UNION

LES ENSEIGNEMENTS DES MAITRES DE LA HIERARCHIE

LES BASES DU MONDE NOUVEAU Une compilation de textes d'Annie BESANT - 1944

LES BASES DU MONDE NOUVEAU 1 — RECONSTRUCTION

LES BASES DU MONDE NOUVEAU


1 — RECONSTRUCTION


1. Au moment où le monde entre dans un ordre nouveau, de grands problèmes de reconstruction se posent à nous. Selon quels principes résoudrons-nous ces problèmes et sur quels fondements bâtirons-nous un monde heureux ?


GRANDS PRINCIPES


La guerre a mis en pièces la vieille civilisation qui git maintenant en ruines autour de nous. Il faut rassembler les matériaux de la nouvelle civilisation et dresser des abris provisoires. Mais notre tâche principale est de faire face aux redoutables problèmes qui se présenteront à nous après le rétablissement de la paix. Chaque pays aura à résoudre ses propres problèmes et c'est en commun que tous les pays devront résoudre les problèmes internationaux.
La grande oeuvre est évidente : préparer le monde pour une civilisation basée sur la Fraternité, avec tout ce que ce mot implique de devoirs mutuels et d'entraide.
Ce sera au corps gouvernant de chaque nation qu'il appartiendra de déterminer ce que seront les détails de cette entreprise et chaque Loge, selon sa force, ses capacités, son importance numérique devra choisir la [24] part qu'elle y prendra. Le problème des problèmes qui se pose à l'ensemble de l'Empire britannique est sa propre reconstruction selon des lignes durables parce que justes et conformes aux principes du droit. À cet effet, il faut que tous les sujets britanniques, quelles que soient leur nationalité, leur race ou leur couleur, aient la liberté d'envisager, de discuter, de décider ce qui convient à leur propre sphère et de donner à ce sujet tous les conseils profitables. Dans certains pays – dans la plupart des pays, hélas ! – le problème du paupérisme exige une solution. C'est là un sujet dont l'étude réclame de vastes connaissances, une sagesse murie et beaucoup d'amour. Dans tous les pays, le problème de l'éducation exige également une solution. Il est probable que, dans ce domaine, l'Amérique se classe en tête du progrès car elle a démocratisé l'instruction, elle l'a engagée dans la voie de la vocation et elle a aboli les châtiments brutaux. Les Théosophes auraient là un rôle prépondérant à jouer, à la fois sur le plan théorique et sur le plan
pratique. L'éducation morale et religieuse, le développement du caractère, la formation de bons citoyens, telles seront les caractéristiques de notre travail. Les grandes lignes de la politique nationale et internationale retiendront également notre attention car elle nécessite l'élaboration et la mise en pratique de grands principes. En ce qui concerne la politique de partis, nous devrons laisser les personnalités individuelles agir à leur guise, Bien d'autres problèmes se présenteront mais ceux-ci peuvent suffire à démontrer mes intentions.
Le premier de ces problèmes, la Reconstruction de l'Empire, soulève une masse de questions secondaires et il demande une réflexion et une discussion sérieuses, précises et prolongées. [25]
Le second problème, le paupérisme, englobe ceux de la mauvaise nutrition, de la mortalité infantile, des besoins de la mère, du travail, des délits, etc.
Les ramifications du troisième, l'Éducation, sont pour ainsi dire innombrables et embrassent tout le domaine de l'instruction et des cadres de la jeunesse, de la naissance à la majorité.
Les questions que soulève le quatrième problème, celui de la politique nationale et internationale, sont évidentes (19).


FRATERNITÉ PRATIQUE


Le monde se trouve placé dans des circonstances favorables du fait que nous nous trouvons actuellement à une étape de transition de l'évolution humaine, de l'évolution raciale, dont la prochaine marche en avant sera dirigée vers l'Union et non vers la persistance dans la division.
Cela signifie un nouveau départ. Cela signifie qu'une autre qualité est en train de se faire jour, que la culture de l'individu humain a terminé sa tâche, que la civilisation qui incarnait l'individu se brise en morceaux autour de nous parce qu'elle a trouvé sa fin naturelle dans le combat et dans la guerre ; dans la guerre entre nations et dans le combat entre classes à l'intérieur des nations. Si nous portons nos regards vers l'extérieur, nous y décelons les signes d'un désir d'union plus grande, les signes d'une aspiration une vie plus humaine, l'ardent souhait de voir, dans les frontières de la nation, les classes s'unir et former une vraie famille au lieu de constituer des éléments en lutte, comme c'est malheureusement le cas à l'heure actuelle (20). [26]
… L'âge à venir doit être l'Âge de la Fraternité ; celui où les hommes s'uniront pour la réalisation d'un but commun dont ils partageront en commun les fruits ; pour mettre fin au gaspillage et à l'extravagance qui découlent de l'excès de richesses et, en contrepartie, de la misère et à la famine qui résultent de l'excès de pauvreté. Car ces extrêmes de la civilisation en sont des produits modernes ; souvenez-vous-en. De grandes civilisations du passé ont péri parce qu'elles étaient fondées sur l'esclavage (21).
Il nous faut comprendre que nous partageons tous une vie commune, que nous sommes enracinés dans cette vie de telle sorte que rien de ce qui peut blesser l'un d'entre nous ne peut être bon de façon permanente pour aucun autre ; nous devons comprendre que la santé du corps politique, tout autant que celle du corps individuel, dépend du fonctionnement sain de chacun des organes de ce corps ; que si l'un des organes est malade, l'ensemble de l'organisme en souffre (22).
C'est ainsi que lorsque l'on se tourne vers les conditions de la nouvelle civilisation, vers ce fait immense de la Fraternité de tout ce qui vit, – et, comme je l'ai dit, il n'est, dans notre monde, rien qui ne vive à des degrés divers – l'on commence à se rendre compte que bien des changements devront être réalisés, non seulement dans l'organisation politique ou économique, mais aussi dans les devoirs individuels qui incombent à l'une des sections les plus intelligentes de cette grande et universelle Fraternité (23).
Il nous est à tous nécessaire d'apprendre à être humains les uns envers les autres, à ne pas blâmer notre frère mais à faire en sorte que les rapports entre frères soient justes et équitables ; et c'est par la raison, non par la force, que cela doit être obtenu… Il nous faut utiliser le raisonnement, l'argument, en prouvant qu'il [27] existe des façons d'agir préférables, par la persuasion, en essayant de stimuler les qualités humaines chez les hommes et les femmes, et non en utilisant une nouvelle formule de force aussi désastreuse que les anciennes…
Élevons les autres, ne les abaissons pas ; élevons-les à un niveau supérieur et ne faisons pas descendre à un échelon inférieur ceux auxquels la civilisation a été profitable. "Ne pas détruire mais élever", tel est le cri social de l'avenir et sera, je le crois, le cri social de la Grande-Bretagne, pays qui, par son éducation, sa discipline, ses syndicats, ses coutumes de civisme
est, parmi toutes les nations, le plus digne de conduire le monde dans cette grande transformation (24).
L'esprit de l'âge futur sera incarné dans le socialisme : il respirera le devoir, il affirmera l'interdépendance, il inspirera à celui qui est fort le gout de porter le fardeau des faibles et c'est la somme des responsabilités qui déterminera le pouvoir (25)…
… Tant que les politiciens n'apprendront pas que leur politique doit être religieuse, tant que les commerçants ne comprendront pas que leur commerce doit être religieux, tant que les hommes de loi n'apprendront pas qu'ils doivent, dans les tribunaux être les porte-parole de la justice divine rendue manifeste par ces tribunaux, tant que cela ne sera pas, la nation ne pourra pas vivre, car ce serait ignorer la Source de la Vie (24).
Ce ne sont pas les nations les plus abattues ni celles qui ont été le plus tyrannisées qui seront les meilleures constructrices de la nouvelle civilisation. Ces nations n'ont conscience que de leurs souffrances et veulent être soulagées de leurs maux. C'est vers un pays tel que la Grande-Bretagne, vers un pays tel que l'Amérique, vers un pays tel que la France – bien qu'à un degré moindre vers la France que vers vous (Grande-Bretagne) [28] et vers l'Amérique – qu'elles se tournent dans l'espoir que ces grands problèmes y seront examinés par des hommes et des femmes ouverts à la sympathie, doués de beaucoup de patience, prêts aux sacrifices et disposés à agir plutôt qu'à parler. Ce changement fondamental dans l'ordre des choses doit se produire. Il est inutile de vouloir fermer les yeux devant lui. Les choses ne redeviendront jamais ce qu'elles étaient avant la guerre. Et il ne le faut pas non plus. Car pourquoi cette grande guerre aurait-elle eu lieu si nous devions conserver les anciennes méthodes de pensée et d'action, les mêmes différences de classes, les mêmes haines de classe ? La guerre a creusé un abime entre le passé et le présent ; mais nous, dans cette période transitoire, nous menons une guerre pire que la guerre entre nations : la guerre des classes (31).
C'est donc à eux (aux hommes religieux), au-dessus de tous les autres, qu'il revient d'étudier le Plan divin, de signaler les endroits où les nations font fausse route et ceci avant qu'elles n'aient fait si longtemps fausse route qu'elles en soient arrivées à presque dépasser les limites où l'intervention humaine est possible. Et ceci nous conduira à considérer les principes sur lesquels nous devons essayer de reconstruire notre civilisation démembrée. Nous passer de la religion, c'est nous priver de la Lumière qui éclaire notre
chemin. Dire que la moralité est affaire d'individus et non affaire de nations, c'est trahir les grands principes d'obéissance à cette loi morale qui est la sauvegarde de la vie nationale et internationale (26).
Aucune loi, aucun projet, aucun plan tendant à la rédemption humaine ne peut réussir s'il n'est bâti sur le roc de la noblesse morale qui oblige à la confiance parce qu'elle est, elle-même, digne de confiance. [29]
La moralité est donc la première des choses nécessaires à la construction de la Société et, après elle, le respect : respect pour l'Être Suprême, source de toute autorité ; respect pour les Sages, dont l'expérience fait des guides ; respect pour le chef, qui porte sur ses épaules le lourd fardeau de la direction et de l'abnégation ; respect pour les parents, qui nous ont donné notre corps ; respect pour les gens âgés. Tel est le respect nécessaire (27).


LES PROBLÈMES SOCIAUX DE L'EUROPE


En Europe, les problèmes sociaux d'après-guerre seront différents de ceux qui se posent à nous ici (dans l'Inde). Les pays d'Europe devront essayer de reconstituer sur une base différente les rapports entre le travail et le capital. Les soldats qui rentreront chez eux après avoir mené une vie plus ouverte ne se contenteront plus de l'ambiance étriquée dans laquelle ils avaient vécu auparavant. Le commerce a subi une terrible dislocation. Toute l'industrie humaine a été dirigée vers une activité destructrice et non constructrice. On ne produit, dans le domaine constructif, que ce qui est strictement nécessaire à la vie de la nation : sa nourriture, ses vêtements, ses abris. Quelques hommes doivent encore se consacrer à cette tâche. Les femmes ont pris la place des hommes ; elles travaillent aux champs ; elles travaillent dans les usines ; elles travaillent à la fabrication de munitions – terrible travail, pour des mains de femme, de façonner des engins explosifs qui tueront les enfants d'autres mères et porteront la désolation dans les foyers. C'est inévitable ; personne n'est à blâmer. Les nations sont prises dans l'étreinte d'un destin terrible et elles [30] payent le prix du fruit naturel du matérialisme qui avait placé Dieu en dehors de la vie humaine et l'avait fixé dans un cadre rigide de religion. C'est donc tout l'ensemble qui doit être reconstitué. Il faudra traiter du travail des femmes et des enfants, qui a remplacé celui de l'homme. Il faudra traiter des rapports compliqués entre le capital et le travail, problème qui – vous vous en souvenez sans doute – a
déjà conduit l'Angleterre, avant la déclaration de guerre, presque au bord de la destruction. Il faudra traiter de l'ensemble du problème de la criminalité…
Lorsque vous traitez de questions sociales, il est trois choses dont vous devez vous souvenir comme de principes directeurs : le Karma ne doit jamais être oublié ; La Réincarnation ne doit jamais être oubliée. La Fraternité ne doit jamais être oubliée (28).
En Occident, la richesse est devenue une maladie et l'orgueil continuel de l'or a rendu la vie vulgaire. En Amérique surtout mais aussi, je regrette de le dire, dans les pays plus vieux. En Angleterre, le chiffre de la fortune d'un homme est devenu l'étiage de la considération sociale qui lui est accordée. Le résultat en est que toute la société devient grossière et vulgaire. Car l'homme qui a amassé de l'or, le self-made man, comme on l'appelle, est celui qui a fait sa fortune dans la compétition du marché moderne. Et cet homme est souvent grossier ; il n'a pas de culture et peu d'instruction, il n'a même pas les bonnes manières usuelles ; il est rude, fruste et vulgaire dans ses façons, grossier dans son langage. Et c'est là, cependant, la sorte d'homme qui commence à diriger la société. Tels sont les rois de l'argent en Occident. Ce n'est pas en sagesse qu'ils sont rois parmi les hommes. Et ce sont ces hommes que l'on honore le plus, et chaque jour davantage, dans les pays occidentaux. [31] Le résultat est que la vie nationale devient vulgaire. Et c'est pourquoi nous avons, une fois de plus, besoin en Occident d'évaluer la valeur réelle selon un standard plus vrai (87).
… Nous ne pouvons, pour la reconstruction sociale, nous reposer uniquement sur les impulsions généreuses des hommes et des femmes les plus nobles et les plus spirituellement élevés. Il est nécessaire que tout le monde sente qu'il existe une loi qui, si l'on vit en accord avec elle, apporte le bonheur mais qui, si on la néglige, apporte la ruine, à longue ou brève échéance, mais inévitablement. Car rien n'exerce autant d'autorité sur l'esprit humain que cette sensation de l'existence d'une loi naturelle inviolable qui se manifeste autour de nous, au-dessous de nous, au-dessus de nous, une loi à laquelle nous ne pouvons échapper et à laquelle nous devons nous conformer, faute de quoi nous devons souffrir. Dans la société, aussi bien que dans la religion et dans la morale, nous devons faire appel à la raison, nous devons justifier nos propositions devant le tribunal de l'intelligence. C'est de cette façon seulement que nous pouvons amener ceux dont les instincts – issus du passé – sont antisociaux, à comprendre qu'ils ne peuvent satisfaire ces instincts parce que cette satisfaction aurait pour résultat la
ruine de la communauté, ruine dans laquelle ils seraient eux-mêmes, comme les autres, entrainés.
Que l'on permette à la pauvreté, à la misère, à l'ignorance, de se répandre dans le corps politique, et c'est tout le corps politique qui devient malade ; aucun de ses organes ne reste sain. Croire à l'Immanence de Dieu, c'est s'obliger à reconnaitre la Solidarité de l'Homme : "Il n'y a qu'un Esprit et qu'un Corps"… Tout projet de reconstruction sociale durable [32] doit être basé sur l'acceptation pratique d'une vie commune à laquelle nous participons tous. Cela signifie qu'il ne doit y avoir dans nos villes ni taudis, ni quartiers réservés au vice ; cela signifie la disparition de l'effrayante pauvreté qui ronge l'existence de millions de nos semblables. Cela signifie une acceptation et une compréhension de la Vie commune telles que, nous qui sommes cultivés et vivons confortablement, nous nous sentirons malades et torturés si nous ne faisons pas le maximum d'efforts pour soulager de leurs souffrances nos frères et nos soeurs ; la Vie collective, une fois réalisée, ne peut être estimée heureuse aussi longtemps que tant de misères sont négligées.
C'est un sentiment analogue à celui qui se manifeste dans la parenté de sang. Point n'est besoin d'une loi pour qu'un frère se sente tenu d'aider son frère ; la loi de l'amour annule tout besoin d'autre loi et c'est elle qui nous porte à assister un membre souffrant de notre famille. Et il est vrai que "Dieu a fait d'un même sang" tous les enfants des hommes ; et aussi longtemps que nous ne ressentons pas pour ceux qui se placent en dehors du cercle de la parenté les mêmes sentiments que ceux que nous éprouvons pour les membres de notre famille, aussi longtemps que tous les hommes ne représenteront pas pour nous une seule famille, aussi longtemps que selon une phrase des anciennes Écritures indoues – nous ne considèrerons pas nos ainés comme nos parents, nos contemporains comme des frères et nos cadets comme nos enfants, nous ne nous serons pas réellement élevés au niveau du point de vue humain. Car le sens de l'amour, de la compassion et de la sympathie – celui du Service, en un mot – que possèdent les vrais hommes et femmes, s'étend sur la terre, traverse la [33] mort et revient à la terre ; et c'est seulement dans la mesure où nous avons déployé cette qualité que nous sommes vraiment l'Homme.
Quels sont, dans notre société, ceux qui ont le plus besoin des conforts de la vie : bonne alimentation, bons vêtements, bons logements et loisirs véritablement délassants ? Bien certainement ceux qui travaillent, ceux qui donnent leur force à la production, pendant de longues heures, pour
satisfaire les besoins de tous. Et cependant, dans notre système actuel, ce sont justement ceux-là qui sont les plus mal nourris, les plus mal vêtus, les plus mal logés. Il est beaucoup plus pénible pour un homme épuisé par huit, neuf ou dix heures de labeur de rentrer, sa journée terminée, dans un taudis dont l'air est vicié et l'aspect répugnant, que ce ne le serait pour quelqu'un dont la fatigue serait moindre. On pourra dire qu'il y est moins sensible qu'une personne habituée à un autre genre de vie. C'est exact, car l'habitude rend apathique. Mais n'est-ce pas là, justement, la plus dure des condamnations de notre système social qui a écrasé nos travailleurs au point de leur enlever la faculté de se rendre compte de leurs déplorables conditions d'existence ? Nous les obligeons à devenir moins qu'humains et prenons ensuite prétexte de leur manque de raffinement pour nous excuser de les laisser en cet état. La civilisation moderne a échoué dans la tâche de rendre heureuses les masses populaires. Voyez les visages des pauvres ; ce sont les visages de gens tristes et las ; las du fardeau de la vie. Aussi longtemps que le peuple ne sera pas heureux, nous n'aurons pas le droit de parler de "Société" ; ce qui existe présentement n'est qu'un chaos bouillonnant d'unités sociales, sans organisation sociale. Mais nous prendrons graduellement en mains la question sociale en ayant pour [34] but la réalisation de l'admirable phrase : « De chacun selon ses capacités ; à chacun selon ses besoins. » Telle est la loi de la Famille, qui sera un jour la loi de l'État ; car elle est la vraie loi sociale. De même que l'on commence de nouveau à accepter la vérité de la réincarnation, les devoirs des ainés envers les plus jeunes, les droits des plus jeunes sur les ainés, seront reconnus ; les ainés donneront avec joie aide, protection et instruction et l'évolution des jeunes en sera hâtée.
L'Immanence de Dieu ; le devoir des forts de servir et de protéger ; la jonction du pouvoir et de la responsabilité ; la compréhension du fait que les grands et les forts n'ont pas de droits à revendiquer – mais que ces droits sont ceux des faibles et des sans-appuis – ces idéaux, lorsqu'ils seront reconnus régénèreront la Société et stimuleront les émotions les plus nobles du coeur humain, qui sont aimer, aider et servir. Il ne sera plus besoin d'une législation confiscatoire car l'amour sera la loi de la vie ; il s'agira de donner et non de prendre ; d'aider volontairement et non par contrainte. Le danger de guerre disparaitra alors et la paix, qui est le fruit de l'amour, se répandra sur les territoires (22).

 

ORGANISATION D'APRÈS-GUERRE


Tout le monde doit comprendre que dans les grandes luttes actuelles, celle que mène le Travail n'a pas pour base véritable la question des salaires. Le salaire n'est que le symbole du but poursuivi par le Travail. Les travailleurs visent à atteindre un niveau plus élevé de vie humaine afin de pouvoir arriver à connaitre et à partager certains bienêtre qui, pour vous et pour moi, sont tout naturels mais auxquels, à l'heure actuelle, [35] ils ne sont pas admis à participer. Une vie uniquement absorbée par le travail, où le repos nocturne n'intervient que pour permettre le travail du jour suivant, n'est pas une vie humaine. La vie humaine est quelque chose de plus haut, de plus noble, de plus grand que cela. Elle est l'Art autant que le Travail, car la Beauté est sa manifestation. Elle comporte des espoirs d'avenir dans les domaines du Savoir et de la Sagesse. Elle permet de jouir du moment présent par les plaisirs nobles que l'Art et la Culture rendent accessibles à l'Homme. Et je dirai que chaque homme, dans une nation, a droit à cette vie, quelle que soit la profession vers laquelle l'aient dirigé ses mains ou son cerveau.
Ce qu'il convient de reconnaitre à présent, c'est qu'il faut progresser dans une vie dont le but est un but collectif et dans laquelle le travail est effectué pour le bien de tous ; dans laquelle nous sommes guidés par le désir de nous aider les uns les autres et non par celui de nous piétiner les uns les autres. Telle est l'Union, dans laquelle nous devons inévitablement entrer. C'est la prochaine étape de l'évolution et si elle n'est pas acceptée de bon gré, elle se réalisera par la destruction car ce qui va contre la Nature ne peut être durable (30).
Il faut aussi considérer les différents avantages de la vie civilisée, qui ne devraient pas constituer une source de profits pour les individus. Par exemple, les chemins de fer et tous les autres moyens de transport nationaux. Il est évident que leur nationalisation en dirigerait les bénéfices non plus vers les poches de personnalités privées mais vers celles de la nation, permettant ainsi d'alléger les impôts.
La production de ce qui est nécessaire à tous devrait être contrôlée par tous. La grande production [36] sera sous le contrôle du gouvernement central, la petite production sous celui des gouvernements locaux, que ce soient les municipalités des grandes villes ou les Conseils élus des villages. Le commerce local et la fourniture des objets de consommation, dont la distribution peut être mieux assurée par des coopératives que par des particuliers qui en retirent tout le bénéfice, devraient être confiés à des
organismes élus par la population locale et qui seraient responsables devant leurs électeurs de la gestion des affaires… Le système de la lutte individuelle pour parvenir à la richesse aux dépens de la nation est défectueux, et al c'est à lui que l'on doit ces extrêmes de pauvreté et de richesse qui existent à présent.
Il ne doit pas être permis de laisser des individus monopoliser les instruments de la production lorsqu'on proclame dans le même temps que les richesses accumulées par ce monopole sont malhonnêtes. Il faut donc accorder à cette question de mures réflexions afin d'agir loyalement dans tous les domaines. Mais cela a été fait pendant la guerre. On a même été plus loin. On a imposé un impôt supplémentaire et les revenus dépassant un certain chiffre ont été lourdement taxés, ce qui était juste car les riches doivent supporter une part plus grande que les pauvres des charges de la nation. Mais pourquoi ne pas faire en temps de paix ce qui a été fait en temps de guerre ? Qu'y-a-t-il de magique dans la guerre qui fasse que, tant qu'elle dure, on agisse d'une manière juste et que l'on revienne, aussitôt la paix rétablie, à un système absurde ? Le seul résultat sera d'amener une autre guerre ou une autre révolution.
Le travail a été organisé pendant la guerre pour la production de munitions. Ce serait une terrible erreur que de ne pas transformer cette puissante organisation [37] en production de paix destinée à fournir aux populations des matériaux au lieu d'armes. Les mêmes mains qui ont tourné des obus peuvent confectionner des vêtements ; les mêmes mains qui construisaient les terribles armes de destruction peuvent fabriquer ce qui est nécessaire au temps de paix. Il ne faut pas perdre de vue le principe d'organisation issu des nécessités de la guerre et qui a eu pour résultat la spécialisation de chaque service dans un certain genre de travail… N'oublions pas cette leçon de la guerre ; ne laissons pas se perdre ce profit issu de la guerre, mais utilisons-le pour le bénéfice de tous.
Car il est vrai que dans tous les grands désastres, chacune des parties a des justifications et des torts. Le conflit devrait être réglé par arbitrage et non par une lutte à mort, par une bataille d'extermination, comme on dit. Il devrait être réglé par un jugement raisonné, par concessions mutuelles jusqu'à ce qu'un terrain d'entente soit trouvé qui épargnerait à la nation les douleurs de la guerre.
Si la prochaine civilisation est appelée à collaborer au lieu de rivaliser, à partager au lieu de prendre, à travailler dans l'union au lieu de laisser les classes s'entr'égorger, s'il en est ainsi, alors le moment est venu de le faire. L'Âge Nouveau, que prépare tout ce tumulte et dont la guerre elle-même – en apprenant à cette grande nation (la Grande-Bretagne) à s'organiser de manière à préserver sa vie nationale, – a été une préparation, est en vue. Et jamais cette leçon n'aurait pu être apprise lorsque les individus qui ont été si égoïstes dans leur compréhension de la responsabilité nationale étaient conduits par l'esprit de compétition. La guerre nous a obligés à apprendre comment organiser la production et comment la distribuer au profit de tous. Si nous arrivons à prendre [38] à coeur ce grand principe, nous poserons alors fermement les fondations de l'ère nouvelle de demain (31).
… Si le monde arrive actuellement à la fin d'une ère et se trouve au début d'une ère nouvelle, je pense qu'il doit être patent et évident pour chaque penseur et pour chaque étudiant que c'est vers les jeunes que nous devons nous tourner pour l'édification effective de l'Âge Nouveau et que les facultés qu'ils déploieront pour modeler cet Âge nouveau dépendront en grande partie de la nature de l'éducation qu'ils auront reçue. Ils montrent déjà des tendances à des idéaux et à des aspirations élevés. Mais nous, qui sommes leurs ainés, nous avons encore un devoir à remplir vis-à-vis d'eux : celui de ne pas entraver leur éducation et de leur donner la liberté de manifester les dons qu'ils ont apportés avec eux par la porte de la naissance : une éducation qui leur enseignera les devoirs du citoyen, qui correspondra aux idéaux qu'ils se sentent prêts à embrasser ; qui fera d'eux des citoyens plus grands et plus nobles que nous, leurs ainés, ne l'avons été ; qui leur donnera le gout du sacrifice plutôt que celui de l'avidité, le gout du travail en collaboration plutôt que l'esprit de compétition… Dans la nouvelle Civilisation qui se fait jour, bien qu'encore voilée et incomplète…, la puissance de la pensée sera reconnue et la civilisation extérieure sera modelée par la pensée des plus nobles et des meilleurs (23).
Il est glorieux pour nous de vivre en cette période critique et de nous offrir joyeusement à servir de celui à "la Puissance qui fonde la Justice", quel que soit le nom que nous puissions donner à cette Puissance. Servir est la vraie grandeur dans un monde tel que celui où nous vivons, où tant d'êtres souffrent obscurément et avec amertume, un monde qui a un profond besoin de l'aide de tous ceux qui aiment (33).

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