LES BASES DU MONDE NOUVEAU
20 - L'ÉDUCATION
20. Une éducation bien dirigée étant essentielle au développement d'un bon citoyen, comment définir l'éducation idéale dans ses rapports à la fois avec l'individu et avec la nation ? Quel est cet idéal dans l'ordre nouveau ?
… L'éducation a pour objet de former un homme dont les facultés auront été soigneusement cultivées selon leurs orientations respectives, et de lui faire acquérir ainsi la finesse de pensée, le pouvoir d'attention soutenue, l'habitude de se cultiver mentalement, c'est-à-dire tout ce qui différencie un homme instruit de celui qui ne l'est pas et qui est absolument nécessaire au progrès de la race si le progrès intellectuel est appelé à devenir la base du futur développement spirituel (126).
J'envisage la civilisation des temps futurs… une civilisation de camaraderie, où les individus se rencontreront sur le terrain social, où ils seront tous instruits et accoutumés aux bonnes manières, à la courtoisie et au charme de la vie humaine… Si l'on se sent la volonté et le courage de réaliser cet idéal, l'on pourra instaurer un système d'éducation qui changera la face de la civilisation. La vie sera alors réellement digne d'être vécue, ses buts seront nobles, son ambiance sera faite de beauté, ses réalisations seront grandes. [205]
La vie y sera celle que l'homme est capable de mener, celle à laquelle il est destiné.
L'éducation devrait être conçue de façon à permettre à tous ceux qui viennent au monde de développer au maximum leurs qualités respectives. C'est l'éducation qui est la source de la culture, tant de celle de l'individu que de celle de la nation ; et la culture est l'application dans le domaine de la vie humaine et dans celui du progrès de l'Humanité, de ce que nous avons appris (23).
Je suis de ceux qui maintiennent que l'éducation est l'un des droits de l'enfant. Et si vous me demandez où l'on prendra l'argent nécessaire pour instruire tous les enfants pendant une période aussi longue, je répondrai que l'argent consacré à l'éducation est un placement plutôt qu'une dépense ; et ce placement rapporte un intérêt des plus utiles à la nation qui s'est risquée à le faire (21).
LES HUMANITÉS
La grande différence, à mon avis, entre l'instruction et la culture est que l'instruction est ce qu'une personne peut donner à une autre tandis que la culture est la faculté dont fait preuve un individu d'appliquer les éléments et le savoir acquis par l'instruction à tout ce qui l'entoure. La culture signifie une large tolérance, le jugement loyal et impartial, la reconnaissance du bien qui réside en tout, et l'absence d'antagonisme envers d'autres êtres pour la raison qu'ils sont nés sur un autre morceau de la surface du, globe. En cela réside sa grande valeur.
La science, pour estimable qu'elle soit, tend vers une trop grande spécialisation, vers la perfection dans une seule voie et néglige l'acquisition d'un vaste savoir. [206] C'est pour cela que l'on a donné le nom d'Humanités aux études du passé, expression juste, à mon avis. Les hommes qui ont étudié les peuples anciens et leur littérature apprennent à admirer et à apprécier les pays autres que le leur et j'espère que notre Université mondiale poussera ce système encore plus avant (118).
… L'idéal du système d'éducation futur serait que chaque enfant ait la possibilité, dans le pays où il est né, de développer tous les dons qu'il a apportés avec lui par la porte de la naissance. Telle est, et rien moins que cela, l'éducation qu'il devrait recevoir. Je vais plus loin encore. Je prétends que l'enseignement doit être gratuit pour tous les enfants des citoyens d'une nation et non seulement l'enseignement primaire mais aussi l'enseignement supérieur et celui de l'Université lui-même. La richesse et les facultés d'intelligence ne vont pas toujours de pair. On ne trouve pas toujours dans une même famille les capacités et l'argent. Et ce sont les capacités dont il fait preuve pour l'enseignement supérieur qui donne à l'enfant ou, à l'adolescent le droit à cet enseignement (86).
Il est un principe dont il est nécessaire de se souvenir constamment et qui doit dominer les pensées des éducateurs. L'enfant qui est remis à ses mains n'est pas une feuille de papier blanc sur laquelle il peut écrire ce qu'il veut. L'enfant apporte avec lui un caractère déjà formé et le rôle de l'éducateur est davantage d'en tirer des possibilités que de lui en donner. Platon a dit que "le savoir est une réminiscence" et bien que beaucoup d'individus dans le monde moderne ne soient pas prêts encore à accepter la vérité sur laquelle est basée la pensée antique, la vérité de la réincarnation, il est pourtant certain, du [207] point de vue le plus matériellement scientifique, que, comme Buchner l'a dit : "la nature est plus forte que
l'aliment". L'éducateur doit découvrir la meilleure façon de collaborer avec la personnalité innée de l'enfant, il doit permettre aux facultés qui s'y trouvent déjà de se manifester et de s'accroitre, il doit renforcer ce qui est bon et éliminer ce qui est mauvais, il doit enfin travailler, de l'extérieur, la matière plastique de ce cerveau neuf, de même que l'âme de l'enfant y travaille de l'intérieur. C'est là la haute fonction du maitre, sa grande responsabilité (77).
Il me semble que le problème de l'éducation a, justement en ce moment, une importance énorme du fait que nous allons modifier notre système social et ce fait est patent si vous regardez autour de vous. Que vous le vouliez ou non, un immense changement est en marche vers l'horizon social… Il nous donnera une société où la collaboration prendra la place de la compétition, où l'assistance mutuelle remplacera l'état de choses qui permet aux plus capables et aux plus forts de jouir d'avantages déloyaux sur les plus faibles. La société sera remodelée sur l'idéal de la famille ; elle ne consistera plus en l'homme isolé qui lutte pour lui-même et qui pense à ses droits plus qu'à ses devoirs.
Il nous faut élargir l'idée que nous nous faisons de la famille pour tenter de réaliser ce grand enseignement oriental qui dit que tous les ainés sont nos parents, tous nos contemporains nos frères ou nos soeurs et tous nos cadets, nos enfants ; en sorte que nos relations avec la société seraient faites d'amour, de service et d'aide et l'on cesserait d'assister à l'anarchie actuelle, où l'homme combat pour sa situation, combat pour la richesse, combat pour la propriété individuelle à son seul profit et ne pense que bien peu à ceux qu'il est amené à piétiner au cours de ces combats. [208]
L'ÉDUCATION CRÉATRICE
C'est à l'éducation qu'il appartient de dégager l'idée de la création heureuse de quelque chose qui soit, apte à augmenter le confort, la prospérité et le bonheur de l'espèce humaine. Ce qu'il faut, par-dessus tout peut-être, enseigner aux enfants c'est que le bonheur ne réside pas dans le nombre des possessions dont on jouit, que le succès ne consiste pas à accumuler dans quelques mains une énorme richesse d'objets matériels, d'objets périssables, d'objets dont le nombre est limité et qu'il faudra, par conséquent, toujours lutter pour posséder, mais que le succès consiste à s'élever soi-même au-dessus de la lutte. La vraie richesse réside dans le coeur et dans l'esprit ; elle ne consiste pas à amasser autour de soi tant d'objets que la maison finit par ressembler à un bazar plutôt qu'à un lieu habitable. Il faut enseigner aux enfants que la simplicité de la vie physique, la grandeur et la richesse des possessions mentales et morales sont le résultat de l'éducation et qu'elles feront la joie de celui qui aura ainsi acquis ces qualités.
Notre système d'éducation devrait être orienté de façon à apporter à l'enfant tout ce qui peut stimuler en lui les bons germes, et tout ce qui est en mesure d'éliminer petit à petit tout ce qui pourrait stimuler en lui les mauvais germes. L'entourage de l'enfant devrait, par conséquent, être tout amour et tout raffinement, toute douceur et toute considération vis-à-vis d'autrui (24).
Je plaide pour une éducation qui enseignera à la jeune génération dont le coeur est chaud, dont l'enthousiasme est facilement éveillé, dont les émotions [209] sont rapides et peuvent être guidées par un idéal élevé de service social et de réforme des abus scandaleux, je plaide pour une éducation qui incite ces jeunes gens à extirper toute cette misère et qui, leur ayant fait comprendre leurs devoirs de citoyens, les laissera prêts à travailler pour la rédemption du peuple (23).
Le corps, les émotions, l'intellect, l'esprit ; tels sont les éléments de la constitution humaine telle qu'elle est conditionnée dans notre monde. L'éducation doit être conçue et adaptée de façon à ce que chacun des éléments de ce tout complexe soit entrainé et stimulé à se développer et à évoluer. Et lorsque nous étudions l'homme, nous voyons que tous ces éléments sont dans la Nature et qu'ils marquent l'enfant au fur et à mesure de sa croissance ; nous comprenons alors qu'un système d'éducation qui exclurait un seul de ces éléments serait fondamentalement défectueux et ne réussirait pas à cette évolution générale qu'il est de son rôle d'aider l'être humain à réaliser (21).
Ce que nous devons faire ensuite, c'est donner à l'enfant toute possibilité de choisir ce qu'il veut savoir. Je veux renverser complètement notre système d'éducation. Je ne vois pas pour quelle raison des maitres, qui savent beaucoup, questionnent les enfants qui savent très peu. Je veux que ce soit l'enfant qui pose des questions et le maitre qui y réponde, parce que l'enfant pose des questions sur les choses que lui veut savoir et qu'il est impatient de connaitre (24).
… On devrait apprendre à chaque enfant à se servir de ses doigts ; tout enfant devrait faire un apprentissage manuel car il n'est que la moitié d'un être humain s'il n'a qu'un cerveau et des sens et s'il manque des organes qui
peuvent lui permettre de réaliser ce [210] que lui montrent ses sens et ce que son cerveau désire accomplir (31).
Ce que l'on appelle l'orientation professionnelle, dans le sens exact de ces mots, est nécessaire pour que tous les individus d'une nation puissent trouver la sphère de travail qui leur correspond. Ils font ainsi le travail auquel ils sont aptes et dont, par conséquent l'accomplissement leur est une joie au lieu de leur être un esclavage, comme c'est à l'heure actuelle trop souvent le cas. Je suggère donc que la période d'instruction couvre toute la jeunesse de l'individu et soit générale dans sa première partie, professionnelle dans la seconde. Je suggère aussi que l'instruction soit continuée tant qu'elle est utile au développement des facultés, c'est-à-dire, approximativement, qu'elle dure pendant les premières vingt-et-une années de la vie (14).
Il faut considérer les trois grandes divisions d'âge dans une nation. Les vingt-et-une premières années devraient être consacrées à former le citoyen, c'est-à-dire à l'instruction de l'enfant, de l'adolescent et du jeune homme (ce terme "homme" désignant, pour simplifier, garçons et filles). Ce serait donc la période d'éducation.
Puis, à l'autre extrême de la vie, la vieillesse, pour laquelle la question du gagne-pain ne devrait pas se poser davantage que pour l'enfance, car l'apport de la vieillesse dans une nation est l'expérience et le savoir obtenus par la vie. Les vieillards devraient être les conseillers de la nation, en même temps, évidemment, que des hommes mûrs et des jeunes afin que l'avenir puisse être envisagé aussi bien que le passé.
Et la période moyenne de la vie, comprise entre vingt et un ans et le début de la vieillesse qui varie selon les individus, serait celle consacrée au gain du [211] pain quotidien et ne devrait empiéter sur l'une ou l'autre de ces limites. Le devoir des jeunes est d'étudier pour devenir de bons citoyens. Le devoir des hommes mûrs est de vivre leur vie de citoyens et de remplir loyalement leurs devoirs. Le devoir des vieillards est de rendre tous les services possibles à la nation qui les a élevés et qu'ils ont servie.
Je suggère l'idée d'une classe sociale de laquelle viendraient les prêtres ou, plutôt, d'une classe sociale qui serait l'instructrice de la nation dans tous les domaines de la pensée et de la vie. Elle comprendrait les savants et les médecins, les philosophes et les métaphysiciens, tous les hommes instruits, les penseurs, les artistes de la nation. Ils sont réellement les éducateurs du peuple, en dehors des professeurs des écoles, collèges et universités. Cette classe est nécessaire au progrès et à la prospérité de la nation. Elle n'a pas besoin de grandes richesses ; elle a besoin d'un grand savoir et de sagesse. Le devoir de ceux qui la composent est de faire partager à autrui ce qu'ils ont découvert par leur intelligence, ce qu'ils ont formulé pour éclairer le monde. L'intelligence illuminée par l'esprit est le guide de la vie spirituelle du peuple et sans cette vie spirituelle aucune civilisation n'est durable. Les idéaux matériels seuls ne pourront jamais élever une nation à une existence durable. Il faut porter devant soi l'idéal spirituel, ce qui signifie l'Unité dans le Tout.
… Une nation doit avoir ses hommes d'État, sa législature, son armée, sa marine et sa police, bien que j'espère que les fonctions de ces trois derniers éléments deviendront de plus en plus légères au fur et à mesure que les devoirs des instructeurs seront plus complètement et plus justement remplis (30). [212]
LES ÉLÉMENTS ESSENTIELS DE L'ÉDUCATION
L'éducation a pour but de déceler les facultés inhérentes à la nature de l'enfant, de développer toutes ses possibilités intellectuelles ou morales et de lui donner des forces, physiquement, émotivement, mentalement et spirituellement de façon à ce que, à la fin de ses études, il se trouve être devenu un individu utile, patriote et pieux, se respectant lui-même et respectant ceux qui l'entourent. L'éducation échoue là où elle se borne à farcir la tête de l'enfant d'une quantité de matières sans liens entre elles, qui ont été jetées dans sa tête comme dans un panier qu'il videra dans la salle d'examens et remportera vide avec lui. C'est une instruction défectueuse que celle qui laisse un enfant, après l'examen, dans un état de dépression nerveuse, épuisé physiquement et surmené mentalement. Lorsque l'étudiant quitte le collège, il devrait être plein de vie, de vigueur, d'énergie, plein de la joie de sa jeune vie et prêt à endosser le fardeau du travail. Il ne devrait être ni surmené ni exténué lorsqu'il termine ses études.
Le développement physique de l'enfant a droit, dans son éducation, à une part aussi importante que le développement de son esprit. Son corps devrait être entretenu frugalement et simplement afin qu'il devienne fort et sain et non indolent et paresseux ; il devrait pratiquer la gymnastique et les jeux de toute sorte. Il devrait être habitué à considérer son corps comme un futur instrument de travail envers lequel il a des devoirs, devoirs qui font partie de ceux qu'il a envers son pays et envers lui-même. Les établissements [213] enseignants qui n'inscrivent pas à leur programme l'éducation physique ne font pas leur devoir.
Quelles sont les qualités qu'il convient de développer particulièrement chez les jeunes ? Ce sont la vivacité de pensée, la rapidité d'adaptation à toute situation, la promptitude de décision et d'action, la sureté du jugement. Ces qualités sont nécessaires à un bon citoyen et ce sont elles que développe particulièrement la pratique des sports et des jeux.
Il est nécessaire que notre Éducation nationale donne une place importante à ce que l'on appelle "l'éducation morale"… Il faut apprendre aux enfants à cultiver l'émotion dans le sens de l'amour, émotion qui devient vertus. Il faut leur apprendre à décourager l'éclosion de l'émotion dans le sens de la haine, émotion qui devient vices. Il faut leur apprendre à aimer leurs camarades comme s'ils faisaient partie de leur famille et à aimer leur pays comme s'il faisait partie de leur famille. Il faut leur enseigner que la vie nationale dépend de l'unité de l'organisme que nous appelons nation.
Je voudrais vous rappeler que ce qui est le plus nécessaire dans l'éducation intellectuelle est le domaine de la science ; il est plus nécessaire que le domaine purement littéraire, car l'instruction qui en résulte augmente les ressources productrices du pays et ne conduit pas uniquement aux professions intellectuelles. Je ne veux pas dire que celles-ci ne soient pas nécessaires au bienêtre de l'État. Elles sont absolument nécessaires, mais elles ne doivent pas absorber la totalité des brillantes intelligences du pays en laissant sans aliment l'autre côté de la vie nationale qui est également nécessaire au bienêtre du peuple (77) [214]
LE RÔLE DE L'INSTRUCTION DANS LES MOYENS D'EXISTENCE
… Nous avons besoin d'un grand nombre de jeunes femmes et de jeunes gens disposés à se sacrifier au service des enfants de la nation et à donner leur vie pour instruire les pauvres. Ils doivent leur donner une instruction adaptée à la vie qu'ils mèneront plus tard, un apprentissage qui fera d'eux de meilleurs paysans ou de meilleurs artisans, non des employés, et qui les rendra aptes à entreprendre n'importe quel travail manuel (127).
C'est l'affaire de l'homme que de rendre respectables ses moyens d'existence et cette respectabilité ne ressort pas de la nature de ces moyens d'existence, mais de celle de l'homme. Un homme d'un caractère élevé, qui
a un noble idéal, qui mène une vie pure, peut rendre n'importe quel métier respectable et il ne faut pas oublier qu'un métier qui contribue à la prospérité nationale est plus respectable que celui qui n'y contribue pas.
Ce qui fait grande une nation, au point de vue matériel, ce ne sont pas les professions intellectuelles ni les fonctions gouvernementales, mais l'agriculture scientifique, les usines bien organisées, les arts et métiers bien conçus et les innombrables formes du travail qui contribuent à la richesse nationale (128).
L'apprentissage pratique devrait être beaucoup plus poussé dans les écoles qu'il ne l'est aujourd'hui. Il faudrait insister constamment sur le fait qu'aucune activité humaine n'est, par sa nature même, plus noble qu'une autre, que l'homme qui utilise bien ses mains est aussi honorable, ce faisant, que celui qui utilise [215] bien son cerveau. Ce qui est déshonorant, c'est qu'un travail, qu'il soit manuel ou intellectuel, soit mal fait. Une des marques de l'esprit destructif est la phrase : "Oh, c'est bien assez bon comme cela ; cela ira !" Rien ne peut aller si ce n'est fait aussi bien qu'on peut le faire ; sinon, c'est du travail de pacotille, dégradant par lui-même. Ce n'est pas le genre de travail qui rend honorable ou méprisable ; c'est l'esprit dans lequel on le fait et la qualité du travail une fois terminé. Tant que l'on n'aura pas obtenu cet état d'esprit dans toute la nation – qui n'existe pas à l'heure actuelle – tant que l'on ne pourra pas rendre au travailleur la dignité de l'artiste et tant que l'on n'évitera pas que chaque menuisier donne à son fils une instruction superficielle pour en faire un employé au lieu d'un ouvrier, désorganisant ainsi la corporation et surchargeant les bureaux, tant que l'on ne rétablira pas l'équilibre entre le devoir humain et le travail humain, il y aura peu d'espoir d'une société saine et bien portante.
Le plus grand danger pour les nations dites démocratiques est qu'elles n'ont pas le sens de la discipline, ni le sens de l'ordre, ni le sens de l'obéissance. Et sans ces éléments, une nation ne peut être grande… Sans discipline, sans ordre, sans obéissance, il n'y a pas de possibilité de grandeur. Mais toutes ces qualités sortiront d'un système d'éducation définitivement basé sur les idées de Fraternité, de réincarnation et de loi (92).
L'esprit de compétition continuel qui marque l'ensemble de cette civilisation de la cinquième sous-race, cet esprit de compétition auquel nos enfants eux-mêmes sont habitués dès l'école et qui dresse les êtres les uns contre les autres, doit être changé. Il faut apprendre à nos enfants que la force de leur cerveau et [216] la force de leur corps ne leur a été donnée que pour qu'ils l'utilisent pour aider les faibles et pour servir, et c'est là l'idée de la prochaine sous-race et de la prochaine Race (111).
Habituez les enfants à réfléchir d'abord et de former ensuite une opinion, à ne pas appeler tout d'abord et à se demander ensuite pourquoi ils ont appelé. C'est là un mauvais entrainement moral. Il place l'enfant sur une fausse route et lui enlève ce sens profond de la responsabilité qui devrait résider dans le coeur de tous ceux qui se mêlent à la vie politique. Souvenez-vous de ce que cela signifie que de jouer à la politique. Souvenez-vous que cela signifie jouer avec la propriété, jouer avec la liberté, jouer avec la vie des hommes. Les chefs de l'arène politique doivent se souvenir de tout cela lorsqu'ils prennent la responsabilité d'appeler des hommes à l'action (128).
La politique est une affaire très sérieuse. Elle joue avec la vie de l'homme, avec l'honneur de la femme, avec la sécurité de la vie et de la propriété, avec la stabilité de l'ordre social et je ne suis pas disposée à confier ces hautes charges à des écoliers et à des étudiants. Je les lâcherais plutôt dans un laboratoire plein d'explosifs que dans le tourbillon de la vie publique où ils pourraient, par simple excitation et sottise, provoquer des émeutes où des vies seraient perdues et des biens détruits (77).
L'ÉDUCATION NATIONALE
Quel est le but de l'éducation ? Selon moi, son but est de former de bons citoyens pour la vie de la nation, de développer les qualités nécessaires à l'exercice de ce civisme. Je crois que le système d'éducation devrait [217] tendre non seulement à former l'individu mais aussi à le former par rapport à ses concitoyens, à développer graduellement les caractéristiques et les qualités qui font que l'enfant, devenu adulte, peut contribuer au bonheur de la société dans laquelle il vit. Il me semble que cet objet de l'éducation ne devrait jamais être perdu de vue. Jusqu'à quel point l'instruction que vous donnez à un enfant le rend-elle apte à entrer dans la société ? Jusqu'à quel point pouvez-vous, pendant la période où l'enfant dépend des autres et avant qu'il ne se mêle à la vie de la nation, lui donner une éducation qui fasse de lui un citoyen dans toute l'acceptation du terme, un homme ou une femme apte à vivre en société.
Plus nous sommes amenés à vivre en commun et plus nous devons nous adapter à ceux avec lesquels nous vivons, plus nous devons apprendre la grande leçon de la collaboration avec nos compagnons et plus nous devons nous efforcer de développer notre caractère, d'accroitre notre culture, de raffiner notre nature en sorte d'être véritablement aptes à vivre agréablement et utilement dans la société de nos semblables (21).
C'est un idéal que je décris ici ; mais j'espère que je le verrai réalisé quelque jour, lorsque l'on aura compris que l'éducation de la jeunesse d'un pays est un devoir national dont dépendent le bienêtre, la prospérité et la grandeur d'une nation.
Je demande que l'instruction soit également répartie entre les jeunes d'une nation, variée dans ses modes, de façon à s'adapter aux capacités variées des enfants et aux intérêts variés du pays, mais que cette instruction, poursuivie pendant les vingt et une premières années de la vie, forme des hommes et des femmes capables de supporter le poids du domaine de la production [218] par leurs cerveaux et par leurs mains, capables d'associer leur travail du fait qu'ils ont un fond commun de connaissances et qu'ils ont tous reçu cette culture qui est la fleur de l'instruction, dont elle dépasse de beaucoup le simple programme. Nous aurons alors une véritable démocratie où les êtres se rencontreront sur le terrain social aussi bien que sur celui du travail où ils sauront manifester de la sympathie pour leurs gouts respectifs, où ils reconnaitront la nécessité des devoirs réciproques, de la courtoisie, de la gentillesse réciproque et où il ne sera pas considéré nécessaire qu'une certaine classe de travailleurs soit grossière d'aspect, de vêtements et de manières, tandis qu'une autre classe de la société sera considérée comme l'antithèse de la précédente et comme l'élite de la nation.
… L'éducation nationale doit toucher tous les enfants de la nation. Certains envisagent, pour réaliser cela d'admettre toutes les classes de la société sans distinction sur les bancs des mêmes écoles et de faire assoir l'enfant du balayeur à côté de ceux des gens cultivés et raffinés. Le sentiment qui les inspire vient d'un coeur aimant, mais leur tête n'a certainement pas suffisamment réfléchi. Il y a un abime entre ces classes du point de vue du langage des manières, de la propreté. L'existence de cet abime est peut-être regrettable (si tant est que tout ce qui touche à l'évolution soit regrettable), mais il existe. Jeter des enfants influençables, qui ont été soigneusement tenus à l'écart des gros mots et des mauvaises manières, au contact étroit d'enfants élevés dans une société dépravée et habitués à la grossièreté de langage et d'action serait de la folie… Il faut niveler par le haut et non par le bas ; il faut élever l'inférieur à un niveau supérieur et non pas abaisser le supérieur à un niveau inférieur. [219]
On ne peut annuler des siècles de culture sur la demande de philanthropes devenus fous. Les enfants de toutes classes doivent recevoir l'instruction, mais adaptée aux besoins de chacune de ces classes. Si une instruction appropriée était mise à la portée de tous les enfants d'une nation, le devoir national serait accompli (77).
Il est indispensable au succès de tout mouvement qui aide à la formation d'une nation que ce mouvement soit dirigé par des individus possédant une grande noblesse de caractère. Quelque excellent que puisse être un mouvement et même s'il tend vers le but le plus noble, il échouera s'il n'est dirigé par des hommes d'un caractère élevé, droits et sincères. On ne peut construire une bonne maison avec de mauvaises briques ; on ne peut construire une grande nation avec des citoyens mauvais ou indifférents.
Il est par conséquent d'une importance vitale que l'éducation donnée par une nation à sa jeunesse comprenne la formation du caractère par des méthodes religieuses et morales. Une éducation qui laisse de côté la religion et la moralité n'est pas vraiment une éducation (129).
L'ÉDUCATION RELIGIEUSE
… À mon avis, la religion devrait imprégner l'éducation dans toutes ses phases, du berceau à la tombe. Car la religion n'est pas une série de doctrines mais bien une méthode de vie ; elle n'est pas un crédo que l'on doit répéter, mais une attitude envers la vie… Et il n'est rien de plus religieux que d'enseigner aux esprits jeunes à reconnaitre la Loi et de collaborer avec elle dans les limites de la loi humaine et de la conscience [220] individuelle… Je demanderais donc que l'on développe au même titre, dans l'éducation, la conscience sociale et la conscience individuelle. Les jeunes gens apprendront la différence qui existe entre les lois de la nature et celles de l'homme ; mais le respect de la loi leur enseignera que s'ils y contreviennent pour une raison de conscience, ils devront, accepter les souffrances qui en découleront. Car c'est ainsi qu'ils rendent à la fois leurs devoirs envers eux-mêmes et envers la société (130).
Mais il est quelque chose qu'il ne faut jamais oublier. Le patriotisme est un sentiment d'amour. Il ne faut jamais mêler au patriotisme le poison de la haine, car la haine est la racine même des vices de même que l'amour est la racine des vertus. Lorsque le patriotisme est empoisonné par la haine envers d'autres pays, il devient maladif, il perd son essence et sa vitalité. L'évolution naturelle du patriotisme le porte à se muer en un sentiment d'amour envers toutes les nations et le nationalisme devient ainsi internationalisme. Le patriotisme est un pas vers cet amour immense et élevé qu'est l'amour de l'Humanité, couronne du monde de l'avenir. Mais le patriotisme imprégner du mal que répand le poison de la haine devient agressivité de race, insolence de race, tyrannie de race. Ces sentiments rapetissent le coeur et aveuglent l'intelligence. (129)
… L'éducation n'est pas tant une affaire de gouvernement qu'un devoir du peuple lui-même. Pour atteindre réellement son but, elle doit être entreprise, conçue, dirigée, réalisée non seulement par ceux qui aiment leur pays mais aussi par ceux qui connaissent les besoins du pays, ses particularités, ses caractéristiques, ses traditions. Pour être réellement utile, l'éducation doit être basée sur la connaissance du passé [221] de la nation autant que sur celle de son présent ; elle doit être conçue en conformité avec les traditions anciennes et les coutumes nationales et être adaptée aux nécessités modernes, afin de pouvoir répondre en tous points aux besoins sans cesse croissants de la nation. Lorsqu'on traite de l'éducation, il convient de s'informer de l'opinion de l'élite et de celle du peuple. Les Conseils de direction de tous les établissements d'enseignement devraient tenir compte de l'opinion des hommes d'État, des patriotes, des officiers, des hommes d'affaires, des pères et des tuteurs des enfants. Ils apporteraient dans ce domaine leur expérience du monde, leur connaissance de leur pays et leur clairvoyance quant aux besoins et aux possibilités de la nation ; tous ces éléments concourraient ainsi à l'établissement d'un vaste plan d'éducation et à sa mise en pratique d'une façon efficace.
Je crois donc que tous les hommes et toutes les femmes doués de réflexion devraient étudier cette question de l'éducation et s'en former une opinion rationnelle. C'est seulement de cette manière qu'elle peut être efficacement protégée contre une tendance à devenir trop mécanique, trop formelle et trop éloignée de la vie réelle de la nation (77).
Le gouvernement devrait assurer à tous les établissements enseignants et culturels les moyens matériels de subsister, leur donner des terrains et des subventions destinées à l'édification de nouveaux bâtiments et à l'équipement nécessaire, de façon à ce qu'ils soient à même de fournir ultérieurement à la nation cette richesse sans prix que sont des hommes et des femmes instruits et habiles d'un caractère élevé et qui sont à même de travailler dans n'importe quel domaine de la vie nationale. L'argent dépensé pour l'éducation sert aussi à rendre forts et heureux les individus. Les [222] hommes instruits produisent la littérature qui élève une nation aux yeux du monde ; et, ce qui plus est, ils répandent leur savoir sur toute la terre au moyen de cette littérature qui ennoblit et inspire non seulement leurs contemporains mais aussi les générations futures qui en profiteront. La science fait des découvertes qui augmentent le savoir humain, qui accroissent la puissance de l'homme vis-à-vis des forces de la nature et – si elle est dirigée sur des voies adéquates – elle préservera, élèvera et augmentera la vie et le bonheur humains. Par l'éducation et la culture de la nature spirituelle, intellectuelle, émotive et physique de l'homme, le sauvage peut être élevé au niveau du sage et du saint, la pauvreté peut être abolie, la société peut être rendue fraternelle au lieu d'être barbare, le crime, fruit de l'ignorance, peut être éliminé et la paix sociale et internationale peut remplacer la guerre et la lutte de classes.
Je préconise donc une longue période d'éducation pour les enfants et des loisirs pour ceux qui sont parvenus à la vieillesse, en cette période de leur vie où leur expérience murie est nécessaire pour aider et guider la nation. Je suis d'avis qu'une véritable répartition des fonctions donnerait un essor à des idéaux élevés que l'expérience arriverait à réaliser. Les vieux devraient instruire les jeunes et les jeunes, de leur côté, donneraient naissance à des idéaux élevés de meilleures conditions sociales que leur inexpérience, pourtant ne leur permettrait pas de réaliser seuls. Les ainés d'une nation qui, eux, possèdent l'expérience, devraient se retirer des travaux de la production mais devraient apporter la richesse de leur savoir à la réorganisation de la société, quelle que soit la classe sociale dont ils sont issus. Bien des enfants que l'instruction aurait rendus forts d'esprit et de coeur sont arrêtés et atrophiés [223] dans leur développement par l'entourage dans lequel s'écoulent leurs premières années. Si l'on examine à fond cette question, l'on verra que, faute d'instruire les enfants, la nation se trouve amputée de citoyens dont elle aurait pu être fière mais qu'elle n'a pas été capable de former (131).