UNION

LES ENSEIGNEMENTS DES MAITRES DE LA HIERARCHIE

LA GÉNÉALOGIE DE L'HOMME Par Annie BESANT - 1903

CHAPITRE IV — LA GÉNÉALOGIE INTELLECTUELLE

CHAPITRE IV

LA GÉNÉALOGIE INTELLECTUELLE

 

Première classe, les Asuras

Deuxième classe, les Agnishvattas

Troisième classe, les Seigneurs de Vénus

Quatrième classe, les Pitris Solaires


Nous avons étudié, dans les chapitres précédents, deux lignes de l'ascendance de l'homme. Dans le premier, nous avons recherché sa généalogie spirituelle, en nous efforçant d'apercevoir quelque chose des puissantes Hiérarchies d'Intelligences spirituelles qui ont coopéré à l'émission de l'Esprit, à celle de la monade venant accomplir son long pèlerinage à travers les mondes. Puis, dans le second, nous avons suivi la remontée de la matière organisée en formes de plus en plus supérieures, et nous avons vu que cette organisation de la matière était dirigée par d'autres Intelligences spirituelles, qui, ayant conquis la matière dans une précédente évolution, avaient qualité pour la maitriser, la façonner [111] à l'usage des monades survenantes, incapables de le faire elles-mêmes. Or ces deux lignes d'évolution, tout en s'approchant l'une de l'autre, sont séparées par un abime. L'une descend des sphères célestes, l'autre s'élève des boues et du limon de la terre. Mais entre elles s'étend un gouffre et aucun pont ne le franchit, qui leur permettrait de se mettre en contact l'une avec l'autre. Telle est la position où nous nous trouvons en ce moment, et la voici décrite dans un ancien Commentaire occulte :
"Ceux qui construisent l'homme physique à chaque manvantara descendent de mondes matériels. Ce sont des Esprits inférieurs doués d'un double corps. Ce sont les modeleurs et les créateurs de notre corps d'illusion… Les deux Lettres (appellation occulte de la monade dite aussi le Double Dragon) descendent des sphères de l'attente dans les formes projetées par les Pitris. Mais elles sont comme un toit sans murs ni piliers pour lui servir d'appui… Il faut quatre flammes et trois feux à l'homme pour devenir un, sur la terre, et il a besoin de l'essence des quarante-neuf feux pour devenir parfait. Ce sont ceux qui ont, déserté les Sphères supérieures, les Dieux de Volonté, qui complètent le Manou de l'illusion. [112] Car le double Dragon n'a pas d'empire sur la forme pure. Il est comme la brise quand il n'y a ni arbre, ni branche pour la recevoir et la ressentir. Il ne peut pas agir sur la forme quand il n'y a pas d'agent de transmission, et la forme ne le connait pas… Ils sont comme les deux côtés d'un triangle qui a perdu sa base 24…"
Telle est la description que le Commentaire occulte fait de la position à laquelle l'évolution humaine est alors parvenue : au-dessus, la Monade ou double Dragon ; au-dessous, la forme physique qui ignore l'Esprit planant sur elle. Ni l'une ni l'autre ne peut faire davantage : la Monade ne peut pas descendre plus bas, le double Dragon ne peut pas respirer l'atmosphère grossière de la terre. La forme impuissante dépourvue de sens ne peut pas monter plus haut ; l'ombre, la Bhûta, ne peut pas s'élever plus haut sur l'échelle de l'évolution : c'est une faible, une impuissante dépourvue de sens qui a besoin d'une aide extérieure.
Mais, ni ici, ni ailleurs, le plan divin de l'évolution humaine ne peut être annulé. Et ceux qui sont capables de jeter un pont sur [113] l'abime entre l'esprit et la matière, descendent des sphères célestes. Le pont qu'ils vont construire, c'est le pont de l'intelligence, le pont du mental. Mais l'intelligence ne peut pas être donnée par les Seigneurs du Crépuscule quoiqu'ils la possèdent eux-mêmes, parce qu'ils ne l'ont pas assez dépassée pour pouvoir la projeter hors d'eux-mêmes pour le service d'autrui. Pour pouvoir donner de son propre mental, il faut l'avoir dépassé, car on ne peut vraiment abandonner que de son superflu. Tant que nous nous identifions avec quelque chose, cela reste notre possession et nous ne pouvons pas nous en séparer pour autrui.
Ainsi donc le mental ne peut pas être donné par les Seigneurs du Crépuscule ; ils ont bien acquis l'intelligence pour eux-mêmes, mais pas au degré transcendant où ils pourraient en faire part à d'autres. La belle poésie du livre de Dzyan montre la perplexité de ceux qui avaient tout fait pour former l'homme, mais qui étaient arrivés à la limite de leurs pouvoirs. Écoutez :
"Il fallait une forme au souffle : les Pères la lui donnèrent. Il fallait un corps grossier au souffle : la terre le modela. Il fallait l'Esprit de vie au souffle : les Lhas solaires l'insufflèrent dans sa forme. Il [114] fallait au souffle un miroir de son corps : "Nous lui avons donné le nôtre", dirent les Dhyanis. Il fallait au souffle un véhicule des désirs : "Il le possède", dit le Draineur des eaux. Ils avaient pu aller jusque-là. Mais il fallait au souffle une intelligence pour embrasser l'univers : "Nous ne pouvons pas lui "donner cela", dirent les Pères. "Je ne l'ai jamais eue", dit l'Esprit de la terre. "La forme" serait consumée si je lui donnais la mienne", dit le grand Feu… Et l'homme resta une Bhûta vide et dépourvue de sens 25."

24 Doctrine Secrète, vol. III, p. 71.

25 Doctrine Secrète, vol. III, p. 22.

Il fallait donc que ceux qui avaient dépassé l'intelligence, les Seigneurs du mental, descendissent pour aider à éveiller les pouvoirs de Manas, latents dans les formes. Beaucoup d'entre eux durent s'incarner dans ces formes pour devenir les Rois, les Instructeurs et les Guides de l'évolution humaine. Ce sont là les ancêtres intellectuels de l'homme comme les Pitris lunaires sont ses ancêtres physiques.

Il y a dix-huit millions d'années que ces choses se sont passées, dix-huit millions d'années que les Seigneurs de la flamme sont descendus sur notre terre. À ce moment [115] nous voyons arriver sur la terre trois classes différentes de grands Êtres. Il faut s'étendre un peu sur ce point, car le secret de l'évolution intellectuelle de l'homme réside dans la nature variée de ces Êtres, et quand on aura compris leur influence sur les formes, et les divers stades auxquels ces formes sont arrivées, on pourra résoudre le problème de l'inégalité de développement intellectuel des races humaines. Rappelons-nous d'une part que l'on trouve, parmi ce qu'on appelle des "hommes", des êtres en train de disparaitre, comme les Veddas de Ceylan : des êtres qui grimpent aux arbres, qui ont à peine de langage, et n'émettent que des cris inarticulés comme les animaux ; d'autres êtres comme les sauvages de Bornéo, qu'on distingue à peine des grands singes ; d'autres êtres encore comme les aborigènes d'Australie, dont l'intelligence est si infime qu'ils ne se rappellent pas d'un jour à l'autre et ne comptent pas au-delà de deux, disant un, deux et plus pour signifier tout ce qui dépasse deux. Comparons maintenant avec ces êtres, que l'on compte et justement parmi les hommes, des êtres comme Newton, comme Descartes, des hommes comme les grands Maitres de l'Inde ou comme le grand [116] Rishi Vyâsa qui avait encore la forme humaine. Ou bien prenons les grands philosophes, les grands mystiques et mettons-les en face de ces races arriérées en train de disparaitre. Il semble bien que le mot humain ne puisse couvrir deux extrêmes si distants, et que la différence d'intelligence soit trop grande pour s'expliquer par le seul jeu de l'évolution. C'est que le problème ne sera résolu que par l'explication du mystère de l'intelligence, du mystère des Fils du mental.
Les Mânasaputras, leurs divisions en différentes classes
Ceux qui vont descendre sur la terre sont compris sous le nom de Mânasaputras, littéralement Fils du mental. Mais le nom en lui-même ne dit pas grand-chose, sinon qu'ils sont doués de mental, et une nouvelle difficulté provient de ce fait qu'à quelques-uns de ces Mânasaputras on applique des épithètes suggestives impliquant la plus haute intelligence spirituelle, tandis que le même nom se donne à des êtres notoirement inférieurs, et d'une intelligence notoirement limitée. Il faut se rappeler que le nom de Mânasaputra [117] ne veut rien dire de plus que ce qu'il exprime littéralement, fils du Mental, c'est-à-dire un être doué de mental, d'intelligence. Et de même que le mot "homme" est un terme élastique qui couvre de nombreux degrés d'humanité et n'indique rien quant au stage d'évolution de celui qui le porte, ainsi le terme Mânasaputra employé par H. P. Blavatsky d'après les Shâstras indous est un terme général couvrant des degrés infinis sur l'échelle de l'intelligence.


Première classe, les Asuras


Prenons donc d'abord les trois premières grandes classes qui dépassent toutes de bien loin notre humanité quand elles descendent sur notre globe ; la quatrième classe est composée des Pitris solaires venus de la Lune. On appelle la première classe les Fils de la Nuit, les fils de la Sagesse obscure, les Seigneurs de la Sagesse obscure, et ces mots d'obscurité et de nuit reviennent sans cesse à propos d'eux. Pour être tout à fait justes, ces épithètes devraient servir à les distinguer des Agnishvattas Pitris qui forment la seconde classe de Mânasaputras et qu'on [118] appelle Seigneurs de la Flamme ou Fils de la Sagesse. Je me servirai donc de ces termes pour la première classe afin d'éviter toute erreur. Ce sont les Asuras, nés du Corps de Brahma qui, rejeté, devint le Corps de la Nuit.
Dans les Écritures des indous, on trouve des êtres nommés Asuras qui jouent un rôle très actif dans les légendes primitives, et ce nom couvre une bien plus grande classe d'êtres que celles qui nous occupent en ce moment. Cela vaut la peine de nous arrêter un instant, car l'influence de la pensée religieuse moderne a jeté un reflet sombre sur ce nom et en a fait presque l'équivalent du "Diable" chrétien, lequel n'a point son pareil dans l'indouisme. Le mot Asura est dérivé d'Asa, souffle ou vie, asumat signifiant seulement un être vivant. Dans le Rig-Véda, Varuna, Indra et Agni sont appelés Asuras, les vivants, et ce terme désigne des êtres spirituels et non des méchants. Il est vrai que plus tard, Suras et Asuras sont mis en opposition, parce que leurs fonctions dans l'évolution étaient toutes différentes ; en outre, les Suras étaient plus passifs que les Asuras, plus pénétrés du sentiment de l'unité et d'un but commun, par conséquent plus prêts à [119] obéir aux lois du système, à les exécuter ponctuellement et à respecter le statu quo. Tandis que les Asuras étaient turbulents et agressifs, indépendants, séparatifs, portés au mécontentement et avides de changements. Les Suras représentent l'ordre et les Asuras le progrès ; c'est pourquoi ils sont toujours en opposition, quoique, en réalité, également nécessaires. Nous pouvons nous rappeler que, lors du "barattage de l'océan de lait", les Asuras étaient à un bout du Shesha et les Suras à l'autre, les uns et les autres également employés au brassage, et qu'il y eut une lutte pour la possession de l'Amrita, le nectar d'immortalité, qui fut refusé aux Asuras, quel que fût leur désir de le boire. Voyons la raison de ce refus. Le principe des Asuras, leur essence même, leur caractère principal, c'est l'Ahamkâra, le principe du Moi, la volonté d'être séparés. C'est leur force dominante, signe caractéristique auquel on peut les reconnaitre. Ce sont toujours des rebelles, et, là où ils sont, est la guerre. Ahamkâra se développe par la lutte, par l'isolement, par la rébellion ; il met en jeu toutes les forces tumultueuses et c'est ainsi qu'il établit le Moi. Vient un temps où ce Moi apprend à trouver sa plus haute expression [120] dans la Volonté divine, dans le Moi suprême de l'univers, et, alors, l'Asura, brisant les liens de la matière, se reconnait un avec le Suprême contre lequel il luttait ; et il peut boire le nectar d'immortalité qui n'est jamais versé que dans la seule coupe de l'unité et ne peut être bu que par ceux en qui l'idée de séparation n'est pas encore née ou par ceux qui l'ont dépassée, mais non par ceux en qui triomphe la séparation et qui en personnifient l'essence même.
De tels êtres formaient donc la première classe des Mânasaputras qui descendirent sur notre terre ; ils avaient développé une intelligence extraordinaire. Ayant atteint l'humanité dans la première Chaine planétaire, ils s'étaient développés pendant des æons incalculables d'années dans les sphères plus subtiles, jouant le rôle de Pitris Barhishads dans la seconde Chaine, et d'Agnishvatta Pitris dans la troisième. Dans la nôtre, la quatrième, ils survinrent, comme Fils de la Sagesse obscure, pour la grande bataille du quatrième Globe de la quatrième Ronde de la quatrième Chaine, le nec plus ultra de la séparation de la matière et le triomphe d'Ahamkara. Lorsque les "Fils" reçoivent du Logos Planétaire l'ordre de "créer [121] leurs images", ils commencent leur dernière lutte pour l'indépendance séparée, la lutte dont la fin leur enseignera la nature du Moi. Ils ne veulent pas créer.
"Un tiers refuse, deux tiers obéissent. La malédiction est prononcée : ils renaitront dans la quatrième, ils souffriront et feront souffrir 26."
Ce seront les "Seigneurs à la Face sombre", sur l'Atlantide, en lutte avec les "Seigneurs à la Face éblouissante 27", qui apprennent de leur terrible défaite la leçon finale, et chercheront l'unité dans les races les plus avancées de l'humanité. Ces Asuras forment le cinquième grand Ordre Créateur, celui de Makara, justement appelé le plus mystérieux de tous.


Deuxième classe, les Agnishvattas


La seconde classe de Mânasaputras est familière aux théosophes sous le nom d'Agnishvattas Pitris ; ils sont la moisson de la seconde Chaine planétaire, nés du Corps de Lumière ou du Jour de Brahma, êtres radieux, splendides, Pitris des Devas, des Suras, des sphères plus subtiles, d'une nature semblable aux Devas, [122] avec le sentiment de l'unité plus fort que celui de la séparativité. Ils occupent plusieurs degrés dans l'évolution, les uns plus avancés que les autres, et forment une partie du sixième Ordre Créateur. Ils portent de multiples noms dans les anciens livres ; l'occultiste les appelle : Fils de la Sagesse (non de la Sagesse obscure, remarquons-le), Seigneurs de la Flamme, Fils du Feu, Dhyanis du feu, "Coeurs du corps", ou encore les Triangles – parce que le triple aspect, Atmâ, Buddhi, Manas, est actif en eux – qui sur la terre deviennent les Pentagones, car Manas se dédoublant et Buddhi se réfléchissant en Kâma, ils deviennent quintuples. Ils ne peuvent pas donner l'Atman à l'homme, la tâche est trop haute pour eux, mais ils envoient sa force dans la matière éthérique et créent ainsi le Prâna vraiment humain ; ils donnent donc le "plasma spirituel", l'aspect vie des atomes permanents, qui émane de "l'homme céleste sextuple 28". On les appelle aussi les Pranidhânanâth, Seigneurs de la méditation profonde, Seigneurs du Yoga. Ce sont les Vierges, les Kumâras, qui ne peuvent pas [123] créer l'homme charnel quand Brahma veut peupler la terre, parce qu'ils sont trop purs et trop subtils pour cela. Dans la troisième Chaine, ils avaient créé les hommes de cette Chaine, mais la matière est maintenant trop dense et eux devenus plus subtils. Après l'accomplissement de leur tâche sur la terre – tâche que nous avons à étudier maintenant – ils naquirent de nouveau comme fils de Marîchi, d'autres disent de Pulastya, et devinrent les Pitris des Devas. Leur demeure céleste est le Vairâja Loka, ainsi nommé parce qu'un de leurs nombreux surnoms était Vairâjas. Multiples sont les formes qu'ils ont prises, ainsi que leurs noms dans les Purânas : Ajitas, Satyas, Haris, Vaikunthas, Sadhyas, Adityas, Râjasas, etc. 29.

26 Doctrine Secrète, vol. V, p. 10 (Stances de Dzyan).
27 Ibid., vol. III, p. 528.
28 Doctrine Secrète, vol. I, p. 205.

29 Doctrine Secrète, vol. I, p. 205.


Troisième classe, les Seigneurs de Vénus


La troisième classe des Mânasaputras consiste en Êtres qui arrivent sur notre terre d'une autre Chaine planétaire. Ils ne sont pas comme les membres des deux autres classes les résultats des premières de nos propres Chaines, [124] mais ils viennent de l'extérieur, d'une Chaine où la planète Vénus, Shûkra, est le globe D. Il existe dans les vieux textes des histoires qui parlent d'une parenté entre notre terre et Shûkra, Vénus. Il y est dit que la terre est fille adoptive de Shûkra, et aussi que Shûkra fut le précepteur des Asuras, des Dânavas et des Daityas, ou encore que Shûkra fut incarné comme Ushanas sur la terre. Que veulent dire ces phrases énigmatiques ? Elles se rapportent à cette troisième classe de Mânasaputras.
Vénus est d'une évolution antérieure à celle de notre globe ; elle est plus âgée, elle est déjà à sa septième Ronde pendant que nous ne sommes encore qu'à la quatrième, de sorte qu'elle est capable de servir de mère à la terre en vertu du développement bien plus avancé de son humanité. C'est pourquoi il est dit qu'elle adopta la terre, sa soeur cadette, pour son enfant. Traduit en langage ordinaire, cela veut dire qu'elle envoya sur la terre quelques-uns de ses fils, des Hommes d'une science et d'un pouvoir merveilleux, des Hommes de sa septième Ronde. Elle les envoya pour qu'ils servissent d'instructeurs de l'humanité. Leur tâche n'était pas de projeter des étincelles du mental, mais de s'incarner sur la terre pour [125] devenir les Instructeurs et les Guides de notre jeune humanité. Ils arrivèrent sur la terre pendant que la troisième Race était sous l'influence de Shûkra, leur planète, d'où ils descendirent, radieuse et splendide troupe ; ils s'enveloppèrent de matière translucide comme d'un manteau au travers duquel brillait leur subtil corps stellaire.
Le Premier d'entre eux, leur Chef, est connu, dans les écrits archaïques, sous de multiples noms mystiques. H. P. Blavatsky parle de lui comme de la Rase Racine de la Hiérarchie occulte ; pour elle, c'est encore le Banyan aux branches étendues, parce que c'est lui qui, en créant les Fils de la Volonté et du yoga, a formé la Hiérarchie occulte qui ombrage la terre, l'Arbre de Vie sous lequel nous sommes abrités. Elle l'appelle aussi le Grand Initiateur parce que de ce dernier seul provient le pouvoir de la véritable initiation. Cet Être mystérieux est donc désigné par ces noms symboliques et par d'autres encore, tels que la Vierge, le Kumâra, celui qui est au-dessus de tous les autres. Autour de lui se range un groupe, un très petit groupe d'Êtres de sa propre sphère, de sa propre planète qui viennent avec lui sur la terre travailler à l'évolution humaine. [126]
Cette humanité de la quatrième Ronde, la nôtre, n'était pas encore assez développée, pour fournir des fils en état de concourir efficacement à un travail aussi difficile, tous avaient besoin d'être instruits, aucun ne pouvait encore enseigner aux autres. D'où le besoin d'aide extérieure. Ce petit groupe forma ce qu'on appelle la pépinière des Adeptes ; c'est le noyau de la première grande Loge Blanche sur la terre, laquelle n'a jamais cessé de fonctionner et n'a jamais changé de caractère depuis ce jour : il y a de cela plus de dix-huit millions d'années ! C'est la Loge Suprême de tous les Guides et de tous les Instructeurs de l'humanité, sans laquelle l'évolution spirituelle serait pratiquement impossible, et sans laquelle la terre errerait dans les ténèbres et ne pourrait pas, avant des âges innombrables, retrouver son chemin vers le Suprême. Ces fils de Vénus, troisième classe des Mânasaputras, sont donc l'origine de la grande Loge Blanche.


Quatrième classe, les Pitris Solaires


Il reste encore une classe de Mânasaputras, ce sont les Pitris Solaires de la lune, partagés en [127] deux grandes divisions d'après leur degré d'évolution. Ils sont restés dans le Nirvâna lunaire, pendant l'intervalle entre la Chaine lunaire et la Chaine terrestre, et pendant la vaste période occupée par les trois premières Rondes et demie de la Chaine terrestre. À leur propos un instructeur remarque :
"Ces insuccès" étaient trop avancés déjà et spiritualisés pour être rejetés de leur rang de Dhyân Chohans dans le tourbillon d'une évolution primitive à travers les règnes inférieurs 30."
Ceux "qui réussirent" sur la Lune furent les Pitris lunaires, les Seigneurs du Crépuscule, les autres étaient comparativement des "insuccès". De ceux-là, la seconde division entra dans l'humanité terrestre après la séparation des sexes dans la troisième Race ; la première division attendit la quatrième Race, celle de l'Atlantide. Dès les commencements de l'activité terrestre de la quatrième Ronde, ces Pitris erraient autour de la terre, attendant le moment où leurs tabernacles seraient prêts à être habités par eux.
Rôle joué par les Mânasaputras
Il nous faut maintenant reprendre l'arrivée [128] des Mânasaputras dans un ordre défini, voir dans quelles conditions se trouvait la troisième Race à leur venue, et raconter les différents événements qui accompagnèrent et suivirent cette arrivée.
Une espèce de secousse préparatoire avait été donnée à la seconde grande Race pour accélérer son évolution et elle avait été douée "de la première faible étincelle" d'intelligence ; mais nous n'avons pas à y insister, et nous pouvons passer de suite à l'arrivée des Mânasaputras.
Revenons un instant à la stance déjà citée :
"À la quatrième, les Fils reçoivent l'ordre de créer leurs images. Un tiers refuse. Deux tiers obéissent. La malédiction est prononcée. Ils renaitront dans la quatrième, souffriront et feront souffrir."
Voilà un exemple typique de la difficulté que l'on rencontre à déchiffrer les anciens textes. Le mot "quatrième" se présente deux fois et il est employé en deux sens absolument différents. Dans la première phrase il faut ajouter le mot ronde : à la quatrième Ronde, les Fils du Mental, les Mânasaputras, reçurent l'ordre de créer leurs images ; un tiers, les Asuras, les rebelles, refusa, et deux tiers, les Agnishvattas Pitris et les enfants [129] de Vénus, obéirent. La malédiction fut prononcée. "Ils – les Asuras – renaitront dans la quatrième Race, souffriront et feront souffrir." Excellent exemple, je l'ai
30 Doctrine Secrète, vol. I, p. 168.
dit, de la difficulté de traduire les vieux livres : rondes, kalpas, globes, races, tout est mêlé et confondu. Le vrai nombre est indiqué, mais c'est au lecteur à découvrir à quel cycle d'évolution il s'applique. Quand on a la clef, la clef des cycles, on peut en venir à bout, mais sans clef la phrase est plus incompréhensible qu'explicative. C'est ce qu'on appelle un voile, il n'est rien écrit qui ne soit vrai, mais ce vrai est voilé de façon à ne vouloir être compris sans explication par les non-initiés. La clef est donnée quand l'homme est prêt.
Il était fort important de conserver la connaissance sous une forme commode, qui ne pût pas être facilement comprise, jusqu'à ce que les hommes soient capables de la recevoir, et cela à cause de tout le mal qui résulta sur l'Atlantide de l'acquisition prématurée de cette science par des hommes qui n'étaient pas moralement en état de la recevoir. On retrancha donc des commentaires qui tombèrent entre toutes les mains, les mots, et ces mots spécifiques, une fois disparus, [130] l'ensemble devint incompréhensible. Il en est de même dans les Purânas, qui, sans clef, sont en grande partie inintelligibles. Et c'est précisément le rôle de la Théosophie moderne de fournir ces clefs aux hommes.
Un tiers donc a refusé ; il doit renaitre dans la quatrième Race ; il reviendra à maintes reprises dans la race atlantéenne et y jouera un grand rôle. Pour le moment, il reste en arrière. Ces êtres sont condamnés à renaitre dans des conditions pires pour n'avoir pas voulu descendre au bon moment et aider à l'évolution de l'homme. On dit qu'ils vinrent regarder les formes, "les vilaines formes de la troisième Race 31". Remarquons l'Ahamkara qui se manifeste, le sens de la séparativité, l'orgueil, le mépris. Ils regardèrent ces formes du début de la troisième Race et les méprisèrent. "Ils rejetèrent ; ils repoussèrent", tels sont les termes employés ; Ahamkara les dominait entièrement, ils ne voulurent pas descendre, d'où la malédiction, malédiction terrible qui, lorsqu'ils vinrent enfin, rendit leur tâche plus difficile, leur lutte plus aigüe, plus rude et plus violente et [131] leur apprit la leçon dont ils avaient besoin. Nous pouvons donc pour le moment laisser les Asuras attendre leur heure.
Les deux tiers qui obéirent sont les Agnishvattas Pitris et les enfants de Vénus. Ceux-ci consentent à accomplir leur tâche, à faire leur devoir. La troisième Race est alors en train de se développer. Rappelons-nous ce qui est dit dans le chapitre précédent des trois stades de cette troisième Race.

31 Doctrine Secrète, vol. III, p. 23.

Premièrement, des formes asexuées, ensuite des formes hermaphrodites, enfin la séparation des sexes se produit. Les hommes divins de Vénus descendent quand le deuxième stade va commencer ; sous leur influence, les androgynes latents deviennent des hermaphrodites parfaits et des formes superbes apparaissent.
"C'est par l'entremise de Shûkra que les "doubles êtres" de la troisième (Race Mère) descendirent des premiers "Nés-de-la Sueur 32."
Tandis que la majorité des êtres de la troisième et de la quatrième sous-races évoluaient lentement à travers des formes humaines, quasi animales, simiesques, répugnantes à nos yeux, un certain nombre de [132] formes spécialement préparées pour les fils de Vénus apparaissaient, des "géants de taille superbe, d'une force et d'une beauté divines 33".
Jetons maintenant un coup d'oeil sur la terre et voyons ces différences de formes. Ce sont d'abord les merveilleux Hermaphrodites, beaux, forts, puissants, préparés sous la direction immédiate des Seigneurs de Vénus et pour leur usage, car eux avaient atteint l'humanité parfaite à la fois mâle et femelle, dépassé la séparation des sexes. Ces formes-ci ne renfermaient pas de monades lunaires, mais les fils de Vénus les firent évoluer, jouant le rôle de Monades des formes. Il y a ensuite les troisième et quatrième sous-races qui se développent lentement, passent par l'état hermaphrodite et peu à peu se séparent en mâles et femelles comme il a été dit au dernier chapitre. Ces formes sont habitées par les quatre classes de monades lunaires qui ont atteint l'humanité ; trois d'entre elles, qui y sont parvenues dans les première, deuxième et troisième rondes, montrent divers degrés de développement, et les formes sur lesquelles [133] elles planent, développent des degrés d'humanité proportionnés au stage atteint par la Monade. Bien loin derrière elles viennent les monades moins avancées, occupant des formes de plus en plus inférieures, jusqu'à celles qui n'ont atteint l'humanité que dans la quatrième Ronde actuelle. Les formes de celles-ci sont naturellement très frustes, très animales et on les appelle les "têtes étroites". Négligées et méprisées par leurs soeurs plus avancées, ces dernières deviendront, comme nous le verrons plus tard, la cause d'un terrible avilissement qui pourrait servir de leçon aux classes supérieures – (leçon dont on a encore, hélas ! besoin) – montrant les redoutables suites de la loi du Karma collectif réagissant sur l'ensemble à savoir que les inférieurs méprisés entrainent dans leur avilissement les supérieurs qui les ont négligés.

32 Doctrine Secrète, vol. III, p. 39.
33 Doctrine Secrète, vol. III, p. 212.

Les Seigneurs de Vénus descendent donc sur la terre que nous venons de décrire, aussitôt suivis par les Agnishvattas Pitris, Seigneurs de la Flamme. Quelques-uns des fils de Vénus se font un corps par la volonté et le Yoga, comme il a été dit ; d'autres occupent les formes hermaphrodites qu'ils ont évoluées [134] des races nées de l'oeuf. Quand les Agnishvattas Pitris arrivent, quelques-uns d'entre eux prennent les formes embryonnaires contenues dans les oeufs, les développent et y entrent. "Ceux qui entrèrent ainsi devinrent des Arhats 34." Ainsi fut établie sur la terre la première grande Hiérarchie occulte qui a toujours depuis continué son rôle bienfaisant et toujours eu les mêmes différents degrés.
Alors commence le grand labeur de l'éducation graduelle de l'humanité en communiquant à "l'homme animal" l'étincelle de l'intelligence. La sixième et la septième sous-races sont ainsi développées. C'est la tâche spéciale des Agnishvattas Pitris. Les seigneurs de Vénus n'y prennent point part. Ceux-ci occupent les plus hauts grades de la Hiérarchie des Sages ; ils sont les grands Instructeurs de l'humanité et dans des cas très rares l'un d'eux parait parmi les hommes. Nous lisons qu'ils se sont établis à Shamballah, la sainte cité mystique, au centre du désert de Gobi ; descendus du Nord, de la terre des dieux qui avait été leur première résidence, ils fondèrent Shamballah et ne l'ont [135] jamais quitté. On a dit que Shamballah est sur le coeur de la terre, phrase mystique qui veut dire que là demeurent ceux qui sont le coeur de la vie de l'humanité, car tous les courants de la vie spirituelle partent d'eux et reviennent à eux. Comme du coeur de l'homme part le sang régénérateur qui va nourrir chaque partie du corps, puis revient vers lui chargé d'impuretés pour être purifié et renvoyé de nouveau, de même les courants spirituels partent de ce coeur spirituel, ils retournent vers lui chargés des impuretés dont ils ont été souillés au contact du monde inférieur ; puis ils sont purifiés et renvoyés de nouveau. Ainsi s'accomplit le sacrifice perpétuel qui soutient et accélère l'évolution humaine.
Quand les Seigneurs de Vénus – qu'on appelle souvent aussi les Dragons de Sagesse – vinrent sur la terre, ils apportèrent avec eux les germes de différents types d'êtres vivants provenant de Vénus pour améliorer l'évolution terrestre. Il est dit que lorsque le Manou arriva avec les autres Rishis, il apporta avec lui dans son vaisseau (l'arche), beaucoup de germes de vie. Et ce n'étaient pas seulement des germes de vie spirituelle ou [136] de vie intellectuelle, mais aussi de la vie physique telle qu'elle existait sur Vénus. Le blé, par exemple, n'appartient pas, en propre, à notre terre, et, les botanistes ne peuvent indiquer son origine. En croisant le froment produit par les graines de Vénus avec les céréales d'origine terrestre, les premiers Instructeurs de l'humanité produisirent les espèces actuelles. Les abeilles et les fourmis, avec leur organisation sociale extraordinaire et leurs activités supérieurement réglées, sont aussi des produits de Vénus ; elles viennent d'un monde où l'évolution tout entière est plus avancée que la nôtre, où même les règnes végétal et animal ont atteint un niveau supérieur.

34 Doctrine Secrète, vol. III, p. 23.

Ces Dragons de Sagesse sont "les adeptes primitifs de la troisième et de la cinquième Races et ensuite 35", dit H. P. Blavatsky, ce furent les "Fils du feu", les disciples immédiats des "Pères", la "Flamme primordiale 36". Ils fournirent les Bouddhas, c'est-à-dire le Bouddha suprême et le Boddhisattva de la troisième Race, ainsi que plusieurs Arhats, quelques-uns des Agnishvattas Pitris se joignant [137] à cette illustre compagnie. Ils fournirent aussi les êtres, de même ordre, dans la quatrième Race, et, dans la cinquième, on en compte vingt-quatre, presque tous des Agnishvattas Pitris que les Jaïns appellent les vingt-quatre Tirthankaras 37.
Les Hermaphrodites divins du milieu de la troisième Race, les "Pères sacrés", comme on les appelle, créèrent des Fils par la volonté et le yoga pour l'incarnation des Agnishvattas les plus élevés qui furent les Ancêtres – les "aïeux spirituels" – de tous les Arhats ou Mahatmas subséquents et actuels 38, c'est-à-dire leurs Gourous, et on dit que dans la septième Race, ces Fils de la volonté et du yoga, et d'autres semblables à eux, produiront des fils nés du mental 39.

35 Doctrine Secrète, vol. III, p. 258.
36 Ibid., vol. I, p. 7 des Stances.
37 Doctrine Secrète, vol. III, p. 523 (note).
38 Ibid., vol. III, p. 214.
39 Ibid., id., p. 341.

Ce sont eux encore qui, surveillant l'évolution de la fin de la troisième et de la quatrième Races, s'irritèrent contre les peuples de l'Atlantide, comme nous le verrons plus tard, quand ceux-ci s'abimèrent dans l'avilissement, et causèrent la catastrophe qui engloutit l'Atlantide dans les flots de l'Océan. Ils sont toujours [138] désignés comme les Instructeurs divins, guidant l'évolution spirituelle de l'humanité et dirigeant les forces cosmiques qui concourent à cette évolution. Les Rois divins – des toutes premières dynasties – qui dirigèrent l'humanité intellectuellement, lui enseignèrent les arts et les sciences et surveillèrent son évolution sociale, furent quelques-uns des plus grands parmi les Agnishvattas Pitris : ce furent les Titans Kabirim auxquels les traditions des très anciens peuples font allusion. H. P. Blavatsky nous dit :
"Ce sont vraiment "les Dieux grands, bienveillants et puissants", comme les appelle Cassius Hermone. À Thèbes, Corê et Déméter, les Kabirim avaient un sanctuaire et, à Memphis, les Kabiri avaient un temple si sacré qu'il n'était permis à personne, sauf les prêtres, d'entrer dans son enceinte sacrée… Ils furent aussi, à l'origine des temps, les Régents de l'humanité, lorsque, incarnés comme Rois des "Dynasties divines", ils donnèrent la première impulsion à la civilisation et orientèrent le mental dont ils avaient doté les hommes, en vue de l'invention et du perfectionnement de tous les arts et de toutes les sciences. Aussi l'on dit que les Kabiri apparurent [139] en qualité de bienfaiteurs des hommes et, en cette qualité, vécurent pendant des siècles dans la mémoire des nations. C'est à ces Kabiri ou Titans qu'est attribuée l'invention des lettres… de la législation, de l'architecture et aussi des différents modes de soi-disant magie et l'emploi des plantes dans un but médical 40."
Les occultistes voient encore dans ces êtres divins les Manushis qui enseignèrent à la troisième et à la quatrième races le langage sacré, le Senzar 41.

40 Doctrine Secrète, vol. III, p. 151.
41 Ibid., vol. I, p. 32.

De ces Guides de l'humanité, passons à l'humanité qu'ils dirigeaient. Les représentants plus élevés de cette humanité, élèves directs et ministres des Rois divins, étaient des Agnishvattas des classes inférieures et dont quelques-uns s'élevèrent graduellement à la dignité d'Arhats dans les corps plus évolués de la quatrième et de la cinquième sous-races. La seconde classe des Pitris solaires venus de la lune s'incarna dans la sixième et la septième sous-races, conduisant grâce à leur influence les progrès de l'humanité, jusqu'à ce qu'ils fussent remplacés par la première classe qui arriva dans la quatrième Race. Puis venaient [140] les quatre classes de monades lunaires susmentionnées, l'ensemble présentant à nos regards une immense variété de types gradués depuis les hommes quasi divins qui entouraient les Rois divins, jusqu'aux "têtes étroites", types semi-animaux. Le troisième oeil fonctionne activement dans toutes les classes supérieures, de sorte que le monde astral leur est aussi accessible que le monde physique ; le pouvoir de cet oeil diminue dans les classes inférieures, jusqu'à ce que sa division devienne très vague chez les têtes étroites. Dans la sixième et la septième sous-races, de la troisième Race, on a vu que le troisième OEil se retire peu à peu à l'intérieur, pour disparaitre absolument chez les Atlantes.
Nous voyons dans la Lémurie, pendant la première partie de la fin de la troisième Race, l'aurore d'une civilisation exquise où les plus âgés guident les plus jeunes, où ceux-ci sont encore obéissants, traitables, intuitifs et où les plus arriérés suivent le mouvement avec une docilité aveugle. L'organisation vient exclusivement des Ainés, d'où sa beauté ; mais elle ne peut évidemment pas durer, car c'est la beauté de l'enfance soigneusement entourée [141] et gardée, non pas la beauté de l'âge viril qui trouve en lui-même son soutien et sa direction. Sous l'influence des Rois divins, la sixième sous-race de la troisième Race bâtit les premières villes de roche et de lave dans la région de Madagascar, et beaucoup d'autres cités suivirent, dont çà et là survivent encore de vastes ruine, blocs immenses de pierre qu'aucun ingénieur moderne ne saurait remuer, ruines de temples grandioses, débris cyclopéens comme on les appelle. Ces vestiges transmirent aux Égyptiens et aux Grecs primitifs les types de ces constructions, et dans les temples d'Égypte, par exemple à Karnak, nous voyons les traces de l'architecture lémurienne continuée par les descendants appartenant à la quatrième Race. Dans le sud de l'Inde, on retrouve aussi dans quelques temples archaïques des traces de cette construction massive.
Les ruines de Karnak, en Égypte, peuvent donner une idée de ce que devait construire une race plus puissante encore que celle qui empila ces pierres colossales : les pyramides, elles aussi, permettent d'apprécier la science et l'habileté qui élevèrent leur masse stupéfiante. Mais ces pierres ne furent pas remuées [142] par la seule force des muscles, ni par des appareils ingénieux plus forts que ceux d'aujourd'hui ; elles furent mises en place par des hommes qui connaissaient et employaient les forces du magnétisme terrestre, de sorte que la pierre perdait son poids, flottait et était, dirigée avec un seul doigt vers la place assignée. Quelques-unes des extraordinaires pierres branlantes furent ainsi posées par les doigts Lémuriens ou, pour me servir d'un nom plus familier aux Indous, par les doigts des Dânavas. Car ces Dânavas furent la sixième et la septième sous-races de la troisième grande Race. L'érection de ces pierres est un des problèmes que la science moderne n'a pu résoudre, bien qu'elle essaye de l'expliquer par l'érosion produite par la glace ou par l'eau, ce qui est manifestement insuffisant. Que sont-elles donc ces pierres branlantes ? C'étaient des moyens de communication entre ceux d'en haut et ceux d'en bas ; les oscillations de la pierre épelaient alors les messages comme les leviers du télégraphe de Morse les épèlent aujourd'hui.
J'ai mentionné les Dânavas. Les anciennes histoires les représentent comme pieux et purs à l'origine, mais s'avilissant peu à peu. Suivons-les [143] sur cette pente fatale et voyons-en l'origine.
Nous sommes toujours sur l'arc descendant de l'évolution, mais près de sa fin. La matière devient rapidement plus dense et les corps de plus en plus matériels. Ces corps sont gigantesques, forts, vigoureux, et, quand survient la séparation des sexes, l'instinct créateur, qui est inhérent à toute vie, prend la forme véhémente de la passion sexuelle jusqu'alors inconnue. Cet instinct procréateur s'était manifesté paisiblement chez les asexués dans la production de formes nouvelles ; mais désormais une violente excitation physique et le plaisir s'y mêlèrent et les passions sexuelles s'éveillèrent, d'abord chez les animaux, puis chez l'homme. Les Agnishvattas Pitris qui s'étaient incarnés et les Pitris solaires, revêtus de corps qui devenaient de plus en plus denses à chaque naissance, conscients de leur pouvoir intellectuel et se sentant comme des dieux sur la terre, envoyant dans leur corps des courants de vitalité puissants qui se changeaient à mesure que les corps se densifiaient en passions sexuelles jusqu'alors inconnues – ces Pitris furent souvent attirés par les femmes des classes inférieures et, s'unissant [144] à elles, produisirent des descendants d'un type moins élevé qu'eux-mêmes. Les brillants Fils de lumière épousèrent les femmes plus terrestres, "les fils de Dieu virent que les filles des hommes étaient belles, et les épousèrent", dit la Genèse avec raison. Et l'humanité s'enfonça davantage dans la matière. Il était nécessaire qu'elle descendît jusqu'au fond de la matière pour la conquérir, et, dans ce premier champ de kurukshetra, beaucoup furent vaincus. Ceux qui dans ce grand combat n'abandonnèrent point les lois de la Hiérarchie divine et ceux qui, tournant le dos aux Seigneurs de lumière, succombèrent aux enivrements des sens mêlés à la matière grossière, se séparèrent violemment, des querelles naquirent, et la guerre éclata entre eux. Les plus purs remontèrent lentement vers le nord, tandis que les plus grossiers se dispersèrent vers le sud, vers l'est et vers l'ouest, s'allièrent aux élémentals inférieurs et devinrent les adorateurs de la matière plutôt que de l'esprit. Ce furent les ancêtres de la race atlantéenne, race dans laquelle la matière devait atteindre sa plus forte densité et réaliser ses plus grands triomphes. Telle est la première séparation entre les partisans de la lumière et ceux des [145] ténèbres, séparation qui devint plus marquée en Atlantide et y eut de plus terribles résultats. Les images déifiées de ces géants Lémuriens considérés comme dieux et héros furent adorées par la quatrième et la cinquième Races, et maint vieux mythe relate leurs grands travaux, leurs combats terribles, et leur force magnifique.
Pendant que la séparation s'accentuait, des convulsions profondes et gigantesques commencèrent à bouleverser la Lémurie ; des tremblements de terre l'ébranlèrent, des éruptions volcaniques vomirent des flots de lave brulante. L'énorme continent se brisa en grandes iles, dont chacune valait presque un continent, et ces fractions furent déchirées à leur tour par de nouveaux cataclysmes jusqu'à ce qu'enfin, environ 700 000 ans avant le commencement de la période tertiaire, la Lémurie, en tant que continent, disparût, dévastée par le feu, sillonnée par les laves, au milieu de grandes explosions de vapeurs dégagées dans la lutte du feu et de l'eau ; elle sombra enfin au milieu des flammes mugissantes et des vagues déchainées, chaque ile disparaissant successivement dans des tourbillons d'eau et de feu. [146]
Quelques restes de la troisième Race survécurent longtemps sur les parties qui échappèrent au désastre, les unes demeurées sur ce qui devint l'Atlantide, les autres isolées, comme en Australie. Les aborigènes de ce dernier pays et les Tasmaniens, maintenant à peu près disparus, appartiennent à la septième sous-race des Lémuriens. Les Malais et les Papous descendent d'un croisement de cette sous-race avec les Atlantes. Les Hottentots en sont un autre reste. Les Dravidiens de l'Inde méridionale sont un mélange de la septième sous-race Lémurienne avec la deuxième sous-race des Atlantes. Partout où se trouve une race vraiment noire, la descendance Lémurienne est fortement indiquée.
Un fait reste encore à enregistrer avant de terminer le présent chapitre, car il résulte du refus des Asuras de prendre leur place légitime dans l'évolution, refus qui causa un terrible avilissement, une chute au lieu d'un progrès pour ceux qui auraient dû devenir de véritables hommes.
Ici la doctrine occulte est carrément en opposition avec l'enseignement scientifique actuel. La science moderne postule un animal pour ancêtre commun des singes anthropoïdes [147] et de l'homme. L'occultisme affirme, au contraire, que les singes anthropoïdes sont les arrière-descendants d'un croisement du règne humain avec le règne animal qui eut lieu à la fin de la troisième Race. Il a été dit que la classe la plus inférieure des monades lunaires, celle qui avait atteint le seuil de l'humanité à la fin de la troisième Ronde, n'était pas prête à recevoir l'étincelle de l'intelligence. Ces "têtes étroites" s'étaient séparées en deux sexes, mais ces êtres étaient complètement dominés par les instincts animaux. Quelques-uns d'entre eux, dans la septième sous-race de la troisième Race, s'unirent avec des espèces de singes qui ne différaient guère d'eux comme forme, mais dont les monades étaient moins développées puisqu'elles appartenaient encore au règne animal. De cette union naquit une race demi-humaine, demi-animale, dont quelques descendants s'unirent de nouveau avec les plus dégradés des derniers Atlantes et ainsi naquirent ces êtres appelés Satyres dans les vieilles légendes grecques, ces habitants des forêts et des lieux solitaires, terreur de tous les hommes parvenus à un degré supérieur d'évolution ; ces satyres [148] d'une bestialité excessive furent le résultat de ces monstrueuses unions. Telle est, selon l'occultisme, l'origine des singes anthropoïdes qui, seuls de tout le règne animal actuel, atteindront l'humanité sur notre Chaine. Ils obtiendront dans la sixième et la septième Races de cette Ronde, sur notre globe, la forme astrale humaine, et à la cinquième Ronde, ils entreront définitivement dans l'humanité. Tel fut le "péché des dépourvus de mental" et ses conséquences.
"En voyant cela, disent les Stances, les Lhas (Asuras) qui n'avaient pas formé des hommes, pleurèrent en disant : "Les Amânasas (inintelligents) ont souillé nos futures demeures. C'est le Karma. Habitons-en d'autres. Et dirigeons-les mieux, crainte de pire." Ainsi firent-ils… Alors tous les hommes furent doués de Manas 42."
La terre était prête pour l'évolution Atlantéenne. La quatrième Race était née.

42 Doctrine Secrète, vol. III, p. 25.

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