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LES ENSEIGNEMENTS DES MAITRES DE LA HIERARCHIE

LES LOIS FONDAMENTALES DE LA THÉOSOPHIE Par Annie BESANT - 1910

II — LE DÉSIR AMÈNE LE PENSEUR EN CONTACT AVEC L'OBJET DÉSIRÉ

II — LE DÉSIR AMÈNE LE PENSEUR EN CONTACT AVEC L'OBJET DÉSIRÉ


Au premier abord cette vérité ne doit pas vous sembler aussi palpable que la précédente, cependant, le désir, la volonté, est le seul motif déterminant dans l'univers. Vous pouvez constater qu'il est partout un centre d'attraction : en chimie, dans les affinités et dans les répulsions, c'est toujours le désir qui entre en jeu ; c'est le désir qui, dans l'aimant, attire le fer doux ; c'est lui qui est cause de la cohésion comme de la désagrégation, de l'attraction comme de la répulsion : c'est une force à double effet dans la nature ; c'est le seul élément moteur. Quand cette force d'attraction émane de vous vers des objets extérieurs, on l'appelle désir ; vous désirez posséder ceci ou cela. Aussi longtemps que vous serez attiré ou repoussé par des objets extérieurs, vous êtes dans un état de conscience tel, que je vous comparerais volontiers au papillon qui vole, va, vient et revient,
s'arrêtant successivement sur tels et tels objets, [152] inconstant et errant. Mais quand, au lieu d'être influencé par le désir pour les choses extérieures, le même pouvoir est dirigé de l'intérieur, et non attiré par les objets extérieurs, qu'il est motivé par des expériences accumulées jugées par la raison, on l'appelle alors la volonté. Ce qui fait la différence entre un caractère faible et un caractère énergique, c'est que le premier est facilement attiré par tout ce qui est extérieur à lui, et l'on ne peut guère se fier à un tel caractère ; l'autre, au contraire, agit sous l'influence d'une expérience intérieure qui décide de l'attitude qu'il doit avoir vis-à-vis des objets, attrayants ou non, qui l'entourent ; on peut avoir toute confiance en un tel caractère.
Le désir, en nous, tend sans cesse à nous rapprocher de la chose qui nous attire pour la faire nôtre ; il y a attraction, comme entre un aimant et une barre de fer doux ; c'est le même pouvoir. La raison de cette attraction est que la même vie une existe en tous, et que les vies, séparées par les formes différentes dont elles sont revêtues, tendent sans cesse à s'unir ; tout dans la nature s'attire ou se repousse, que cela soit (pour employer les termes usuels), dans le monde animé ou dans le monde dit inanimé. Tout ce que vous désirez posséder est attiré vers vous par ce désir [153] même, et cela peut se constater dans les limites de notre courte existence terrestre. Quand un homme a porté son désir sur un objet, il arrive assez fréquemment que celui-ci ne se trouve pas à sa portée immédiate ; une personne ayant le désir très vif de visiter un pays aura des chances, avant de mourir, de trouver l'occasion de réaliser son souhait à un moment donné. Et lorsque nous en venons à considérer le champ beaucoup plus étendu d'un grand nombre de vies, on peut alors en vérité se rendre compte de l'immense pouvoir de ce désir qui transporte l'homme là où ce désir sera satisfait, qui l'amène à l'endroit précis où il peut saisir l'objet auquel il aspirait. Le désir crée donc les occasions. Le désir attire à nous l'objet de nos convoitises et nous transporte à l'endroit où cet objet peut être atteint.
Telle est la seconde des trois lois subsidiaires qui nous donne cet avertissement : soyez prudents dans le choix de vos désirs. Afin d'illustrer cela d'un exemple, prenez le désir le plus commun, celui de l'argent ; voyez l'homme dont le plus grand souci est d'amasser une fortune colossale et, lorsqu'il la possède, il ne sait le plus souvent qu'en faire : survient alors le dégout de la vie ; la chose se rencontre assez fréquemment ; un tel homme [154] a passé la plus grande partie de sa vie à acquérir la richesse et finalement il se décourage. Aussi longtemps qu'il peut établir un contraste entre sa pauvreté d'autrefois et la richesse acquise, celle-ci le réjouit. Mais quand il s'est graduellement habitué à voir tous ses désirs réalisés, il est alors blasé, plus rien ne lui sourit. C'est dans ces efforts, c'est même dans ce dégout que réside le secret de l'évolution. L'homme progresse par les désirs et, quand il atteint l'objet convoité, il le brise, le foule aux pieds, car rien ne peut plus le satisfaire.
C'est par ces choses futiles qui ont tant d'attrait pour nous que Dieu incite ses enfants à s'efforcer de développer les pouvoirs divins qui sont en eux. Les avantages de la vie sont utiles, non par la jouissance qu'ils procurent lorsque nous les possédons, mais par les efforts qu'ils nous ont obligé à faire dans le désir que nous avions de les atteindre. La perte du désir est la chose la plus funeste qui puisse exister pour le progrès de l'homme tant que la volonté d'agir selon la volonté de Dieu n'a pas remplacé le désir égoïste de la possession : l'homme tombe alors dans l'apathie, il devient inutile, il recule devant l'effort. Sachez que la désillusion attend tout homme qui s'attache aux choses [155] extérieures et qu'il ne s'en délivrera qu'en s'identifiant avec son moi (lequel est divin). Cette vérité a été catégoriquement et splendidement exposée par George Herbert dans les vers suivants :

Lorsque Dieu créa le premier homme
Il avait près de Lui une coupe remplie de bienfaits.
Je veux, dit-Il, répandre sur l'homme tout ce que j'aurai de bon ;
Que toutes les richesses éparpillées dans le monde
En un instant se rassemblent pour lui.
Ce qui en premier lieu descendit, ce fut la force.
Puis la beauté, la sagesse, le pouvoir, les plaisirs.
Lorsque presque tout fut épuisé, Dieu s'arrêta un instant.
Puis Il s'aperçut que de tous ses trésors
Seul le repos restait au fond de la coupe.
Et Il se dit : Si je donnais aussi
Ce joyau à ma créature
Il adorerait mes présents et non moi-même,
Et le repos dans la nature, qui ne dépend pas du Dieu de la nature
N'est ni le repos, ni Dieu.
Oui, qu'il garde le reste de mes trésors,
Qu'il les garde jalousement,
Qu'il soit riche et blasé pour que, [156]
Si la bonté ne peut l'émouvoir, le dégout au moins
L'incite à se jeter dans mes bras 6.
Tout s'écroule, sauf ce qui est divin. Quand l'homme a essayé de tout et que tout lui manque, il cherche alors le Dieu qui est en lui et c'est à partir de cet instant qu'il trouve le repos et la paix.

6 Ces vers sont cités de mémoire et ne pouvant les vérifier je m'excuse ici des erreurs qui auraient pu s'y glisser. (Note de l'Auteur.)

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