UNION

LES ENSEIGNEMENTS DES MAITRES DE LA HIERARCHIE

LES BASES DU MONDE NOUVEAU Une compilation de textes d'Annie BESANT - 1944

LES BASES DU MONDE NOUVEAU 14 — LES CONDITIONS SOCIALES

LES BASES DU MONDE NOUVEAU

 

14 — LES CONDITIONS SOCIALES


14. Des conditions sociales équitables sont à la base d'un État heureux. Comment élaborer un système qui permette à chaque citoyen de jouir de sa part du bonheur commun ? Dans quelle mesure voyons-nous juste, par exemple en ce qui concerne la façon de traiter les criminels ?


LE ROCHER DE LA FRATERNITÉ


Toutes les civilisations ont jusqu'à présent péri parce qu'elles étaient basées sur la négation, sinon verbale, du moins de fait, de la Fraternité. La civilisation actuelle est bien près de semblable catastrophe. L'homme a assez évolué pour commencer à s'apercevoir que la compétition – et la guerre est l'apothéose de la compétition – est néfaste, inutile et qu'elle entraine bien des maux dans son sillage. Il est prêt, ou sur le point d'être prêt, à collaborer pour la création d'un ordre social succédant à la lutte antisociale et, anarchique. C'est là le prochain stade de l'évolution et tous les êtres évolués, dans chaque pays, travaillent sans relâche à l'atteindre. Une conception saine et forte de la fraternité permet de concevoir un but distant et de travailler pour y parvenir. En nous tenant à l'écart lorsque la brute attaque l'enfant, lors [148] que les forts frappent les faibles, lorsque le tyran écrase l'être sans défense, nous favorisons la perpétuation de la tyrannie, et de l'injustice (97).
C'est parce que dans un avenir proche il faut construire une société plus noble, c'est parce que dans les années qui vont suivre une sociologie plus noble doit être proclamée et enseignée, que la proclamation de la Fraternité de l'homme doit être mise au premier plan de notre mouvement. La base de cette société future doit être la Fraternité. Rien d'autre n'est possible. Les civilisations anciennes ont été splendides par leur force, magnifiques par leur gloire ; mais elles étaient basées sur la négation de la Fraternité et elles ont inévitablement échoué. Il faut reconnaitre la loi de Dieu qui fait tous les hommes frères. Rien ne peut s'opposer à cette loi. Si vous l'ignorez, si vous la niez, elle vous brise. La loi ne peut changer. La loi est immuable. Il n'est pas possible de l'écarter ni de jamais la rejeter. Qu'on lui désobéisse et la civilisation périt, comme l'Histoire nous dit qu'ont péri toutes les civilisations anciennes non fraternelles. Acceptez de bon gré cette loi comme guide de votre vie, comme juge de votre conduite, accordez votre volonté à ses préceptes et observez-les. Vous aurez alors assis la civilisation sur un rocher qu'aucune marée ne pourra submerger, aucun tremblement de terre ébranler aucun vent courber. La société basée sur la Fraternité sera seule durable (27).


COOPÉRATION


La prochaine civilisation, la civilisation qui approche, sera coopérative. Mais elle ne peut exister sans coopérateurs et ce sont ces derniers qu'il faut former. Seuls des hommes sages, forts, énergiques et [149] doués d'une grande volonté seront susceptibles de devenir des coopérateurs efficients, capables de diriger les affaires de la nation et de créer un Commonwealth coopératif. Il faut donc, en premier lieu, former les individus, la coopération elle-même ne venant qu'en second lieu. Or, dans notre présente civilisation individualiste, l'esprit d'abnégation s'étend. Il se manifeste en Amérique, où l'esprit de compétition a été poussé jusqu'à la folie et où l'on trouve pourtant une magnifique générosité qui s'exprime par des dons philanthropiques. C'est ainsi qu'un homme qui a amassé une fortune par des moyens que l'on peut souvent qualifier de peu scrupuleux se trouve la consacrer entièrement à l'éducation du peuple. Il la restitue ainsi, sous forme d'instruction, à ceux qui la lui ont donnée, à ceux qu'il a écrasés de travail pour en obtenir cette richesse (14).
Souvenez-vous que c'est à vous, peuple anglais, qu'il appartient de dénoncer les erreurs du système social actuel et d'y apporter remède…
Je crois que vous êtes, en tant que nation, en mesure de sauver le monde si vous le voulez. Vous êtes en mesure d'élaborer un véritable ordre social au lieu de l'anarchie qui règne aujourd'hui parmi nous. Vous attaquez l'anarchiste qui tente de s'accrocher à quelque vague rêve ou vision, mais votre société est anarchique, dénuée de règles de conduite véritables, dénuée de l'esprit d'obéissance, dénuée de véritable autodiscipline. Et ce sont là cependant des qualités nécessaires qu'il est en votre pouvoir de développer. Ce sont des qualités qui, si vous le voulez, peuvent être vôtres. Sinon, votre civilisation sombrera comme d'autres ont sombré dans l'antiquité et vous ne récolterez que le fruit de la Mort si vous niez la Fraternité de l'Homme. [150]
Mais votre conception est tout autre si vous admettez la Fraternité. Vous concevez alors la structure d'un système social qui donnera à tous ceux qui sont nés dans son rayon d'action la possibilité de développer toutes les facultés qu'ils auront apportées avec eux en venant au monde. Un système dans lequel tous les membres de la société seront tenus de rendre un service social adapté à leurs facultés, et dont les membres recevront l'aide sociale requise par leurs besoins. La loi de la lutte se transforme alors en loi de la vie. La loi brutale de la lutte pour l'existence devient la loi sociale du sacrifice.


LES FAUX STANDARDS


Nous avons dans nos grandes villes une population qui vit dans des taudis. Le Théosophe voit en cet état de choses non seulement les maux terribles qu'endurent ceux qui y vivent, mais aussi un terrain apte à perpétuer ces maux. Car les hommes et les femmes qui composent cette population, ainsi que l'ambiance même dans laquelle ils vivent, sont favorables à l'incarnation d'Égos qui apportent avec eux des tendances vicieuses et des défauts grossiers. Ces Égos sont inévitablement attirés vers les lieux qui leur offrent les conditions favorables à l'épanouissement de ces caractéristiques. Un pays qui désire éviter que sa population s'accroisse d'éléments ainsi indésirables doit supprimer les taudis et favoriser les conditions d'existence susceptibles d'attirer des types d'âmes plus nobles. C'est ainsi qu'il pourra atteindre à la grandeur nationale ; aucune nation ne peut maintenir sa grandeur si elle tolère l'existence d'agglomérations qui favorisent la réincarnation d'Égos inférieurs, [151] aussi surement que la crasse attire la Maladie (98).
… Une nation devrait multiplier le nombre des bibliothèques, des musées, des galeries d'art, des salles de concert et, d'une façon générale, de tous les lieux où se développent les facultés intellectuelles et esthétiques. Tous ces lieux devraient être des institutions nationales, entretenues sur le budget de la nation et être entièrement consacrées au service de la population (95).
… Il faut élever les pauvres au même niveau que les riches en sorte que tout le monde puisse vivre aisément, et que personne ne jouisse de biens superflus. Il faut élever l'ignorant en lui donnant de l'instruction, afin que tout le monde puisse jouir des trésors de l'esprit. Il faut rechercher les pécheurs, les êtres vils et dégradés et les élever vers la pureté, pour que toute la nation devienne pure, instruite, saine et bien alimentée… Lorsque les membres inférieurs d'une nation sont empoisonnés, le poison se répand dans tout son organisme dont aucune partie ne reste saine. Si un seul homme est pauvre, aucun homme riche ne peut être parfaitement heureux dans la jouissance de sa fortune : Si un seul homme reste ignorant, aucun savant ne peut s'élever au maximum de ses facultés intellectuelles. Si un seul homme est malade, la santé de la nation tout entière s'en trouve affectée (67).
Notre faux standard des valeurs, notre adulation du rang social et de l'or, notre luxe effréné, notre honteuse pauvreté, notre gout de la paresse, nos travaux trop rudes, tous ces éléments combinés ont pour résultat social l'ennui qui règne dans les palais et la bestialité qui règne dans les taudis. Si nous voulons, en tant que nation, être générateurs d'un meilleur [152] Karma, il nous faut changer les conditions de vie qui préparent l'avènement de maux futurs et nous devons, en faisant un effort social, assoir la société sur une base plus saine parce que plus morale. Les classes supérieures et moyennes ont obtenu pour elles-mêmes, de la façon la moins fraternelle, tous les luxes superflus alors que les autres classes manquent du nécessaire. Leur part du Karma national est l'endurcissement de leur conscience, le matérialisme de leur esprit, rétribution naturelle qui, d'un point de vue sacré, est de beaucoup plus terrible que les souffrances physiques des pauvres. Nous ne pouvons éviter la dégradation mentale et corporelle, le dessèchement et le rétrécissement de notre nature la plus haute, qui sont le Karma d'un passé fautif. Mais il n'est pas nécessaire que nous nous contentions de l'admettre, et nous ne devons pas le perpétuer. Si nous nous efforçons d'améliorer le présent, de la somme de nos efforts naitra l'embryon d'un avenir plus noble (99).


L'ÉTHIQUE


Il est évident que notre devoir est de redresser dans la mesure du possible les inégalités de la nature dans la société. Puisque les êtres naissent doués de capacités différentes, diversement forts, différents de caractères, il nous faut faire tout notre possible pour ne pas accentuer ces inégalités, contrairement à ce qui est souvent pratiqué aujourd'hui. Il nous faut essayer de les atténuer et n'en pas créer artificiellement de nouvelles qui les accentueraient encore (31).
Il n'y a pas de différence essentielle entre les droits et les devoirs. Ils sont une seule et même chose envisagée sous deux angles différents. L'un dit : "Ceci [153] est à moi ; je le réclame, c'est là mon droit." L'autre dit : "Ceci est à vous ; je vous le donne ; c'est là mon devoir." Mais l'attitude adoptée est entièrement différente et c'est pourquoi les résultats sont différents. Son premier aspect est agressif, combattif et tend à créer une barrière ; le second est complaisant, pacifique et tend à créer l'unité (73).
Le grand idéal est que tous les êtres soient libres, heureux, satisfaits, qu'ils puissent se développer dans la plénitude de leurs facultés respectives, mais sans jamais cesser d'être au service de tous, pour le bénéfice de tous. C'est ce que nous désirons tous, quels que soient nos sentiments de classes et nous le réaliserons si nous nous unissons pour le bien commun (31).
Aucun système éthique n'est sain s'il ne reconnait pour base et pour loi inviolable des conditions d'évolution, la vie évolutive de l'âme. Les deux principes fondamentaux de la réincarnation et du Karma qui nous sont si familiers sont la base de l'éthique et aucun problème éthique ne peut être résolu sans eux (40).
Je proposerais… une période de préparation pour la société, une période pendant laquelle on produirait tout ce qui est nécessaire à une société cultivée et prospère. Une période pendant laquelle ce travail nécessaire : manuel ou intellectuel (car tout ce qui produit quelque chose d'utile à la nation est considéré comme travail) changera dans une certaine mesure son caractère de pourvoyeur des produits nécessaires à la société humaine et revêtira une forme pour laquelle il sera besoin de plus d'expérience, de plus d'entrainement, de plus de qualités d'esprit et de coeur que l'on ne peut s'attendre à en trouver, ni dans la partie préparatoire de la vie, ni dans cette [154] ère consacrée principalement à la production des besoins d'une société civilisée (24).
Pour orienter l'esprit des Hommes vers l'édification d'une civilisation plus grande et plus noble, pour leur donner l'impulsion nécessaire pour travailler en vue d'un but plus élevé et plus grand, il faut leur faire comprendre ce qu'ont d'intolérable nos conditions de vie actuelles. En faisant cela je ne m'écarte en rien de l'enseignement et de l'exemple de cette femme noble et incomprise à laquelle je dois ce que ma vie a de plus heureux et de meilleur, Mme H. P. Blavatsky.


QUI SE SACRIFIERA ?


Rappelons-nous en premier lieu… que les grandes civilisations anciennes ont péri par suite du contraste violent entre le luxe et la misère et que ce qui est arrivé maintes fois dans le passé peut se reproduire par nous dans le temps présent. Notre civilisation n'est pas plus forte que ne l'étaient celles de Rome, d'Assyrie, d'Égypte. Les mêmes questions se posaient à la civilisation égyptienne que celles qui se posent maintenant à nous, comme si le monde n'avait, en réalité, pas fait de progrès à cet égard. Sur certaines tablettes et sculptures provenant des fouilles, nous trouvons un édit relatif aux salaires des travailleurs ; on leur enjoignait de ne pas se montrer mécontents et de ne pas refuser de travailler parce que leurs salaires ne les satisfaisaient pas. Nous y trouvons aussi des instructions destinées à faire face aux difficultés créées : par ce que nous appellerions aujourd'hui une grève des ouvriers. Ces difficultés sont bien anciennes et le monde ne les a pas encore résolues.
… Il ne sert à rien d'avoir des classes supérieures [155] de la société fortes, vigoureuses et bien nourries si la masse de la population voit détruites sa force et sa vigueur. Là encore se pose un de ces problèmes auquel il est nécessaire de trouver une réponse. Le Sphinx posait une question et lorsque l'homme ne pouvait y répondre, il le dévorait. Il en est de même avec les problèmes de l'organisation sociale. La question est posée et le châtiment imposé pour l'absence de réponse est, pour la civilisation, de disparaitre. Lorsque ceux qui possèdent seront prêts au sacrifice, on verra poindre la nouvelle ère dans le ciel au-dessus de notre tête. Lorsque la richesse, l'instruction et la puissance seront l'apanage d'un trust au service du bien commun, le temps sera alors venu de poser les fondements d'un État plus noble et meilleur. Lorsque l'homme ou la femme qui ont reçu de l'instruction penseront : "Cette instruction qui m'a été donnée, a été achetée au prix de l'ignorance de milliers d'êtres qui ont travaillé afin que je puisse la recevoir, elle leur appartient donc en fait et je dois la leur rendre sous forme d'aide, afin de payer la dette que j'ai contractée envers eux" ; lorsque le riche dira : "Je suis le dépositaire, non le possesseur, de cette fortune créée par le travail de milliers d'êtres ; il faut qu'elle aide au relèvement de milliers d'êtres" ; alors la Fraternité commencera à apparaitre sur la terre. Lorsque les êtres distingués et raffinés comprendront que la distinction et le raffinement doivent être partagés et non enfermés dans des salons comme s'il s'agissait de délicates porcelaines de Dresde dont on ne doit pas se servir de crainte de les casser, lorsque ce jour viendra, nous serons proches du début d'un grand changement social. C'est sur la renonciation et l'abnégation que seront posés les fondements de la grande civilisation fraternelle. [156]
Les hommes ne se contentent plus d'être heureux après la mort ; ils veulent aussi être heureux de ce côté-ci de la mort. Et ils le seront, à moins que la prière que vous, qui êtes chrétiens, dites journellement : "Que Ta volonté soit faite, sur la Terre comme au Ciel" ne soit qu'une prière des lèvres, et ne corresponde pas à une réalité. C'est sur la terre que doit venir la nouvelle civilisation, sur la terre que la Fraternité doit être réalisée, que les nations de l'avenir doivent être construites sur le modèle de la famille et non sur celui des bêtes fauves luttant dans la jungle (100).
On ne peut construire une nation heureuse avec des hommes et des femmes frappés par la misère. On ne peut bâtir un État heureux avec des hommes et des femmes sans instruction, qui ne comprennent pas les conditions dans lesquelles ils vivent. La noblesse de caractère, le gout de la coopération, le constant souci d'autrui, telles sont les conditions nécessaires au bonheur et à la prospérité.


LA SOCIÉTÉ EST UNE FAMILLE


Le manque de conscience sociale crée une grande difficulté. Les richesses sont produites en masse ; mais où est la Fraternité qui devrait les utiliser pour le bien de tous ? Où est l'amour qui essayerait de les employer au bénéfice de tous ? Où est le sens du devoir social qui permettrait de comprendre que ceux auxquels les conditions sociales permettent de réaliser des gains devraient utiliser ces gains pour la société et non pour eux seuls ? Où, en un mot, est le sens de l'amour, le sens du devoir, la conscience sociale qui seuls peuvent élever une nation jusqu'à la grandeur [157] et répandre sur elle le bonheur en faisant participer chacun au bienêtre commun ?
Les hommes sont doués de pouvoirs différents selon les individus. Les devoirs qui leur incombent doivent donc être aussi divers. Nous avons la tâche de trouver comment une société graduée peut correspondre aux graduations de la nature pour que tous les êtres soient heureux, possèdent suffisamment et puissent développer entièrement leurs qualités innées… Là est le problème… Il faut faire en sorte que les ainés supportent les responsabilités et les charges et que les plus jeunes puissent être formés par l'amour, la sagesse et les soins (101).
… On s'apercevra que dans la civilisation qui est devant nous et vers laquelle nous nous dirigeons, l'idée de la société en tant que famille dominera une fois de plus la pensée du monde. Il a été nécessaire de développer l'individu et ses droits, mais cela ne peut durer. C'est ce qui a donné naissance à notre civilisation de combat, d'antagonisme, d'isolement au point que, comme je l'ai déjà dit, nous semblions être des bêtes de la jungle et non une société d'êtres humains régis par la loi du sacrifice mutuel. Il était donc juste que cette civilisation fût génératrice de conflits : lutte d'individu à individu, lutte de classes, lutte de la nation contre le gouvernement et du gouvernement contre la nation. Il était juste qu'elle
trouvât son apothéose, et le commencement de sa fin, dans la terrible guerre dont les résultats se font encore sentir au nom de la paix.


LA JUSTICE SOCIALE


La justice est ibn matériau essentiel à la construction d'un édifice social. Elle est, en vérité, l'une des [158] conditions d'une Fraternité perdurable. Nous avons bien des unions et des Fraternités locales : fraternité d'employeurs, fraternités pour les oeuvres philanthropiques, fraternités de toutes sortes. Mais ce que nous voulons, c'est une Fraternité nationale, puis une Fraternité internationale et cela jusqu'à ce que l'Humanité soit unie en une puissante Fraternité universelle. Il faut donc que nous pensions à la Justice tout autant qu'à l'Amour et ils ne sont l'un et l'autre que les deux aspects d'une même chose… Que veut dire la Justice ? Cela signifie que chaque homme recevra ce qui lui est dû, que toute créature recevra ce qui lui est dû. Et la mesure de ce qui est dû à toute créature est, d'une part ses besoins, d'autre part son utilité dans l'union sociale. Ces deux éléments doivent être pris en considération. Tout enfant a droit aux conditions de vie qui lui permettront d'atteindre le parfait développement de toutes les qualités qu'il a apportées en venant au monde. C'est là la condition de la justice sociale aussi bien que de la Fraternité et nous l'instaurerons graduellement parmi nous (31).
La nouvelle Civilisation du Droit et de la Justice, et, par conséquent, de la Fraternité, de la Liberté dirigée, de la paix, du bonheur, ne pourra être édifiée tant que l'on ne se sera pas débarrassé des éléments qui ont amené l'ancienne civilisation à s'écrouler autour de nous. Il est par conséquent nécessaire que la guerre soit conduite jusqu'à l'obtention de l'objet qui lui a été fixé et qu'une paix prématurée ne vienne pas l'empêcher de l'atteindre. Il faut que l'autocratie et la bureaucratie soient anéanties, en Orient et en Occident, et pour qu'elles ne laissent pas derrière elles de semences susceptibles de regermer plus tard, il est nécessaire de les discréditer dans l'esprit des hommes. [159] Il faut leur démontrer que ces systèmes sont moins efficaces qu'un gouvernement de peuples libres et cela même dans l'exercice de leur jeu favori, qui est la guerre, dans leur mécanisation d'acier qui, au début, apporte une prospérité et un succès artificiels ; il faut leur démontrer que ces systèmes sont moins durables et moins efficaces que l'organisation vivante et souple des peuples démocratiques. Il faut proclamer leur échec à la face du monde afin que l'illusion causée par des succès superficiels puisse être détruite à jamais. Ces systèmes ont eu leur temps, ils ont eu leur place dans l'évolution mais maintenant leur travail éducatif est terminé. Ils sont maintenant démodés, inaptes à suivre et ils doivent disparaitre (102).


UNE LEÇON D'ÉGALITÉ


La grande leçon d'égalité que nous a enseignée la guerre a été, je pense, qu'un homme doit être jugé selon sa valeur et non selon la position qu'il occupe sur l'échelle sociale actuelle ; on s'est aperçu que des hommes de tous rangs s'engageaient volontairement pour le front, qu'ils étaient prêts à se sacrifier, qu'ils étaient mus par le même idéal. Le monde a ainsi appris qu'il faut voir un homme ce qu'il est et non ce qu'il a comme parure extérieure ou comme rang social. Les hommes ont lutté côte à côte dans les tranchées, se sont élevés du rang de soldat au grade d'officiers lorsqu'ils se distinguaient parmi leurs compagnons ; ils y ont appris la confiance mutuelle ; ils y ont compris qu'aucun homme ne peut être seul, qu'il a besoin d'être épaule contre épaule avec ses frères. Il ne doit certainement pas être impossible de transposer [160] cette leçon en temps de paix. Ceux qui ont senti, dans les tranchées, qu'ils avaient besoin les uns des autres conserveront certainement le même sentiment lorsqu'ils retourneront à la vie civile. Et ce n'est pas seulement dans les limites de la Nation mais dans celles, plus vastes, du Commonwealth, que les hommes devraient se rendre compte de leur unité, qu'ils devraient comprendre que l'égalité et la diversité vont la main dans la main pour enrichir la société et non pas pour la rendre monotone. Est-il déraisonnable d'espérer que ceux qui ont appris cette leçon pendant la guerre pourront l'utiliser pour la réorganisation de la Société que devra maintenant réaliser toute grande nation, qu'ils donneront à cette leçon de nouvelles applications et qu'ils en adapteront les principes dans la vie civile ? En sorte que, soit dans les limites de la nation soit dans celles du Commonwealth, soit dans les petites iles, soit dans les vastes territoires d'outremer, les hommes comprendront qu'ils ont besoin les uns des autres ; ils reconnaitront leur unité essentielle et, par suite, l'égalité essentielle en dépit des différences et des diversités ; ils pourront ainsi édifier ce qui n'a jamais été vu dans notre monde : un Commonwealth des nations, digne de perdurer et qui sera un pas en avant sur la route qui conduira, en définitive, au Commonwealth de toute l'Humanité. Là est le grand espoir qui se fait jour au-delà des étapes intermédiaires nécessaires (31).


LE CONTRÔLE DE SOI-MÊME


L'instinct sexuel, que l'homme a en commun avec la bête, est l'une des sources les plus abondantes de misère humaine et la satisfaction de ses exigences [161] est à la racine de bien des maux de l'Humanité. La tâche à laquelle l'Humanité devrait s'astreindre serait de soumettre cet instinct au contrôle complet de la volonté, de développer les qualités intellectuelles aux dépens de la nature animale et d'élever ainsi l'homme du plan de la bête à celui de l'être humain. Le développement excessif de cet instinct chez l'homme, chez qui il est beaucoup plus fort et beaucoup plus permanent que chez l'animal, doit être combattu. Or, il ne sera certainement jamais amoindri par l'indulgence facile qui règne dans les relations conjugales et en dehors d'elles. Son anormal développement actuel est dû au fait que cette indulgence a permis, depuis bien longtemps, à toutes les pensées, les imaginations et à tous les désirs sexuels de créer chez l'homme une forme de pensée adéquate à laquelle se sont adaptées les molécules du cerveau et du corps qui déchainent maintenant la passion sur le plan matériel. Seule la voie du contrôle de soi-même et du renoncement permettra aux hommes et aux femmes de créer les éléments qui, lors de leur futur retour sur la terre, leur permettront d'avoir un corps et un esprit plus élevés. Plus tôt ces éléments seront fixés, plus tôt les résultats s'en feront sentir. C'est pour cette raison que les Théosophes doivent insister sur la continence dans le mariage et sur la limitation des relations maritales aux besoins de la perpétuation de la race (103).


LE TRAITEMENT DES CRIMINELS


D'autres questions doivent aussi être soulevées… Celle de la criminologie, celle du traitement à réserver à la population criminelle. Il faut se souvenir de la loi du Karma et l'accepter lorsqu'on s'occupe de la criminalité. [162] Il faut maintenir les criminels sous une contrainte ferme mais non cruelle, éducatrice et non vindicative, leur inspirer des désirs meilleurs qui pourront, dans une autre vie, s'épanouir en bonnes actions. Il ne faut pas haïr le criminel, il ne faut pas le mépriser ; il n'est qu'ignorant. Vous avez été des criminels en d'autres temps et ce sont vos propres expériences qui vous ont élevé à votre condition respectable actuelle. Le criminel aussi est un Dieu en formation, il est seulement plus jeune en son cycle de temps et d'espace (27).
Nous fabriquons des criminels à une cadence rapide. Nous prenons des jeunes gens et des jeunes femmes et nous les envoyons en prison pour une semaine, pour un mois, pour un an, pour cinq ans, pour dix ans. Ces peines s'accumulent en sorte qu'elles arrivent à dépasser la durée de la vie physique du délinquant récidiviste. Mais tout cela n'a rien fait pour guérir l'homme, cela n'a rien fait pour le convertir en un brave et utile citoyen. La loi, lorsqu'elle le prend dans son étreinte, devrait faire de lui un homme meilleur. Au lieu de cela, elle le poursuit encore et encore, en sorte que l'habitude du crime, que la loi a largement contribué à créer, soit invoquée par les magistrats pour lui infliger une pénalité plus lourde. Cela n'est pas de la sagesse ; c'est de la folie. On voit souvent un garçon vif et intelligent, plein de courage, se laisser aller à commettre une faute. Il n'a qu'une chance sur cent d'être sauvé et de ne pas glisser graduellement vers les rangs des criminels endurcis. Il doit certainement exister, au stade de civilisation auquel nous sommes parvenus, de meilleures façons de procéder (24).
La pénalogie devrait être basée sur la réincarnation… Le criminel devrait être traité comme un jeune frère, il faudrait l'empêcher de nuire à autrui, lui apprendre un travail utile dans des colonies de travail ; [163] ainsi qu'on l'a tenté dans des expériences heureuses faites en Amérique, on lui donnera des habitudes de travail, de ponctualité, d'ordre ; sa vie ne sera pas une punition mais un apprentissage qui le stimulera et le remplira d'espoir au lieu de l'abimer dans le désespoir (104).
Lorsqu'un homme a souffert pour le crime qu'il a commis, lorsqu'il a accompli son temps de prison et que la loi l'a remis en liberté, il ne faudrait pas le marquer socialement de telle sorte qu'il devienne un criminel permanent, mais au contraire l'aider à s'élever vers une vie meilleure. On dit qu'en Birmanie la population est très immorale parce qu'elle a coutume de traiter les prisonniers libérés sans faire aucune distinction entre eux et les autres. Mais le Birman vous répond : "Cet homme a mal agi, il a payé le prix de sa faute. Pourquoi continuer à le punir lorsqu'il est sorti de prison ?" Il faut se souvenir des liens de la Fraternité lorsqu'ils sont rendus à la vie libre dans un monde qui les considère avec mépris et méfiance. Il faut les aider comme on aiderait un jeune frère tombé à se relever, et ne pas les cantonner dans la classe des criminels parce que la vie difficile et dure a fait qu'ils y sont tombés une fois (28).

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