LES BASES DU MONDE NOUVEAU
3 - LA PAIX
3. Le plus grand problème que le monde ait actuellement à résoudre est celui de la Paix prochaine qui sera, il faut l'espérer, le fruit splendide né de la guerre et de ses sacrifices. Quelle sorte de Paix peut être digne de ces sacrifices ?
La paix mondiale ne peut être assurée que si les nations font honneur aux traités qu'elles ont signés, de la même façon que les individus font honneur aux contrats qu'ils ont conclus. La société retomberait dans la barbarie si, individuellement, les hommes reniaient leurs promesses, déchiraient leurs contrats et refusaient de faire honneur à la parole donnée. Tous les hommes de bonne volonté doivent s'efforcer d'introduire dans les relations internationales les mêmes obligations morales que s'imposent les individus. Les guerres entre nations ne cesseront d'avoir lieu que si la Justice est admise par tous et si le pays du plus fort est empêché par l'action commune des peuples d'envahir et de piller les pays faibles, de la même manière que les voleurs et les assassins sont arrêtés par la police. Tant que ce résultat ne sera pas obtenu, toute nation faible protégée par un traité devra être défendue par les nations fortes (41).
… Bien que la paix soit le but poursuivi, il faudra gravir bien des échelons pénibles avant que le monde [49] soit prêt à l'accueillir. Le Maitre Intérieur Immortel devra avoir solidement instauré son règne dans nos coeurs avant que l'on puisse se passer de la contrainte des lois externes. S'il en était autrement, ceux qui se trouvent au plus bas degré de l'évolution extermineraient ceux qui sont parvenus aux échelons supérieurs, ainsi que la populace juive a mis le Christ à mort (42).
Dans le coeur même de l'Humanité réside le désir de paix. Mais la passion de la prospérité matérielle rend les peuples de la terre aveugles à cette vérité qu'ils sont les enfants de Dieu, dont l'un des multiples noms est : Paix. Ils ne reprendront conscience de la réalité que lorsqu'ils auront substitué à leur passion de la prospérité matérielle la passion de la perfection morale.
Comment susciter cette aspiration parmi les nations ? Non pas par le désarmement politique ou économique mais bien par la suppression de cette désaffection entre hommes qui, tel un chancre, a rongé jusqu'aux organes vitaux de notre monde (24).
Et ceci, dans sa force consciente, est une des grandes leçons de la guerre. Cette leçon nous enseigne que c'est uniquement en allant vers un idéal supérieur que l'on parviendra à provoquer de grands changements sociaux et à améliorer les conditions d'existence de la société, prise dans son ensemble. L'argumentation dans ce sens, aussi saine soit-elle, ne portera pas ses fruits si elle est utilisée seule car la majorité des gens pensent, en réalité, fort peu ; ils ne font guère, en cette matière, que suivre le courant. Les appels aux sentiments émotifs sont également insuffisants ; il est probable qu'une émotion non canalisée par le savoir deviendrait une force destructrice plutôt que bénéfique. Elle serait incapable de construire le grand édifice de l'avenir. La régénération de la société ne [50] sera donc obtenue ni par des appels à la logique, ni par des appels aux sentiments. C'est à quelque chose de plus élevé, de plus noble, de plus grand, qu'il faut faire appel. Et ce quelque chose peut être trouvé en chaque homme parce que chaque homme porte en soi le Dieu caché qui répond aux idéaux les plus élevés. Il faut que ce soit un idéal supérieur, qui s'adresse à ce que l'homme a de désintéressé et non à ce qu'il a d'égoïste (31).
Si chacun de nous se met au travail avec zèle et constance jusqu'à ce que chaque être ait débarrassé son coeur de toute trace de ressentiment contre ceux qu'il suppose l'avoir blessé, nous nous apercevrons un jour, peut-être avec surprise, que la Paix règne sur le monde entier (43).
LE DANGER EST…
… Le danger est que nous oubliions ce que nous ont enseigné les combats de la guerre et que les sentiments anciens ne fassent revivre – comme c'est le cas aujourd'hui – la désunion des classes, qui devraient être unies. Là est le danger qui menace la paix. Nous tomberions alors d'une guerre dans une autre, de la guerre entre nations à la guerre entre classes, aussi effrayante – plus effrayante peut-être – que la première car elle détruit le sentiment de la patrie commune, qui précède nécessairement celui de la Fraternité (31).
… Du point de vue de l'Occultiste, l'opinion selon laquelle la paix ne devra être conclue avec l'Empire germanique que lorsque ce dernier aura été écrasé au point de ne plus pouvoir menacer la liberté et la paix en Europe, est une opinion juste. Pour utiliser [51] une phrase courante : "la guerre doit être menée jusqu'au bout".
… Mais si l'Occultiste reconnait qu'il est nécessaire pour la sécurité du monde que l'Allemagne soit mise hors d'état de nuire, il ne peut cependant pas la haïr. Il sait que la Volonté divine en cours d'évolution doit être accomplie et ayant appris que cette volonté dirige l'évolution vers la formation de Commonwealths coopératifs unis en de grandes Fédérations, soumises à la Loi internationale, il comprend la nécessité absolue de détruire l'autocratie, de remplacer la force par la loi, de maintenir le caractère sacré de la parole donnée par une nation et l'inviolabilité des traités aussi longtemps que leurs signataires ne les ont pas annulés par consentement mutuel. L'Allemagne s'est identifiée à l'autocratie, à la force ; elle s'est octroyé la liberté de renier la parole donnée et de déchirer un traité lorsque cette parole et ce traité sont susceptibles de mettre obstacle à ses projets d'expansion. Ces principes l'obligent à avoir recours à la guerre (elle en a, de mémoire d'homme, provoqué quatre en Europe) et ils sont incompatibles avec la structure de la civilisation future. L'Allemagne doit donc être privée des moyens dont elle dispose pour imposer ces principes. Si l'Occultiste raisonne ainsi, ce n'est donc pas parce qu'il ressent de la haine pour ce pays – il ne peut éprouver à son égard qu'une grande pitié –, mais bien parce que la Volonté divine en évolution est contraire à ces principes. Le pays qui les incarne doit donc être écarté de notre chemin et le meilleur moyen dont nous disposions pour y parvenir est la guerre actuelle. Il faut donc qu'elle soit menée jusqu'à l'accomplissement de son objet.
Lorsque cet objet sera rempli, l'Occultiste se trouvera opposé à ceux dont il aura jusque-là, applaudi [52] et encouragé la détermination de "lutter jusqu'au bout". Pour l'Occultiste, cette guerre doit aboutir à des siècles de paix. Il ne peut donc approuver la proposition de faire de l'Allemagne un pays hors-la-loi, un objet de haine pour la famille des nations ; il ne peut approuver non plus celle de lui fermer, une fois la paix revenue, l'accès des pays avec lesquels elle est actuellement en guerre. Lorsqu'elle aura été mise hors d'état de nuire, comme ce sera le cas, il faudra l'aider à reprendre sa place parmi les peuples libres et non lui infliger l'amertume de l'ostracisme.
La Ligue antigermanique me semble donc incarner un principe faux, appelé à perpétuer les antipathies nationales et qui ressort du même état d'esprit que "l'Hymne de Haine" – représentatif de l'état d'esprit actuel des Allemands –, antihumain et dégradant. Cette Ligue de même que "L'Hymne de Haine", est un rejeton de la guerre mais elle est contraire au vaillant esprit de nos soldats. Ne peut-on plutôt s'efforcer de stimuler leur aptitude au pardon, leur empressement à sauver un ennemi blessé ? L'Allemagne sortira
de la guerre grièvement blessée. La Croix-Rouge devrait flotter sur elle, et la Croix-Rouge est une protection (44).
* * *
… Des maux et des horreurs du champ de bataille surgira une fraternité plus vaste et lorsque l'Oriental rencontrera son compagnon d'Occident, cette chanson pourra parcourir le monde :
Il n'existe ni Orient ni Occident
Ni frontières, ni origine, ni naissance
Lorsque deux hommes forts se trouvent face à face,
Même s'ils viennent des deux bouts de la Terre (32