons dire que l'homme dort presque, dès qu'il est privé de l'intermédiaire accoutumé de son travail. Il est également incapable de recevoir des impressions nettes du monde astral et de s'exprimer clairement à travers son corps astral mal organisé. Les formes-pensées qui passent peuvent bien affecter les centres de sensations contenus dans ce corps astral, et l'homme peut être influencé par les excitations qui font appel à sa nature inférieure. Mais, en somme, l'effet produit sur l'observateur est tout entier de sommeil et de vague, le corps astral n'ayant aucune activité précise et flottant paresseusement, sans consistance, au-dessus de la forme physique endormie. Dès qu'une circonstance [69] quelconque tend à l'éloigner de son compagnon physique, ce dernier se réveille, et l'astral y rentre aussitôt.

11 Pour plus de détails, se reporter aux articles sur "Les rêves", déjà mentionnés dans une note précédente.

Au contraire, si l'individu que nous observons est beaucoup plus développé, s'il est capable de fonctionner activement dans le monde astral, utilisant pour cela son corps astral, alors le spectacle change. Lorsque l'astral se dégage du corps physique endormi, c'est l'Homme lui-même que nous avons devant nous, pleinement conscient. Sa forme nettement délimitée, parfaitement organisée, est l'image exacte de l'individu, qui trouve en elle un véhicule bien autrement pratique que son corps physique. L'Homme s'y sent pleinement éveillé, et il travaille avec bien plus d'activité, de précision, avec une plus grande puissance de compréhension que dans la prison plus lourde du corps physique. Il peut se mouvoir librement et se porter avec une incroyable rapidité à n'importe quelle distance, sans le moindre inconvénient pour son corps paisiblement endormi sur le lit.
Si un tel individu n'a pas encore appris à former le lien entre son véhicule physique et son véhicule astral, s'il se produit une discontinuité dans la série de ses états conscients lorsque, au moment du sommeil, son corps astral s'échappe, alors l'Homme, bien que pleinement éveillé et conscient sur le plan astral, sera incapable, au retour, de transmettre à son cerveau physique la [70] connaissance de ce qu'il a fait depuis son départ. Dans ces conditions, la conscience "à l'état de veille" (nom qui désigne habituellement notre mode de conscience le plus limité) ne participera point aux expériences acquises par l'Homme dans le monde astral, et cela, non parce que lui ne les connait pas, mais parce que son organisme physique est trop épais pour recevoir de lui ces impressions. Parfois, lorsque le corps physique s'éveille, il subsiste un vague sentiment de quelque chose de vécu, dont nul souvenir précis ne reste, et cependant, ce seul sentiment indique suffisamment qu'il y a quelque activité de la conscience dans le monde astral, en dehors du corps physique, bien que le cerveau ne soit pas suffisamment réceptif pour conserver même un souvenir "évanouissant" de ce qui s'est passé.
D'autres fois, lorsque l'astral revient au corps physique, l'Homme réussit à produire une impression momentanée sur le double éthérique et sur le corps grossier, et, lorsque ceux-ci s'éveillent, il y a un souvenir net d'une expérience acquise dans le monde astral. Mais ce souvenir s'efface immédiatement et ne veut absolument plus se laisser rappeler ; chaque tentative ne sert qu'à éloigner le succès, car l'effort produit des vibrations intenses dans le cerveau physique et masque de plus en plus les subtiles vibrations de l'astral.
Ou bien encore, l'Homme peut réussir à transmettre [71] à son cerveau physique de nouvelles connaissances, sans pouvoir lui indiquer où ni comment elles ont été acquises. Dans ce cas, des idées sembleront éclore, spontanément engendrées, dans la conscience à l'état de veille ; la solution de problèmes, incompris jusqu'alors, se présentera, et l'on verra s'éclairer soudain des questions primitivement obscures. Ce fait, lorsqu'il se produit, est un symptôme de progrès des plus encourageants, car il montre que le corps astral est bien organisé et fonctionne activement dans le monde astral, bien que le corps n'ait encore qu'une réceptivité toute partielle.
Quelquefois, enfin, l'Homme réussit à faire vibrer son cerveau physique à l'unisson, et nous avons alors ce que nous considérons comme un rêve très lucide, raisonnable et cohérent, le genre de rêve dont jouissent occasionnellement la plupart des gens qui pensent, rêve où ils se sentent plus vivants, et non pas moins, qu'à l'état de veille, et où il leur est même parfois donné d'acquérir des connaissances qui leur viennent en aide dans leur vie physique. Ce sont là des degrés du progrès humain, indiquant l'évolution et l'organisation de plus en plus parfaite du corps astral.
Mais d'un autre côté, il est nécessaire de comprendre que des individus qui accomplissent, en spiritualité, de grands et rapides progrès, peuvent fonctionner très activement, et utilement, [72] dans le monde astral, sans transmettre au cerveau, à leur retour, le moindre souvenir du travail auquel ils se sont livrés. En attendant, leur conscience inférieure s'ouvre à une illumination toujours croissante et à une plus large compréhension de la vérité spirituelle.
Quoi qu'il en soit, un fait subsiste, fait qui peut servir d'encouragement à tous les étudiants, et sur lequel ils peuvent établir leur entière confiance, – quand bien même leur mémoire physique serait absolument vierge de toute expérience hyperphysique. – C'est qu'à mesure que nous apprenons à travailler de plus en plus pour autrui ; à mesure que nous cherchons à nous rendre de plus en plus utiles au monde ; à mesure que croît et s'affermit notre dévotion envers les Frères Ainés de l'humanité, et que nous cherchons, avec une sincérité toujours croissante, à accomplir notre petite part de Leur grande tâche, nous développons inévitablement notre corps astral et ce pouvoir d'y fonctionner, qui fait de nous des serviteurs plus utiles. Que nous en conservions, ou non, le souvenir physique, nous quittons, dans le sommeil profond, notre prison matérielle, pour nous consacrer, dans le monde astral, à quelque application utile de notre activité, secourant des frères que sans cela nous ne pourrions atteindre, leur portant aide et encouragement en quelque manière impossible à réaliser autrement. [73]
Cette évolution se continue sans interruption chez les hommes au coeur pur, à la pensée élevée, à la volonté affermie dans le désir du Service. Ils peuvent travailler pendant bien des années dans le monde astral, sans en ramener le souvenir dans leur conscience inférieure, mettant en oeuvre, pour le bien de l'Univers, des puissances largement supérieures à tout ce dont eux-mêmes peuvent se supposer capables. Ceux-là, au jour où Karma le permettra, verront se dévoiler en eux cette conscience pleine et ininterrompue qui franchit librement le passage du monde physique au monde astral ; alors sera construit le pont qui permet à la mémoire de passer sans effort de l'une à l'autre rive, en sorte que l'Homme, revenant de son travail dans le monde astral, puisse se revêtir à nouveau de son vêtement physique sans perdre conscience un seul instant.
Telle est la certitude promise à quiconque choisit le Sentier du Service. Un jour viendra où cette conscience ininterrompue lui sera donnée en partage ; et alors, sa vie ne se composera plus de journées de travail dont il se souvient, séparées par des nuits d'oubli : elle formera un tout continu, où le corps physique est mis de côté, périodiquement, pour prendre le repos dont il a besoin, tandis que l'Homme lui-même emploie son corps astral pour oeuvrer dans le monde astral. Alors sera conservée, sans rupture, la chaine de [74] sa pensée ; connaissant le moment où il quitte son corps physique, conscient dans l'acte d'en sortir, conscient de sa vie séparée dans l'astral comme de l'instant où il revient pour revêtir à nouveau son corps physique, à travers les semaines et les ans, l'Homme se maintiendra en cette conscience ininterrompue infatigable, qui lui donne l'absolue certitude de l'existence du Soi individuel, l'absolue certitude du fait, que son corps n'est qu'un vêtement qu'il porte, qu'il revêt et dépouille à volonté, et non pas un instrument nécessaire à sa pensée et à sa vie. Il saura que, loin d'être nécessaire à l'une ou à l'autre, le corps physique dépouillé laisse la vie bien plus active, la pensée infiniment plus libre.
Arrivé là, l'Homme commence à comprendre l'Univers, et sa propre vie dans l'Univers, bien mieux qu'auparavant ; il commence à se rendre compte, plus pleinement, de l'avenir qui lui est réservé et des potentialités de
l'Humanité supérieure. Graduellement il conçoit qu'après avoir acquis d'abord la conscience physique, puis la conscience astrale, il verra s'ouvrir devant lui d'autres états de conscience plus élevés encore, états qu'il pourra conquérir successivement, comme les précédents, s'éveillant à l'activité sur des plans de plus en plus sublimes, parcourant de plus vastes mondes, exerçant des pouvoirs [75] plus étendus ; et cela, toujours comme un serviteur des Êtres Saints 12, pour l'assistance et le bien de l'Humanité. Dès lors, l'Homme commence à estimer à sa valeur réelle la vie physique, et rien de ce qui arrive dans le monde physique ne peut l'affecter comme au temps où cette vie, nouvelle, plus pleine, plus riche, lui était inconnue ; rien de ce que la mort peut accomplir en lui-même ou en ceux qu'il veut assister, n'est désormais capable de le troubler. La vie terrestre reprend pour lui sa place véritable, comme n'étant que la moindre portion de l'activité humaine, et jamais plus elle ne peut lui sembler aussi sombre qu'autrefois, car la lumière des régions supérieures vient l'éclairer en ses plus obscurs replis.
Quittons maintenant l'étude des fonctions et des possibilités du corps astral, pour nous occuper de certains phénomènes qui s'y rattachent. Le corps astral, séparé du corps physique, peut se montrer à d'autres personnes pendant ou après la vie terrestre. L'individu qui a atteint la complète maitrise du corps astral peut évidemment quitter son enveloppe physique quand il lui plaît et se rendre auprès d'un ami éloigné. Si ce dernier est clairvoyant, c'est-à-dire a développé la vision astrale, il verra le corps astral de son [76] ami ; sans quoi, le visiteur peut rendre son véhicule un peu plus dense, en y attirant, de l'atmosphère ambiante, des particules de matière physique ; il se "matérialise" suffisamment, par-là, pour être perceptible à la vue physique. Telle est l'explication d'un grand nombre d'apparitions d'amis éloignés, phénomènes beaucoup plus communs qu'on ne le croit généralement ; leur rareté apparente est due à la timidité des gens qui craignent d'être ridiculisés à cause de leur "superstition". Cette crainte diminue, heureusement, et, si les gens voulaient avoir assez de courage et de sens commun pour dire ce qu'ils savent être vrai, nous aurions rapidement une masse imposante de témoignages relatifs à l'apparition de personnes dont le corps physique est bien loin du lieu où leur corps astral se montre.

12 "The Holy Ones", les Maitres qui président à l'évolution humaine. (NDT)

En certaines circonstances, et sans que la matérialisation soit nécessaire, ce corps astral peut être vu par des individus qui, à l'état normal, ne possèdent pas le don de vision astrale. Si le système nerveux d'une personne est en hypertension, et qu'en même temps sa santé physique soit affaiblie, l'influx vital se trouvant diminué, l'activité nerveuse, qui dépend si largement du double éthérique, pourra être indument stimulée, provoquant une clairvoyance momentanée. Une mère, par exemple, sachant son fils dangereusement malade en un pays étranger, le coeur [77] rongé d'inquiétude à son sujet, peut ainsi devenir sensible aux vibrations astrales, surtout aux heures nocturnes où la vitalité atteint son niveau le plus bas. Dans ces conditions, si son fils pense à elle, et qu'il soit endormi, c'est-à-dire que son corps physique inconscient lui permette de visiter astralement sa mère, elle le verra probablement. Mais le plus souvent, ces visites astrales se produisent à la mort, lorsque l'Homme vient de rejeter son vêtement physique. Ces apparitions sont loin d'être une rareté, surtout lorsque le mourant a un violent désir d'atteindre une personne à laquelle une étroite affection le lie, ou lorsqu'il tient à communiquer quelque information spéciale, et qu'il meurt sans avoir pu réaliser son désir.
Si nous suivons le corps astral après la mort, – alors que l'Homme s'est dépouillé également du corps physique et du double éthérique, – nous verrons un changement se produire dans son aspect. Tant que dure son union avec le corps physique, les différents états de la substance astrale forment en lui un mélange intime, où s'entremêlent et se pénètrent les variétés plus denses et celles plus subtiles. Mais après la mort, une nouvelle disposition se manifeste ; les particules appartenant aux différents états se séparent et se classent, en quelque sorte, par ordre de densité. Le corps astral prend ainsi l'aspect d'une stratification, ou plutôt d'une série [78] d'écorces concentriques, dont la plus dense est à l'extérieur. Ceci fait ressortir une fois de plus l'importance de la purification du corps astral pendant notre vie terrestre. Nous voyons en effet qu'après la mort, il ne peut plus parcourir à volonté le monde astral : ce monde comporte sept sous-plans, et l'Homme reste emprisonné dans celui auquel appartient la matière de son écorce extérieure. Lorsque cette enveloppe externe se désagrège, il monte dans le sous-plan suivant et ainsi de suite. Un homme aux tendances viles et animales aura dans son corps astral une forte proportion de la variété de substance astrale la plus grossière et la plus dense. Ceci servira à la maintenir dans la plus basse région du Kâmaloka ; jusqu'à ce que cette écorce soit désagrégée en grande partie, l'homme doit rester captif dans cette section du monde astral et subir les désagréments de ce lugubre séjour. Lorsque cette enveloppe externe est suffisamment désagrégée pour permettre l'évasion, l'homme passe à l'étage suivant du monde astral, ou peut-être serait-il plus exact de dire qu'il devient susceptible d'entrer en contact avec les vibrations de la subdivision suivante de l'astral, ce qui lui donne l'impression du passage à une région différente. Il y reste jusqu'à ce que l'écorce appartenant au sixième sous-plan soit à son tour usée et lui permette de passer au cinquième. [79]
La durée de son séjour dans chaque sous-plan dépend de la force des éléments correspondants de sa nature, force représentée, dans le corps astral, par la quantité de matière appartenant à ce sous-plan. Plus la proportion des éléments grossiers est considérable, plus long est le séjour sur les niveaux inférieurs du Kâmaloka. Par suite, mieux nous réussirons à nous défaire de ces éléments ici-bas, plus bref sera pour nous le délai au-delà de la mort. Lors même que les matériaux plus grossiers ne sont pas complètement éliminés (car leur entière éradication est chose longue et difficile), notre conscience peut, pendant la vie terrestre, se détourner des passions inférieures avec une telle persistance que la matière capable de servir à l'expression de ces passions ne puisse plus fonctionner activement après la mort, comme véhicule de la conscience ; cet élément du corps astral est atrophié, dirons-nous, en termes d'analogie physique. En ce cas, l'Homme, bien que retenu pendant une brève période sur les niveaux inférieurs, y dormira paisible, nullement conscient de leurs désagréments. Sa conscience, qui ne cherche plus son expression à travers cet ordre de matière, ne s'y extériorisera pas pour entrer en contact avec les objets du monde astral qui en sont composés.
Le passage au travers du Kâmaloka est rapide, en vérité, pour celui qui a purifié son corps astral au point de ne retenir en lui que les éléments les [80] plus purs et les plus subtils de chaque sous-plan (éléments tels, qu'ils passeraient au sous-plan immédiatement supérieur s'ils progressaient d'un degré). Entre deux états consécutifs de la matière, il y a ce qu'on appelle un point critique. La glace peut être amenée à un point où le moindre accroissement de température la transforme en liquide ; l'eau peut être amenée à un point où une nouvelle augmentation de chaleur la transforme en vapeur. De même la matière astrale, en chacun de ses états, peut être amenée à un degré de subtilité tel, que toute purification additionnelle la fasse passer à l'état suivant. Si cela a été réalisé pour la matière de tous les sous-plans entrant dans la composition du corps astral ; si elle a été purifiée jusqu'à atteindre le plus haut degré de subtilité possible, alors le passage en Kâmaloka sera d'une inconcevable rapidité, et l'Homme, rompant ses liens, passera rapide comme l'éclair dans son essor vers les régions plus hautes.
À propos de la purification du corps astral, tant par les moyens physiques que par les procédés mentaux, il nous reste encore une question à traiter, à savoir : de l'influence de cette purification sur le nouveau corps astral qui sera formé, à son heure, pour être l'instrument de l'Homme dans sa prochaine incarnation. Lorsque l'Homme quitte le Kâmaloka pour entrer en Dévachan, il ne peut y transporter avec lui des formes-pensées [81] mauvaises. La matière astrale ne peut pas exister sur le plan dévachanique (ou mental), et la substance dévachanique est incapable de répondre aux vibrations grossières des passions et des désirs mauvais. En conséquence, lorsque l'Homme se débarrasse définitivement des restes de son corps astral, il ne peut emporter avec lui que des germes latents, ou tendances, susceptibles, lorsqu'elles seront nourries, c'est-à-dire lorsqu'elles trouveront un terrain favorable à leur développement, de se manifester, dans le monde astral, comme passions ou désirs mauvais. Mais, ces germes, l'Homme les emporte réellement avec lui, et ils subsistent à l'état latent à travers toute sa vie dévachanique. Lorsqu'il revient enfin, prêt à renaitre, il les rapporte, intacts, et les projette extérieurement. Ils attirent à eux, du monde astral, par une sorte d'affinité magnétique, les matériaux propres à leur manifestation ; ils se revêtent de matière astrale homologue à leur propre nature et forment partie intégrante du corps astral de l'Homme pour l'incarnation qui se prépare. Ainsi, non seulement nous vivons actuellement dans un corps astral, mais nous façonnons le type du corps astral qui sera nôtre dans une vie future. Raison de plus pour purifier autant que possible notre corps astral actuel et pour utiliser notre connaissance présente afin de préparer notre progrès futur. [82]
Car toutes nos vies sont liées ensemble, et aucune d'entre elles ne peut être isolée de celles qui précèdent et de celles qui vont suivre. En vérité, nous ne vivons qu'une seule existence, où ce que nous appelons une vie n'est réellement qu'un jour. Jamais une vie nouvelle à son début n'est semblable à une feuille blanche, prête à l'inscription d'une histoire entièrement neuve ; nous ne pouvons que commencer chaque fois un nouveau chapitre qui doit, bon gré mal gré, faire suite à l'intrigue en cours. Nous défaire, en passant par la mort, des responsabilités Karmiques d'une vie antérieure, cela est aussi impossible que de régler nos dettes par une nuit de sommeil. Si nous contractons une dette aujourd'hui, nous n'en sommes pas quittes demain : la créance nous reviendra jusqu'à ce qu'elle soit acquittée. L'existence de l'homme est chose continue, ininterrompue ; ses vies terrestres sont liées entre elles, et non isolées. Les processus de purification et de développement sont continus, eux aussi, et doivent s'étendre à travers bien des vies successives. Tôt ou tard, chacun deviendra las des sensations de la nature inférieure, las d'être soumis à l'animal, las de la tyrannie des sens. Alors, l'Homme ne consentira plus à l'assujettissement ; il se décidera à rompre les liens de sa captivité. Pourquoi donc prolonger notre servitude, alors que nous sommes libres, à tout moment, de la rejeter ? Aucune main, sauf la nôtre, [83] ne peut nous lier ; aucune main, sauf la nôtre, ne peut nous délivrer. Nous avons notre libre arbitre, et du moment que nous devons tous, un jour, être réunis dans un monde plus élevé, pourquoi ne pas commencer de suite à rompre nos liens, pourquoi tarder à réclamer notre divin droit d'ainesse ? L'Homme commence à briser ses entraves, à gagner sa liberté, lorsqu'il se détermine à mettre sa nature inférieure au service de sa nature supérieure ; lorsqu'il se décide à entreprendre ici-bas, sur le plan de la conscience physique, l'édification de ses corps plus subtils ; lorsqu'il cherche, en un mot, à réaliser les sublimes possibilités qui lui appartiennent de droit divin et ne sont qu'obscurcies par l'animal en lequel il vit.